Isadora, traqueuse et vampire

De ses parents, Isadora ne se souvient pas de grand chose. Elle n'arrivait même pas à se rappeler de leurs visages. Mais elle était quasiment certaines qu'ils avaient des liens avec des vampires et que ces derniers les traquaient. Comment avaient-ils pu concevoir un bébé alors que leurs existences étaient menacées, c'était l'un des grands mystères du passé d'Isa. Mais elle se rappelait encore de leurs cris lorsque les créatures aux longues canines les avaient trouvé, alors qu'elle n'avait que trois ans. Sa mère avait tout juste eut le temps de la faire sortir par une porte à la dérobée. Elle lui avait promit de venir la chercher mais... Elle n'était jamais venue. Et son père non plus. Isa avait attendu pendant trois jours entiers, mais rien. Au moins les vampires ne l'avaient jamais retrouvée. Mais ils avaient tué ses parents, elle le savait. Nul besoin de retourner chez elle pour y trouver leurs corps démembrés, désarticulés, elle le savait. Les vampires les avaient assassiné et avaient dû se repaître de leurs sang jusqu'à la dernière goutte.

Pendant des semaines ou des mois, elle ne savait plus bien, elle avait erré dans les rues de sa ville natale dont elle ne se rappelait plus du nom. Ne se nourrissant que des ordures qu'elle trouvait dans les poubelles, et tremblant à l'idée que les vampires puissent la retrouver. Elle aurait dû mourir sans doute, mais elle s'était accrochée à la vie comme une tique s'accroche à un animal. Isadora était devenue moins qu'humaine aux yeux de beaucoup à cause de toute la crasse qui s'était accumulée sur elle et de sa maigreur effrayante... Beaucoup l'évitaient ou l'ignoraient. Ce n'était pas bien difficile, elle était encore toute petite et passait son temps à se cacher. Et pourtant...

Quelqu'un la vit. Un géant de gentillesse et de douceur à ses yeux d'enfants qui lui avait gentiment offert du pain chaud. Alors qu'elle était frigorifiée et aurait dû le rester jusqu'à ce que la température remonte, la chaleur revint dans son corps et lui fit un bien fou. Ce simple pain chaud aurait bien pu venir du paradis que ça n'aurait pas changé grand chose. L'enfant poussa un profond gémissement de désespoir en réalisant que son bienfaiteur l'avait abandonnée à son sort. Tenaillée par la faim, la peur et l'envie de le revoir, elle se lança à sa recherche... Et ne le lâcha plus. Comme une tique elle s'était accrochée à la vie, et comme ce petit parasite elle s'était collée aux pas de Julian, malgré les efforts de l'adolescent pour la chasser. Grâce à un simple pain chaud, il était devenu son sauveur, sa lumière, la première personne qui avait fait preuve de gentillesse depuis la mort de ses parents. L'enfant toute crasseuse n'avait jamais voulu se laisser convaincre par son ange gardien.
Il ne voulait pas d'elle, tant pis, elle voulait être avec lui. C'était tout.

Sa ténacité fut récompensée après un kilomètre d'efforts dans la boue, avec ses petits pieds tous froids et blessés par la route, Julian avait fini par se laisser rattraper. Lorsqu'elle fut à sa hauteur, la petite fille attrapa l'une des grandes mains avec ses petites menottes et s'y était accrochée comme si sa vie en dépendait.

-Je ne te lâcherais plus jamais ! Avait-elle affirmé avec conviction.

Ses premières heures avec Julian passèrent comme dans un rêve. Cet homme paraissait être d'une gentillesse infinie et n'hésitait pas à débourser de l'argent pour lui acheter tout ce dont elle avait besoin. Même si ce dont elle avait surtout besoin, c'était de son sauveur. Isa fit tout pour plaire à celui qu'elle appelait "son ange", ne se plaignant quasiment jamais, lui posant des tas de questions sur lui, sur ce qu'ils voyaient et les entouraient, et venant se rouler en boule contre lui pour dormir dans les granges. Peu à peu elle se mit à apprécier de plus en plus Julian qui passa de la case ange à celle de grand-frère. Isa avait un profond besoin de famille, et Julian malgré le fait qu'il ai voulu l'abandonner au début était le seul qui pouvait lui en offrir une.

Isadora a grandit à Berlin lorsque les deux jeunes y furent arrivés. Les premiers mois furent compliqués parce qu'elle ne comprenait pas pourquoi il fallait qu'elle laisse Julian partir loin d'elle en journée, ce n'était pas juste ! Mais après maintes explications, crises de colère et deux nourrices exténuées qui ne voulurent plus d'elle... Isadora fini par adopter la troisième comme sa nouvelle maman, parce qu'elle trouvait qu'elle ressemblait beaucoup à sa véritable mère. Elle devint vite une ravissante femme à l'éducation approuvée par les mœurs de son époque... Mais ce qu'elle préférait par dessus tout était les enseignements que lui avait prodigué Julian en combat à mains nues et avec un couteau. Même si sa vie était heureuse, elle n'avait jamais oublié le jour où ses parents étaient morts, il hantait encore ses rêves la nuit. Selon elle, le seul moyen de mettre fin à ses cauchemars était d'anéantir le responsable de toute la souffrance que les humains subissaient depuis des décennies. Le comte Dracula en personne.

Ainsi en parallèle de ses études pour devenir pâtissière, la jeune femme avait dés qu'elle l'avait pu intégré le Club Diogène auquel son frère appartenait déjà. Au moment de son intégration, elle s'était d'ailleurs tournée vers lui pour lui répéter la petite phrase qu'elle lui avait lancé alors enfant, après qu'elle se soit saisit de sa main après lui avoir couru après pendant un kilomètre. Les missions se succédèrent... Simples au début, puis de plus en plus risquées... Jusqu'au jour fatal. Alors âgée de 19 ans, elle avait été chargé d'évacuer une famille de faes de Berlin, Isadora avait dû se confronter au vampire qui en avait après ses protégés... Elle s'était battue, elle avait fait au mieux pour retenir le monstre le temps que les créatures puissent fuir. Finalement elle était tombée. Et l'autre ne l'avait pas tuée.
Il avait fait pire.

Son réveil au Club fut un calvaire et elle envoya  bouler toutes les personnes tentant de s'approcher d'elle. Même son frère de cœur ne trouva pas grâce à ses yeux dans les premières minutes jusqu'à ce qu'elle finisse par s'effondrer en larmes dans ses bras. Elle était devenue une vampire, et cela la dégoûtait profondément. Le choc fut si profond qu'elle failli même se suicider en s'enfonçant un pieu dans le coeur. Julian l'avait soutenue comme il l'avait toujours fait, la soutenant lorsqu'elle perdait espoir. Cela avait renforcé leur lien déjà si fort qu'il leur permettait de transcender l'hostilité éternelle entre leurs deux espèces.

Aujourd'hui, quelques années étaient passées depuis que le vampire l'avait mordue. Isa avait fini par abandonner ses pulsions suicidaires et avait été légèrement rassurée sur son futur lorsqu'on lui avait rappelé qu'il y avait aussi des vampires dans le Club. Qu'elle pouvait continuer à se battre contre Dracula tout en appartenant à son espèce. Malheureusement, une chose ne l'avait jamais quitté. Une faim lancinante parfois dévorante qui la poussait parfois à se diriger vers un humain avec un sérieux désir de le mordre. Jusqu'à maintenant elle parvenait à se contenir... Mais le pourrait-elle toujours ?