Lancement des Geishas - Event libre

Rah Berlin... J'avoue que j'ai roulé ma bosse dans pas mal d'endroits, et pour l'instant il n'y a pas beaucoup de villes qui s'approchent de la capitale allemande en terme de fêtes et de réceptions, à part peut-être Shangaï qui se défend pas mal. Pourtant c'est bien ici que se tiennent les fêtes les plus dantesques et les plus folles : soirées privées dans les somptueuses villas des magnats du cinéma, des banquiers ou des hommes d'affaires, des sauteries décadentes dans les appartements des artistes en vogue, et bien sûr, les endroits où la musique et la drogue coulent toujours à flots comme le Sing Sing ou le Moka Efti... J'aime ce tourbillon permanent, cette euphorie, cet éventail qui nous permet en quelques heures d'assister à une course automobile, sauter dans une immense berline pour aller jusqu'au centre ville manger un bout dans un club où les groupes de jazz mettent déjà une ambiance de folie, et terminer la soirée en allant voir un feu d'artifice tiré sur le lac depuis une péniche avant de danser jusqu'à l'aube. Avec tout ça, pas étonnant que la cocaïne se vende comme des paquets de farine, car c'est la seule solution pour pouvoir profiter de toute la folie que cette ville a à offrir! D'ailleurs quand j'y suis, je me laisse aussi tenter de temps en temps, histoire de retarder au maximum le moment où j'irai m'effondrer dans mon lit, de préférence en bonne compagnie.

Et là j'ai eu vent d'une autre soirée intéressante qui allait se dérouler le lendemain : l'inauguration d'automates très particuliers dans un bar japonais. Des geishas automates. C'est totalement fou! J'en ai vu des vraies à Tokyo et c'était fascinant de voir leurs petits pieds avancer sur leurs sandales de bois, leurs kimonos compliqués arrangés avec art et leur chevelure d'un noir brillant ornée de peignes et pendants qui oscillaient gracieusement à chaque mouvement de leur tête. Un spectacle vivant, qui serait donc retranscrit à la perfection par des...robots? Voilà qui a de quoi m'intriguer!

Et une heure après le début, parce que ça n'est jamais bon d'arriver les premiers, la voiture de mes amis se gare devant l'entrée du bar feutré qui semble déjà grouiller de monde. Un voiturier, d'origine asiatique, vient se mettre à la place du conducteur et disparaît dans un vrombissement sonore alors qu'on pénètre à l'intérieur dans un nuage de soie, de satin, de plumes et de strass. La décoration est magnifique, ressemblant à une vraie maison traditionnelle, mais plus moderne et plus européenne... Un de ces fameux robots s'approche de nous et s'incline gracieusement, et je le contemple, stupéfait.

"Bonsoir chers hôtes et bienvenue au Wandern Kirin. Veuillez entrer et profiter de la soirée. Nous sommes là pour vous amuser et pour vous divertir!"

Et d'un geste que je n'arrive même pas à voir, elle fait un élégant mouvement de son éventail avant de nous laisser le passage. Est-ce que je rêve ou est-ce qu'elle a souri? Est-ce qu'on peut programmer  un sourire dans une de ces machines? Bonne question! Le fait est que j'attrape une flûte de champagne et que je me dirige vers le buffet pour savourer ces fameux sushis et sashimis trop peu connus des européens.

J'aime la technologie et toutes ces nouvelles inventions dont on fait la réclame régulièrement. J'ai du mal à comprendre les sceptiques ou les aigris qui sont toujours en train de râler en disant que ces nouveautés vont rendre les gens fainéants, assistés ou incapables d'utiliser leurs dix doigts. Bon sang mais moi je vois ça comme des miracles! Des miracles à chaque coin de rue! Quand j'étais môme, en Egypte, les coins les plus reculés, ceux loin dans les terres, ou proches de la source du Nil vivaient encore au Moyen-Âge, utilisant des technologies rudimentaires et travaillaient presque comme leurs ancêtres sous les pharaons... et dire que maintenant l'électricité comme le gaz gagnent de plus en plus de terrain, amenant lumière et chaleur pour tous, que la radio comme le téléphone permettent de se tenir au courant de ce qui se passe partout dans le monde et d'entendre des voix venir de l'autre bout de la planète! Des paquebots aussi confortables que des palaces sur la terre ferment acheminent des voyageurs en sécurité, et avec tout le confort sur toutes les mers (à part pour le Titanic, grossière erreur de parcours, mais exception qui confirme la règle) et maintenant l'homme a même conquis le ciel, devenant un nouvel Icare qui défie la gravité et file à la vitesse d'un oiseau loin au-dessus du sol! Les médecins arrivent à soigner des maladies faisant des millions de morts il y a encore quelques dizaines ou centaines d'années et on arrive à remplacer des membres amputés par des prothèses robotiques pratiquement indétectables, permettant à des blessés de vivre une vie quasiment normale après un terrible accident. Autant de merveilles fascinante, de prodiges fabuleux qui nous font vivre une meilleure existence chaque jour!

Et alors que je contemple ces fameuses geishas, je me demande comment on peut encore être sceptiques quand on voit de telles merveilles de progrès : si on n'y prête pas attention, on remarque à peine les légères lignes d'assemblage qui se dessinent sur leurs visages soigneusement maquillés, et leurs mouvements sont éblouissants de légèreté et de fluidité, loin des robots de travail que j'ai pu voir dans certaines usines ou dans quelques champs. Ici tout est ressemblant de façon impressionnante, dans le moindre pli du coude, de la tenue d'un petite doigt ou l'inclinaison de la tête... c'est exactement et totalement humain au point de s'y méprendre ... et pendant de longues secondes je reste mon verre en main, à simplement admirer ces extraordinaires créations jouer du shamizen, servir des boissons ou jouer gracieusement avec leur éventail... Et maintenant qu'elles sont en face de moi je comprends mieux en quoi leur venue est un événement : ces quatre demoiselles de fer ont dû couter une fortune pour organiser une telle soirée de lancement rien que pour elles.

Il semblerait bien que tout le gratin soit là, ou soit en train d'arriver, dans un tourbillon de perles, de plumes et de redingotes noires. La piste de danse est déjà bien remplie et l'alcool coule à flots dans la débauche joyeuse qui est la marque de Berlin, la ville qui ne dort jamais. Je déambule, prenant un peu la température de la soirée et je remarque du coin de l'oeil une ravissante jeune femme habillée de vert, la seule qui soit venue en kimono. Surprenant, au milieu de ces robes courtes à franges, à perles ou à plumes, et original. Je bois une gorgée de saké chaud, et à voir la mine des convives autour d'elle, la jeune femme semble être une vampire... mal vue dans cet endroit semble-t-il. Pourtant je ne savais pas que ce bar était réservé aux humains... Etrange. Et là je remarque que deux types, visiblement éméchés, ont l'air de vouloir lui chercher des noises. Je me rapproche juste un peu, curieux de voir comment ces deux crétins pensent pouvoir avoir le dessus sur une fille de la nuit, aux capacités bien supérieures aux leurs, surtout s'ils sont alcoolisés. Que le spectacle commence, comme on dit!

Elle esquive un premier coup, ce qui me fait échapper un sifflement d'admiration avant de reprendre une gorgée, suivant du regard les deux types qui tentent de revenir à nouveau à la charge. Mais jamais vous n'aurez le dessus bande de crétins... Bon, là j'ai clairement deux idées qui se bousculent : la première c'est de voir ce que ça va donner, en buvant mon verre. Problème, la garde Karpathe risque de débarquer et mettre le bazar, et ainsi ruiner les espoirs de passer une bonne soirée, et la deuxième est de l'aider. J'hésite une seconde, et quand j'entends la menace ridicule d'un des types j'éclate de rire je finis mon verre cul sec avant de faire semblant de reculer légèrement du comptoir, laissant trainer ma jambe, et le type qui voulait s'en prendre à elle trébuche dessus et s'étale de tout son long.

Oh bah mon petit monsieur il faut faire attention où on marche! Ca aurait pu être dangereux tout ça!

Je me penche, l'air de vouloir l'aider à se relever alors que je me penche à son oreille.

Maintenant tu vas arrêter de faire le con et laisser tout le monde faire la fête d'accord? Si t'es pas sorti dans les cinq minutes, mon Smith & Wesson que j'ai dans ma veste risque de faire des aérations à des endroits où c'était pas prévu. Dégage.

Le type me regarde, semble réfléchir, puis titube, se perdant rapidement dans la foule. Il n'en reste plus qu'un et je reprends un autre verre, regardant comment la jeune fille se débrouille avec le deuxième lourdaud pour savoir si j'interviens là aussi, ou non.

Dans ce cas précis, je me demande vraiment comment certains être humains peuvent perdre autant de neurones une fois alcoolisés… C’est vrai, c’est assez impressionnant de voir ces types tenter de s’en prendre à cette charmante demoiselle alors qu’ils sont humains et saouls.

Surtout que la jeune fille a l’air de bien se débrouiller, en esquivant un premier type et en montrant clairement qu’elle ne comptait pas se laisser marcher sur les pieds. Et c’est plus pour éviter que les choses dégénèrent que parce que ce je n’ai pas confiance en ses capacités que je l’aide à se débarrasser du premier des gros lourds, en le faisant tomber sur le sol. Mais sans donner l’image du chevalier servant avec ses gros sabots, et qui intervient alors qu’on ne lui a rien demandé. D’ailleurs elle s’occupe avec brio du deuxième, lui décrochant un beau coup malgré son kimono étroit. Je hausse un sourcil, impressionné, et hoche la tête. En voilà une dure à cuire.

En plus la demoiselle n’est pas bête et a bien compris que le premier n’est pas tombé tout seul. Dans une chaleur toute berlinoise elle me tutoie et je lui accorde mon plus beau sourire.

De rien, et ça n’était pas grand chose. Tu te débrouillais très bien toute seule mais je me suis dit qu’on pourrait plus vite profiter de la fête en s’y mettant à deux pour les éjecter.

J’ai un léger rire quand elle montre les dents aux types qui détalent sans demander leur reste et je me tourne pour attraper deux verres sur le plateau d’une de ces merveilles robotiques déambulant parmi nous, en tendant une à la jeune fille.

Santé Fraulein! Je m’appelle Rick, Rick O’Connell et toi, charmante fille de la nuit?

L’ambiance était vraiment du tonnerre, avec ce mélange de fête totalement berlinoise, mélangé au calme et au côté apaisant de la décoration et de l’ambiance japonaise. Un mélange que j’adore.

Surtout qu’en plus de rassembler le tout Berlin, entre artistes, célébrités, hommes politiques ou riches industriels, on trouve aussi des crétins qui pimentent un peu l’ambiance en commençant à chercher des noises à une jeune vampire qui était simplement en train de profiter de la soirée sans rien demander à personne. J’avoue que je ne déteste rien de moi que les gens pensant pouvoir régenter la vie des autres, surtout à leur place… enfin je déteste ça et bien d’autres choses c’est sûr.

Enfin la jeune femme me remercie et on fait les présentations. Elle a l’air d’avoir simplement apprécié que je l’aie tirée de ce mauvais pas sans me hurler que je n’avais qu’à me mêler de mes affaires, et je lui tends un verre avant de trinquer avec elle. Mais là, alors que j’attendais sa réponse, un cri perçant s’élève de l’autre bout du café. Par réflexe, comme tous les gens autour de nous je me tourne vers l’origine du bruit et découvre avec horreur qu’un incendie a éclaté dans le bar. Merde.

Enchanté Isadora. Et en effet si tu ne veux pas qu’on crame comme un rôti il faudrait opérer une retraite stratégique.

Et là, à ma grande surprise, au milieu de tant de gens qui lui avaient lancé des regards hostiles, là voilà qui s’improvise pompière - est-ce que ça se dit, ça, pompière d’ailleurs? - et commence à guider les gens pour qu’ils puissent évacuer le plus rapidement possible et dans un calme tout relatif. Elle attrape même le bras d’une femme paniquée qui était restée à regarder les flammes grignoter un rideau comme un lapin pris dans les phares d’une voiture. Bon sang, y’en a qui sont vraiment pas dégourdis!

Attrapant deux serviettes de table je les utilise pour saisir un bout encore intact du rideau en train de brûler et tire dessus pour l’arracher à ses gonds et éviter que l’incendie se propage. Par chance juste à côté ils ont installé une de ces fontaines en bambou et je balance le rideau dedans, qui s’éteint en laissant échapper un nuage de vapeur. Le reste de l’incendie peut être contenu sans trop de mal si tout le monde s’y met et comme si j’avais lancé la manœuvre, les autres réagissent enfin, vidant la glace de seaux à champagne sur les flammes restantes. Au final, à part la femme blessée, les autres s’en tirent plutôt bien. Et alors que je les laisse faire, je sors pour retrouver la mystérieuse Isadora que je retrouve et dont je m’approche.

C’est bon, l’incendie est maîtrisé. Il faut croire qu’on va pouvoir le boire, ce verre! Si tu es toujours intéressée bien sûr.

Et encore une soirée banale dans le monde merveilleux de Rick! Et là où je m'attendais à ce que ce soient les robots qui finissent par être le centre de l'attention et le clou du spectacle, finalement ça a été un bon vieil incendie qui a rajouté un peu d'animation dans tout ça, causé par du saké chaud. Je me demande même si au Japon, le saké a déjà provoqué des incendies. Enfin, le mouvement de foule inopiné m'a permis de croiser le chemin d'une très jolie vampire... ou plus exactement, des crétins sur le chemin m'ont fait lui donner un coup de main, et le fait qu'elle prenne les choses en main m'a donné envie de l'aider à évacuer les convives au lieu de simplement sauver ma peau et trouver un autre bar ouvert. Par chance, ce n'est clairement pas ce qui manque dans cette ville qui ne dort jamais. Un sourire charmeur aux lèvres je lui propose qu'on termine la soirée autour d'un verre, histoire de faire plus ample connaissance. J'avoue que je ne suis pas du genre à rejeter quelqu'un parce que c'est un vampire, mais plutôt parce que c'est un con donc... la demoiselle étant charmante, et tant qu'elle ne se nourrit pas sans ma permission, il n'y a aucune raison pour ne pas accepter de passer un petit moment en sa compagnie.

Parfait ! Mais quelque chose me dit qu'ils ne vont pas continuer à servir du saké chaud. A moins d'être un peu suicidaires...

Petit à petit les gens autour de nous finissent par s'éparpiller à l'extérieur, pour ceux que cette aventure a refroidis ou qui veulent continuer la soirée ailleurs, ou rentrer reprendre un verre pour se remettre de leurs émotions. Au passage je croise un type qui porte un masque de corbeau cachant totalement son visage... pourquoi pas, il en faut plus pour m'étonner dans cette ville folle! Je fais un signe de tête à Abraham que je vois un peu plus loin. On retourne au bar, dans une salle moins bondée et où les quelques membres du personnel humains ramènent les robots geishas à l'arrière, loin des regards indiscrets.

Je vais prendre un whisky et toi?

Le barman d'origine asiatique portant un costume sombre hoche la tête et pioche dans toutes les bouteilles qui sont sagement alignées sur une étagère éclairée, faisant ressortir les différentes couleurs des liquides dans un arc-en-ciel alcoolisé. D'un signe du menton je désigne le dernier robot qu'on range.

On dirait que leur grande présentation n'a pas tellement bien tourné non? Et sinon Isadora, que fais-tu dans la vie à part sauver des gens dans des bars en feu?