Mauvais endroit, mauvais moment

Mauvais endroit, mauvais moment

La porte de la chambre s'ouvre lentement... Aucun bruit ne résonna dans la chambre. L'aube commence à faire naitre de faibles rayons lumineux à l'horizon. Il est temps pour le vampire de plonger dans un profond sommeil. Il referma la bouteille d'où émanait une forte odeur cuivrée, et essuya le coin de ses lèvres avec un délicat mouchoir immaculé. Le sang appartenait à une jeune fille qui avait toute la vie devant elle... Jusqu'à ce qu'on y mette fin. Le vampire était satisfait. La nuit avait été bonne. Il était resté chez lui, à savourer le délicieux breuvage tout en écrivant des lettres pour ses amis, tous vampires comme lui. Il n'était pas inquiet,  il était en sécurité ici. Il avait laissé son garde du corps au rez de chaussée, et lui avait donné l'ordre de ne laisser entrer aucun être vivant, qu'il soit humain ou animal. Il avait bien obéi, car il n'avait même pas entendu une mouche voler. Ce qu'on racontait sur ce chasseur de vampire et les rumeurs qui se propageaient à son sujet n'étaient peut être que des histoires, rien de bien inquiétant. On disait qu'il avait déjà fait disparaitre deux vampires dans le quartier. C'était certes de faibles êtres de la nuit, mais lui n'était qu'un humain... Apparemment.

On avait longtemps cru qu'il s'agissait d'un sorcier. Un mage utilisant ses pouvoirs pour augmenter sa force et sa vivacité, mais les rares indices rapportés par les journaux étaient formels. L'odeur était celle d'un être humain. Un être humain qui utilisait son propre sang pour attirer ses proies qu'il passait sur le fil de sa lame.  Le vampire laissa échapper un ricanement peu assuré. Ces jeunes vampires s'étaient battus entre eux et s'étaient entretués. Voilà ce qui était réellement arrivé. Il n'y a pas de Corbeau. Il n'y a pas de chasseur de vampire. Aucun être humain n'oserait s'en prendre à eux, la race qui leur était infiniment supérieure.

Un craquement.

Le vampire se retourna, et ne rencontra que le silence et l'obscurité de sa chambre éclairée par une petite lampe de chevet. Il soupira, maudissant sa peur puérile. Il avait passé l'âge d'avoir peur du noir ! Il commença à s'étendre dans son lit, tendit le bras pour éteindre la lumière... Un mouvement, cette fois ci, attira son regard. Il hurla.

Les cendres s'accumulent dans un petit tas grisâtre sur le matelas. Le pyjama couleur de miel retomba lentement sur elles, comme si le corps qui l'occupait avait soudainement disparu, comme par magie. C'était le cas, sauf qu'il n'y avait aucune magie là dedans. Le Corbeau essuya sa lame, encore tâchée du sang du vampire, sur l'édredon. C'était une bonne soirée. Un vampire bourgeois et son garde du corps. Cela fait deux vermines de moins dans ce monde, et un espoir de plus pour la race humaine. C'était presque trop facile. Le garde du corps tout comme son maitre ne s'étaient pas défendus, pris par surprise. Tout c'était déroulé dans le silence le plus complet. La nuit laissera place au jour d'ici une heure ou deux, il a même le temps de laisser Dante dormir un peu. Trop aimable. La voix de Dante est sèche, amère. Il n'apprécie toujours pas de devoir partager son corps avec le Corbeau. Mais c'est ainsi. Ils s'étaient mis d'accord, ce soir là était idéal pour chasser. A présent, place au repos tant mérité, car les muscles commencent à faiblir.

Le Corbeau prit cependant le temps d'inspecter la chambre, de consulter les lettres et les documents. Il en préleva certains, en brula d'autre dans la cheminée, puis il quitta les lieux, sans un mot, sans un regard pour celui qui n'était plus que cendres. Il se dirigeait vers la fenêtre par où il était entré quand il s'arrêta brusquement. Sans un bruit, il se dissimula derrière un coin de mur. Un bruit de pas. Faible, très léger, mais tout de même présent. Dante soupire. Pourquoi rester ? Le Corbeau tire lentement la dague en argent de son fourreau et, brusquement, surgit de sa cachette. La lame se retrouva à deux centimètres seulement de la gorge de l'intrus. Un jeune homme brun et barbu. Un autre vampire. Etrangement, celui ci ne paraissait pas être un familier des lieux, à en juger par sa tenue et par son sac. Un voleur, sans doute. En d'autres circonstances, le Corbeau l'aurait laissé dérober tout ce qu'il voulait, il l'aurait même encouragé, car il n'y a plus personne pour garder les trésors de ces lieux. Mais ce voleur appartenait hélas au mauvais camps. D'une voix sifflante, le Corbeau prononça ces quelques mots : Et bien... Qu'avons nous là ? Tu as mal choisi ta nuit petit. Une dernière parole ?

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Mauvais endroit, mauvais moment

Il était rare que le Corbeau se trompe.

Cela n'était arrivé que deux fois jusqu'à présent. La première fois, il avait cru que sa proie serait seule, mais un autre vampire se cachait dans la pièce, attendant de pouvoir bondir. Il avait eu de la chance qu'il se soit trahi en faisant craquer le plancher. La seconde fois, il avait cru qu'il pouvait faire confiance à un être humain. Ce dernier l'a conduit tout droit dans un piège. Il s'en est sorti uniquement grâce à sa dextérité. Ce soir là, il avait cru faire face à un vampire, mais c'était un sorcier qui lui avait répondu. Un sorcier qui avait disparu, se mêlant aux ombres, parlant avec elles. Le Corbeau ne bougea pas lorsque ce nuage obscur envahi la pièce. Il ferma même les yeux, se fiant aux bruits et aux échos dans la pièce. Il savait où il se situait. A deux pas à droite du lit de feu le vampire.

Le sorcier parla de nouveau, lui disant de ne pas le prendre pour un de ces vampires imbu de leur personne. Le Corbeau inclina le bec, essayant de déterminer l'origine du son. Au fond de la pièce visiblement, mais où ? Le sorcier avait rendu sa voix caverneuse, floue, ce n'était pas facile de savoir d'où elle venait. Il s'était caché, il savait donc qui il était. Il avait du entendre parler de cet être humain au masque de corbeau. Mais comment en être certain. Le Corbeau se taisait, Dante se creusait les méninges. A deux, ils devraient trouver une solution. Ils pouvaient attendre que la fumée se dissipe, mais cela ne ferait que du temps supplémentaire accordé au sorcier, qui conservait de toute évidence un gros avantage. Non, il devait agir.

Le Corbeau leva le bec, mais il garda les yeux fermés sous son masque, ne se fiant qu'à son ouïe. Le sorcier lui demanda une trêve, mais ajouta que, s'il essayait de lui faire un mauvais coup, il le tuerait. Le Corbeau ne put s'empêcher de ricaner. Malgré les recommandations de Dante qui lui conseillait la prudence, le Corbeau répondit : Parce que tu crois que cela suffira à m'effrayer petit sorcier ? J'en ai mâté des plus coriaces que toi. Sort de l'ombre, tu sais bien que je ne te ferais aucun mal.

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