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Ludwig von Offenberg
Ludwig von Offenberg
Enfant de la Nuit
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Date d'inscription : 28/04/2021

(Severin) ▼ Curiosity killed the cat Empty (Severin) ▼ Curiosity killed the cat

Jeu 15 Juil - 9:44
Curiosity killed the cat
Severin&Ludwig
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Hush

”Il est effrayant, parfois, de réaliser comme tu te glisses si bien dans les ombres, mon frère. Comme tu avances, dans les ténèbres, conscient d’en être le protégé, ce préféré qui aura toujours sa place en leur étreintes, comme tu te fais terrible félin, araignée tirant bien des fils de soies autour des infortunés qui ont eu le malheur de t’intéresser, de posséder ce quelque chose que tu désires acquérir, pour le pervertir, l'enlaidir, en faire arme, dague qui viendra pénétrer le flancs de mes ennemis, de ceux qui pourraient vouloir me nuire.” Dissimulé dans sa silhouette découpée par la lumière, j’avais souri, n’avoir feins qu’un instant d’être offensé avant d’à lui, venir, pour me lover dans sa grandeur, trouver dans sa présence, cette dévotion que je déteste pourtant chez les fidèles et autres croyants usant leurs genoux dans la poussière, en récitant prières, en égrenant leur misère, les différents tourments rythmant leur existence. “Un jour, je crains de te voir surgir ainsi, Ludwig, le coeur tordu par la vengeance, par cette démence qui finit par frapper tous ceux m’entourant.”

Il m’est presque trop simple de pénétrer en la demeure du jeune médecin, de par une fenêtre de l’étage me faufiler, avançant sans faire un bruit, sans même déranger la poussière dansant dans l’air, le parfum subtile d’un tabac que l’hôte de ce lieu fume quand il revient d’une journée à enseigner, ou le temps de corriger quelques copies rédigés par des étudiants soucieux de lui ressembler, ambitieux, aux esprits pollués par le fol espoir de devenir les nouveaux sauveurs de ces siècles, ces héros dont les nom échapperont à l’oubli, à l’amnésie collective, aux outrages de ce temps qui s’en moque bien des hommes et de leurs désirs, des faits accomplis, des passions de ceux qui s’en retournent à la terre, qui ne peuvent échapper à la fatalité. Dans les pas des servants, de ceux qui entretiennent cette demeure assez grande pour accueillir cette famille que le dernier des van Helsing n’a point, j’évolue, me fait imprenable présence qui flirte avec les courants d’airs, les murmures inaudibles du silence qui se fait délicieuse amante pendue à mon cou, maîtresse lovée le long de mon échine, des frontières même de mon être qui peine à se démarquer de la nuit, de cette pénombre qui dévore petit à petit l’hôtel particulier de l’homme de science, de cet absent qui n’est là pour veiller sur ses secrets, qui trop occupé à vouloir faire tomber Dracula, à ramener cette justice qui n’existe point, qui n’est que mensonge brodé par des hommes voulant un instant, emprunter la grandeur d’un Dieu inexistant, c’est presque avec nonchalance que je me fraye un chemin jusqu’à l’étude, jusqu’au coeur même de ce bureau que je conquiers d’un sourire, que d’un regard, je contemple, pour mieux le violer de ma curiosité, des ces fouilles que j’entreprends, les lèvres pincées, effleurant de mes doigts gantés, le bois sombre d’un bureau soigneusement rangé, ordonné, organisé avec rigueur, aménagé de telle manière qu’il me semble contempler son reflet, caresser presque, l’image même de sa personne, l’intimité la plus vraie de son être, cette vérité qu’il s’efforce de cacher sous des manières, des promesses, ses mensonges qui sont le quotidien, le travers de tous les hommes. de me faire, le temps de quelques secondes, minutes, cet amant privilégié qui le voit enfin à nu, qui sous le masque des mondanités, à le droit de se faufiler, pour enfin le rencontrer, le contempler, s’émerveiller de sa laideur, de cet hideux que d’autres auraient pris la peine d’aimer, de vouloir lui accorder cette absolution qu’il espère tant, ce divin pardon qui ne viendra qu’à la fin, que lorsqu’il s’en retournera à ses ancêtres, quand empoisonné par les regrets, il ne sera plus qu’amer vieillard dévoré de l’intérieur, âme aigrie par la violente réalité de ce monde.

Tu seras furieux, d’apprendre, de comprendre, dans quelques temps, que je fus là, que j’ai eu ce privilège que tu n’accordes aux tiens, que tu réserves à cet élu qui n’est encore là pour t’aimer, pour accepter cette folie qui est tienne, que tu te refuses de rencontrer, par peur, probablement, de finir comme ce père qui n’a été qu’échec, lâche s’attachant à une famille, une descendance, au lieu de se sacrifier pour ce bien commun qu’il disait être son unique religion. Tu m’en voudras, d’avoir ainsi souillé tes affaires, d’avoir vu, entre les lignes soigneusement rédigées de tes carnets et autres dossier, l’essence même de ta personne, cette brute vérité dont je prendrais soin, par respect pour l’adversaire que tu es.

Mes pas étant étouffés par l’épais tapis recouvrant le parquet méticuleusement ciré, c’est sans une noce d’hésitation que je me fais grand seigneur conquérant, tyran, prenant place sur ce fauteuil qu’il occupe tant, en ce siège qui porte encore les arômes de son parfum, l’odeur de sa peau abimée par la rigueur des entraînements, par des cicatrices qui se refusent à cicatriser, qui malgré les années, persistent, insistent, se faisant gueules béantes vomissant, suintant, un sang vicié, poissé, par une malédiction qui finira par l’emporter; m’asseyant en croisant les jambes, en prenant le temps d’apprécier le confort de mon siège, de m’imaginer, une seconde, enfiler sa chair et ainsi redevenir humain, être faible, inconscient pétri des meilleurs intentions. Les doigts croisés au niveau de mon ventre, j’inspire en un geste purement mécanique, me force, à apprécier cette goulée d’air inutile que je prends uniquement pour m’enivrer des fragrances de sa vie,des secrets qu’ils me livrent en silences, ces arômes que ses domestiques ne parviennent à tuer, quand ils viennent, lui apporter thé et autres en-cas, quand ils viennent épousseter les différents bibelots servant de décoration, prendre soin de ces ouvrages aux reliures grignotées par le temps, par des heures d’études et de lectures, ces subtiles réminiscences qui se font autant de souvenirs que je lui dérobe, lui vole, pour les faire miens, les archiver, au sein de mes pensées, les pendre à ces toiles que je brode en ma conscience, dans les tréfonds de ma psyché, soigneusement leur trouver une place au sein de cette immense fresque je peins au fil de mes caprices, de mes envies, de mes désirs de servir celui qu’ils cherchent tous à détruire.

Un tabac raffiné, épicé, le genre que les anciens soldats ne fument pas, qui est réservé à ceux qui n’ont eu à ramper dans la fange et les boyaux, à ces médecins qui n’ont eu qu’à recoudre les survivants, ceux qui s’accrochaient à l’existence.
Un goût pour les thés aromatisés, puissants, forts et exigeants, trahissant cette rigueur, cette dureté héritée d’un père qu’il fallait rendre fier, impressionner, pour le rassurer, lui assurer qu’il serait différent, qu’il parviendrait à laver ce nom.
Une solitude acceptée, faite aimée.
La peur de blesser autrui, d’un jour devenir ce monstre que l’on pourrait détester.
Un poison dans les veines.
Une bête à museler.


Sur mes lèvres, il se glisse un autre sourire, un rictus qui persiste quand enfin, je me penche sur les quelques lettres, missives et autres papiers trônant sur son bureau, m’attardant un instant sur le nom de ce nouveau patient qui n’est point un inconnu, sur ce jeune sorcier dont je connais déjà les travers et autre vices, parcourant en diagonale, les pathologies qui accablent celui qui passe ses nuits à s’abîmer, à se vautrer dans les bras d’hommes qui couchent avec lui uniquement pour pouvoir se targuer d’avoir sodomiser la pute la moins chère de Berlin, en échange du privilège d’avoir l’honneur de se soûler du champagne le plus onéreux que cette vie ait à offrir, jouant du bout des doigts avec la pointe de ma barbe soigneusement taillée.

Le Club espère-t-il vraiment faire quelque chose de ce déchet qui n’a encore réussi à dilapider l'entièreté de sa fortune ? Ou serais-tu devenu fou, Abraham, que tu en viennes à perdre ton temps avec un homme qui finira par s’éteindre sans un bruit, au milieu de ses propres fluides, sous le regard indifférents de ses amis qui se pressent pourtant chez lui à la moindre sauterie qu’il organise ?

D’un hochement de tête, j’exprime ma déception, avant de s'immobiliser, quand je l’entends arriver, ce petit curieux à la démarche hâtive, à la foulée craintive dû à cette peur qui le précède, qui sème dans l’air, cet embruns qui réveille mes instincts, cette faim primaire que je jugule alors qu’il m’apparaît enfin, s’incarnant sur le seuil de la porte, le coeur accidenté par l’angoisse, la surprise aussi, de me trouver là, à la place de son maître, de percevoir, ce léger rire qui est mien, cette hilarité qui s’incarne le temps d’une expiration.

“Tu en as mis du temps.” lui dis-je le temps d’un murmure presque paternel, d’un chuchotement si discret qu’il en dérange à peine la poussière dansant devant l’unique lumière éclairant la pièce. “Je prendrais un thé.” continue-je, simplement pour le railler, me moquer de ces banalités qu’il voudrait sûrement me cracher dans l’espoir de me chasser de ce lieu, de ce sanctuaire que je sais être son unique foyer. “Noir, sans sucre, ni lait. Prends-toi quelque chose. Tu as l’air pale et je n’aimerais pas que le très cher médecin se fasse du soucis pour toi. Pire qu’il pense que j’ai pu me jouer de tes nerfs.” conclus-je, avec dans la voix cette pointe d’amusement malsain, ce désir presque juvénile de le faire frémir, trembler, de faire fleurir en ses viscères, cette terreur si belle à contempler, cette horreur qui liquéfie les organes, fait du sang, le plus subtil des nectars. “Eh bien ?” Voyant qu’il ne bouge pas, je lève enfin mes prunelles vers sa personne, posant de ce fait mon regard dans le sien, lui reprochant en silence d’être si peu face à moi, si fragile, simple petit corps tremblant pour ma présence, petite proie pétrifiée pour les crochets d’un immense serpent. “Comptes-tu rester là toute la nuit ?” J’ose pousser un soupir, l’humilier un peu plus, me jouer de cette fierté que je trouve presque ridicule. “Comme c’est humain de s’encombrer de quelque chose qui ne sert à rien.”

De s’attacher à un être qui finira par n’apporter que déception, qu’il faudra de toute manière abandonner, délaisser.

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Severin Jäger
Severin Jäger
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(Severin) ▼ Curiosity killed the cat Empty Re: (Severin) ▼ Curiosity killed the cat

Dim 1 Aoû - 11:32

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Faire le messager était de loin ce que le petit brun préférait. Il adorait quand Abraham lui donnait la mission de courir Berlin pour livrer des missives ou en ramener. Cette fois, il avait été plusieurs heures en mission, parce qu’on lui avait demandé de patienter jusqu’à avoir la réponse pour le docteur. Et comme on commençait à le connaître, on lui avait offert de patienter au salon, avec des gourmandises. Cela ne se refuse pas. On est bien d’accord. Il avait pu savourer des pâtisseries à la française. Il y avait un peu trop de crème dans tout ça. ça manquait de pommes. Mais ça se laissait manger, pour sûr ! Avec café délicieux. Olala. Il aimait bien livrer le courrier à ce vieux notable. Ses cuisiniers faisaient des miracles. Ou alors, c’était qu’il n’avait pas des goûts de luxe et s’émerveillait de tout ? Sans doute un peu des deux. Il avait mangé bien dix pâtisseries en attendant cette réponse qui semblait fort longue à écrire. Lui, il allait bien plus vite quand il écrivait à ses sœurs. Mais sans doute qu’il faisait moins de chichis aussi. C’était sans doute pour ça. Les riches, ils se font parfois du mouron pour rien ! C’est pas parce qu’une phrase est mal tournée que c’est la fin du monde, non ? Enfin, il allait pas se plaindre, il avait des choux à la crème et du café. On lui avait même amené du lait pour faire un café au lait bien crémeux ! Il était le plus heureux des messagers ! Presque déçu qu’on lui redonne la missive pour Abraham. Il remercia son hôte et enfourcha sa bicyclette. C’était le plus beau cadeau que Bram lui ait fait cette bicyclette ! Il filait à toute allure dans les rues de Berlin. Il n’avait pas fallu longtemps pour qu’il prenne ses repères. Et sentir le vent frais du soir fouetter son visage, c’était si plaisant ! Il faisait souvent raisonner sa petite clochette, poussez-vous, c’est moi qui arrive ! Il n’avait encore jamais eu d’accident, ce qui tenait sûrement du miracle vu sa propension à faire des folies sur son bolide à deux roues et pédales. Mais quelle liberté. C’était dans ces moments-là qu’il se sentait le plus libre. Qu’il oubliait un peu le malheur. ça s’effaçait doucement. ça s’effaçait quelques instants. C’était sans doute pour cela qu’il n’usait pas ses freins, mais qu’il usait ses pantalons en faisant des chutes acrobatiques… Freiner, c’est avouer qu’on veut ralentir. Severin ralentit pas. Severin s’arrête pas. Severin continue d’avancer malgré tout. On continue, on fonce. On s’arrêtera quand on sera morts.

Il rentre en trombe dans la propriété de monsieur Van Hellsing. Il range son vélo -pas à l’endroit prévu, Jenkins ralera une fois de plus-. Il récupère la missive qu’il doit donner à son employeur. Presque un père adoptif en réalité. Un modèle. Il grimpe les escaliers quatre par quatre avec sa fougue désordonnée, avec son pas bruyant de campagnard. Il ne s’y fait pas trop aux ambiances feutrées et à la retenue qu’on lui demande d’avoir. Il sait pas trop faire. Lui, il est franc du collier, il parle fort, il parle vrai, et il rit trop fort. Mais m’sieur ‘Bram lui en tient pas trop rigueur, c’est surtout Jenkins qui roule des yeux malgré son flegme et sa retenue.

M’sieur Bram ! M’sieur Bram !” lance-t-il alors qu’il arrive dans le couloir, comme une alarme pour indiquer qu’il a du courrier.

Il poussa la porte du bureau. Oups, il avait oublié de frapper. Il espérait que M’sieur Bram n’était pas en rendez-vous avec quelqu’un d’important. Et… Il se figea sur le seuil du bureau. C’était pas monsieur Van Hellsing. Il eut un frisson qui lui parcourut l’échine. Pourquoi c’était pas m’sieur Bram ? Où était monsieur Bram ? Et c’était qui ce type là ? Son instinct lui criait que quelque chose ne tournait pas rond et qu’il vaudrait mieux fuir. Seulement, il pouvait pas laisser un inconnu dans le bureau de M’sieur Bram comme ça. Qu’est-ce qu’il était sensé faire ? A part sentir son coeur battre à mille à l’heure et rester comme deux ronds de flan sur le seuil de la porte.

...Quoi ? Un thé ? Et puis quoi encore ? Il était pas le domestique préposé au thé ! Surtout pas pour un inconnu qui n’avait rien à faire là ! Non mais ! Il se prenait pour qui lui ! La peur laissa place à une improbable colère. Il n’était pas là pour ça. Lui, il était messager personnel de m’sieur Bram ! Il faisait pas le thé ! D’autant plus que son thé était souvent infect, mais passons. Le rouge monta à ses joues comme preuve qu’il était piqué par les remarques de l’homme.

J’suis pas celui qui fait le thé. L’mien est pas bon. Pis j’fais pas d’thé aux impolis.” lança-t-il avec un air de défi.

Qui était le plus impoli, là ? Probablement lui. Mais il avait assez de mauvais foi pour penser l’inverse.

Vous êtes qui ? Vous faites quoi dans l’bureau d’m’sieur Bram ? Vous devez pas être là !

Petit roquet qui essaie de défendre le territoire de son modèle, de son maître à penser. Il fronce les sourcils, ses traits se tordent pour tenter d’intimider, mais il a encore cet air juvénile qui ternit sa crédibilité. Ou alors c’est le léger tremblement dans sa voix. Ou le mélange des deux.

Oui j’vais rester là toute la nuit. Parce qu’vous resterez pas seul dans le bureau de m’sieur Bram. Et j’suis sûr que j’suis plus utile que vous !

Non mais quel toupet ce type ! Il se permettait de critiquer alors qu’il savait même pas qui c’était ! Franchement, c’était fort de café ! L’agacement était visible entre la colère et l’incompréhension du jeune homme. Il avança dans la pièce tenant toujours la missive pour Abraham. Hors de question que ce type lise les correspondances de M’sieur Bram. C’était de sa responsabilité de protéger cette missive.


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Mer 18 Aoû - 11:37
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Il est si petit, presque rien, cet enfant qui me fait face, qui ose braver, soutenir mon regard, essayer de m'impressionner, moi que des siècles n'ont su user, que les guerres et pandémies ont vu résister, il ose, se fait impudent, inconscient, fou, dément que je dévisage non sans sourire, m'amuser de son aplomb, de l'impulsivité de ses réponses, de la beauté de sa franchise, de cette vérité qui habille le moindre de ses gestes, la moindre des syllabes glissant d'entre ses lèvres pleines, gorgées d'un sang que je perçois presque couler sous sa peau fine, que j'entends, être liquide malmené par les battements furieux de son cœur affolé, de ce muscle encore jeune, épargné par les outrages et autres offenses qui viennent avec le temps, avec les années, de ces maladies et autres tares qui sont le quotidien, le destin, des vivants. Impassible, c'est à peine si je cille, attendant qu'il gronde, se fasse ridicule tempête que j'observe, contemple avec une tendresse presque paternelle, le couvant d'un regard bien patient, d'une envie, peut-être de perdre un peu de temps, ou tout du moins, de comprendre ce qu'il a de si attachant, pour que le médecin se décide à le recueillir, à s'encombrer d'un être qui aurait peut-être dû mourir, qui dans quelques années, arrivera à lui en vouloir, à lui cracher au visage, cette ingratitude qu'éprouvent un jour tous ces enfants qui deviennent grands, qui réalisent que le monde n'est pas si séduisant, qu'avec la maturité, vient la déception, la cruelle désillusion et enfin, cette consternation qui corrompt les ambitions et les envies, qui tue l'espoir et ces possibles que l'on se fabrique pour n'avoir à songer à l'au-delà, à ce qui peut bien se trouver sous la terre, dans l'estomac même de ce néant auquel nous retournons tous. Ainsi, je laisse entre nous s'installer un silence, passer bien des anges alors que je détaille le moindre plis de ses vêtements relativement propres, nettoyés régulièrement, probablement pliés par ses soins, entretenus avec cette envie de les voir durer, de ne point donner l'impression d'être négligée, de ne savoir apprécier la générosité de ce grand absent qui n'est là pour voir ô combien son employé se comporte bien, est fidèle, au point de n'arriver à me craindre, d'oser même, s'imposer, à mes yeux, exister, au lieu de disparaître, de chercher à m'échapper, de supplier, tenter de me vendre bien des secrets pour l'épargner, lui pardonner d'avoir eu l'audace de me trouver, de me déranger ; jusqu'à tomber sur cette lettre qu'il tient entre ses mains, à laquelle il s'accroche, froisse presque entre ses phalanges, au creux de ses paumes que j'imagine par endroits écorchées, abîmées par le labeur, le besoin de trouver dans l'effort une raison de se lever, d'avancer, de chérir une vie qui n'est précieuse que si on la vit à moitié,  la gâche au plus vite.

Heureux sont ceux qui meurent avant de vieillir, de réaliser qu'il est ingrat de survivre, d'affronter cette douleur qui est le fardeau de ceux qui doivent faire leur deuil. Heureux sont-ils, ces défunts qui te voient persister, lutter, te faire carcasse crevant à petit feu, la gueule grande ouverte, le cœur encore plein de cette envie de croire que tout cela n'est point vain, qu'à la fin, quand viendra le jugement dernier, tu seras remercié, gracie, récompensé, parce que tu as été humble, parce que tu as aimé, pardonné, parce que tu as voulu tendre la main, être meilleur que ton prochain. Heureux sois-tu, gamin.

D'un battement de cils, je chasse l'ombre de ce sourire qui flottait jusqu'à présent sur mes lèvres, pour d'un soupir très mécanique, m'amuser, railler ses talents, allant même jusqu'à, du bout des doigts, lisser ma barbe, feindre ce geste bien humain que je conclus d'un ronronnement, d'un son si profond qu'il s'en fait grondement, feulement qui semble faire trembler l'air autour de moi, déranger la danse de cette poussière qui valse dans l'air, que je vois s'échouer sur ses cheveux fins, sur la pointe de ces cils, la courbe de ses joues rebondies.

« Je venais aux nouvelles. » dis-je simplement, croisant les jambes pour mieux souiller cet endroit qu'il doit considérer comme sacré, comme ce sanctuaire où il n'est admis que pour plaire, pour répondre aux envies de son maître, d'un homme à qui il doit tant, trop peut-être. « Ce cher Abraham se fait discret, dernièrement, trop. »

Juste assez pour réveiller en moi des instincts que je pensais éteints, des envies de chasse et de massacres que je n'éprouvais que lorsqu'elle était là pour empoigner mes reins de ses ongles, pour sur ma nuque, déposer morsures et promesses d'un amour enfin consommé, d'une passion qui survivrait à l’éternité.

« Tu sais comment il peut être parfois. »

Je marque une pause afin de me lever, me redresser, déployer, déplier devant lui toute l'immensité de ma stature, de mon corps façonné par cette vie où je n'étais que simple pécheur, marin naviguant au gré des caprices d'un océan glacé, de vagues taillées pour tuer les imprudents et autres égarés, qu'artisan vivant au rythme d'une nature aujourd'hui dressée, enlaidie par le progrès et la science, par les ambitions et folies d'hommes qui ne veulent accepter la mort, qui cherchent désespérément à jouer à Dieu, ou tout du moins, à prouver son existence en le forçant à chuter, à quitter son palais gardé par d'inexistants archanges ; pour lui faire face, l'écraser de mon ombre qui vient le dévorer, complètement l'occulter, se faire funeste augure, assourdissant avertissement.

« Il a des secrets pour tout le monde, y compris pour son vieil ami Ludwig. »

Par envie de te protéger, il doit en taire, des choses sur l'homme qu'il est réellement, doit t'en inventer, des mensonges pour te sauver, t'épargner, t'arracher aux serres de cette vérité qui finira un jour par te trouver. Dans l'ignorance, il doit te garder, remerciant sans doute ton insouciance, ton inconscience, cette douce et juvénile ingénuité que je t'envierais presque. Le connaissant, il doit s'en vouloir, parfois, prier pour le salut de son âme, l'absolution, la promesse que les saints comprendront.

« Je m'inquiétais, vois-tu. » Sur le côté, j'ose pencher la tête, mes prunelles de nouveau posées sur cette intrigante missive, envoûtante inconnue qui n'est probablement rien de plus qu'une lettre venant de l'université, d'un étudiant ou d'un collègue quémandant son expertise. « Tu imagines donc mon soulagement maintenant que je sais que tu es là pour veiller sur lui et ses affaires. »

Pour lui, j'esquisse un sourire qui, contrairement aux précédents, parvient à dévoiler la pointe de mes crocs, à feindre un semblant de chaleur, d'humanité qu'il devient de plus en plus compliqué de simuler, de prétendre posséder, au fil des nuits, des jours, des mois, des années, à les contempler tous, se ressembler, se répéter, n'être qu'une copie de travers et de défauts voués à échouer, désireux de tromper l'éternel, ce grand après dont fantasme les suicidaires et autres âmes fracassées qui hantent cette terre, errent, à la recherche d'une réponse, d'une promesse, d'un mensonge même. Vers lui, je tends alors une main, pour de ma paume, apprécier la courbe de sa joue, la chaleur irradiant de sa peau, pour mieux la tapoter, l'effleurer du bout de mes doigts quand j'estime l'avoir assez infantilisé, gentiment humilier avec cette condescendance qui est la tare de tous les êtres existants depuis trop longtemps.

« Je suis certain qu'il est rassuré de te savoir ici quand il n'est pas là. »

Je marque une pause, lui permettant de s'offusquer, de m'en vouloir de ne point le prendre au sérieux, de ne pas arriver à trembler devant ses menaces et avertissements qu'il tente d'exprimer de son regard de gosse déterminé à défendre a maison, ce peu de stabilité qui lui épargne de connaître une vie de bohème, une existence à faire la manche, à croupir quelque part  dans les bas-fonds de Berlin, à voler, être peut-être l'une de mes petites mains, une de ces souris qui espionnent pour moi, tendent la main en échange d'informations, de rumeurs, de ragots ; avant de reprendre, d'une voix douce, presque paternelle, quasi humaine.

« Son nouveau patient, le connais-tu ? » D'un geste de la main, je désigne le dossier médical déposé sur le bureau, ouvert de telle manière à dévoiler le nom du riche français, de l'ancien combattant aimant tant se vautrer dans la décadence. « L'as-tu déjà vu ? » La question étant presque rhétorique, je ne lui laisse pas vraiment l'opportunité de répondre. « Ce n'est pas quelqu'un de bien tu sais. C'est le genre de personne qu'Abraham ferait mieux de ne pas fréquenter, de laisser dans son coin. » Je reviens croiser le regard du gamin, feindre une inquiétude qui masque sans peine cette pointe d'amusement qui vient réveiller d'anciens instincts, de vieilles envies prédatrices, de pulsions qui se font vertiges, légères notes d'allégresse qui attise ma faim, mon besoin de me faire agent d'un chaos qui s'en fout bien d'être vénéré. « C'est quelqu'un de dangereux et je ne voudrais pas qui lui arrive quelque chose, tu comprends ? »

Parce qu'à ma manière, je l'aime presque, ce descendant d'un échec, la progéniture d'un adversaire qui n'est plus. Parce qu'il est amusant, à vouloir sauver le monde, expier le mal d'âmes qui aiment être viciées, souillées par les péchés, les désirs terrestres et autres ambitions célestes. Parce que sans lui, je verrais un autre fragment de mon passé s'en aller, disparaître, être avalé par la gueule du néant, pulvérisé par le temps, parce qu'il me faudrait faire le deuil d'un intangible qui me définit, me séparer de souvenirs, d'impressions qui ont leur importance.

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Severin Jäger
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(Severin) ▼ Curiosity killed the cat Empty Re: (Severin) ▼ Curiosity killed the cat

Ven 3 Sep - 18:28

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Severin n’aimait pas la façon qu’il avait de le regarder. Severin n’aimait pas plus son sourire qui semblait se moquer de lui. Severin n’aimait tout simplement pas cet homme. Il flairait la mauvaise graine. Il avait beau être bien habillé, pour parler un peu vulgairement, il puait la merde. Il le sentait que c’était un type qui allait lui causer des problèmes. Un riche qui s’croit tout permis, là ! Il aimait pas ça. Et il aimait pas le surprendre à la place de son maître. Il aimait pas ça du tout. C’était illégal de rentrer comme ça chez les gens ! Vraiment illégal ! Il plissa le nez en l’entendant. Pfeuh ! Severin aimait pas plus sa voix et son ton condescendant ! Il sentait bien quand on se fichait de lui, il était pas débile pour Franz le voisin de la ferme d’à côté. On la lui faisait pas à lui !

Ben la prochaine fois, vous faites comme tout le monde, vous envoyez une lettre !” répondit-il bougon avec un air de défi. Non mais il se prenait pour qui celui-là, là ! “Il s’fait p’t-être discret parce qu’il veut pas vous voir ! Et j’comprendrai, vous z’êtes plus mal élevé qu’un cochon de ferme ! Sortez de ce fauteuil ! C’est pas le vôtre !

Comment peut-être monsieur Bram ? Il est un type bien, lui ! Il avait rien à reprocher à m’sieur Bram ! Il voyait pas ce que ce sale type sous-entendait, mais il dirait jamais de mal de monsieur Bram. Il ferait jamais ça. Il devait tout à M’sieur Bram alors c’était hors de question de laisser ce goujat se pavaner dans son fauteuil et cracher sur le grand docteur. C’était hors de question ! Alors il aboyait comme un petit roquet, il montrait les dents, il faisait du bruit, mais il restait planté devant la porte, incapable d’avancer. Parce qu’il allait quand même pas se battre dans le bureau de monsieur Bram et puis, il arrivait déjà pas à gagner contre les gamins de son âge, il était presque sûr de perdre là. Il avait pas la stature pour rivaliser alors… Il allait se contenter d’aboyer !

C’drôle, il m’a jamais parlé d’un ami qui s’appelle Ludwig, vous êtes sûr qu’il vous aime bien ? Franchement, j’serai pas si sûr à vot’place…

Et pourtant là, qu’il lui faisait face, son ton était toujours énervé mais il y avait cette pointe de crainte dans sa colère, ce léger tremblement qui revenait. Et voilà qu’il se remet à se moquer. Le gamin fronce les sourcils. Il aime vraiment pas qu’on se moque ouvertement de lui. Il est pas idiot. Et il aime pas les compliments moqueurs pas pensés. Ravale-les tes putains de moqueries, là. C’est ce que dit son regard courroucé, son nez plissé, et sa bouille fermée. Et… Le tapotement de sa joue lui arracha un juron alors qu’il sautait en arrière à retardement. Il était plus un gamin ! On tapote pas les joues des adultes comme ça. Pfeuh ! Il détestait ce type, c’était définitif !

J’me fiche bien d’votre avis et d’vos moqueries ! Et rangez vos sales pattes !

On aurait cru un chaton faisant le dos rond maintenant, feulant et crachant en se reculant, presque coincé contre la porte. Il serrait toujours fort la missive pour Bram. La protégeant de ce malotru. Presque comme si sa propre vie dépendait de la protection de cette lettre. Il y avait cette inexplicable et dérangeante tension. Plus encore depuis qu’il avait remarqué la froideur de ses mains en plus de ses canines. Merde quoi. Il savait déjà pas se battre contre les gens de son âge dans la rue alors contre un vampire ?! Il voulait pas s’faire manger. Il avait déjà failli se faire manger par un loup. Il avait assez donné ! Merde quoi !

Il resta un peu à distance, méfiant alors qu’il repartait à parler. Mais il pouvait pas juste… rentrer chez lui ? Allez ! Oust ! Mais non, il restait là, et il fourrait son nez dans les affaires des autres. Génial. Le jeune homme resta les sourcils froncés. Pourquoi il devrait connaître les patients du docteur ? C’était pas son secrétaire, il avait pas qu’ça à faire. Puis, ça le regardait pas !

Parce qu’vous êtes quelqu’un d’bien vous pt-être ? Mêlez vous d’vos affaires, M’sieur Abraham sait très bien ce qu’il fait, il est bien plus intelligent que vous en plus ! Alors vous feriez mieux de lui ficher la paix ! Et m’sieur Bram se défend très bien tout seul ! Il a besoin de personne pour lui dire c’qui est bien ou pas pour lui, et surtout pas un voleur dans votre genre qui rentre dans sa maison quand il est pas là !

Son poing s’était serré alors qu’il disait tout ça. Il laisserait pas ce type le prendre par les sentiments. Et puis, M’sieur Bram était assez intelligent pour savoir qui fréquenter ou non. Il pouvait pas laisser cet homme se placer en sauveur alors qu’il était rien qu’un fouineur !

Vous d’vriez rentrer chez vous, j’dirai à m’sieur Bram pour vos inquiétudes, que ça vous fasses pas des aigreurs d’estomac…

He, lui aussi il pouvait être un sale con et répondre avec de la condescendance et de l’ironie. He ouais. Il était aussi bien qu’lui qui le prenait de si haut. Il allait l’faire tomber de son escabeau, oui ! Comme ça, il le prendra plus de haut !
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Dim 20 Fév - 18:30
Curiosity killed the cat
Severin&Ludwig
I wanna taste your content
Hold your breath and feel the tension
Devils hide behind redemption
Honesty is a one-way gate to hell
I wanna taste consumption
Breathe faster to waste oxygen
Hear the children sing aloud
It's music 'til the wick burns out
Hush

Plus il parle, plus il m'ennuie, se fait lassitude, cet enfant qui gronde, qui feule, qui tente de me décourager, de me chasser de la demeure de son maître de cet homme dont je ne perçois dans l'air, que l'odeur diffuse de sa peau, du tabac qu'il fume, de la lessive imprégnant ses vêtements, collant à la chaleur de son corps, de son être que j'imagine sans peine passer des heures installé à ce bureau, penché sur bien des copies à corriger, bien des rapports à consulter, bien des lettres dont il ne reste en cette nuit plus que des cendres probablement, des fragments dispersés dans le vent, un peu de poussière que je regrette de ne pouvoir mettre en bouteille, par pure envie de posséder l'essence même de cette vie secrète qu'il pense mener, de cette rébellion à laquelle il participe pour rendre hommage à ce père qui ne fut capable de me pousser au pire, au vice, qui en moi, a cru voir un allié, un idéaliste, une énième victime de ce monstre aujourd'hui fait roi, empereur de son propre pays, souverain heureux de voir les siens lui devoir cette ère d'opulence et de décadence, ce temps où les vivants se damnent pour trépasser au plus vite, pour y goûter, à l'horreur de l'éternité, à l'exigence de ses siècles qui n'épargnent point les cœurs trop fragiles, les âmes sensibles, ces romantiques qui sont fait pour mourir de la plus belle des manières, s'éteindre avant d'avoir eu le temps de mûrir, de vieillir. D'un battement de cils, je contemple ainsi l'enfant rescapé avec dureté, plongeant en ses prunelles les miennes désormais voilées par un agacement qu'il est difficile d'ignorer, par des envies que je refoule, tue, par respect pour cet absent qui s'en voudrait sûrement de retrouver le corps inerte de cette petite chose fragile dans son bureau, qui serait capable de le pleurer, de ressentir un chagrin qu'il devrait garder pour ce père qui n'est plus là, pour cet aîné que parfois, j'aurais aimé garder un peu plus, faire prisonnier de mes pulsions sadiques, de la cruauté de Vlad, de ces caprices qu'il m'est encore possible d'éprouver ; le jaugeant, le toisant ainsi longuement avant de chasser le silence d'un claquement de langue, d'un son qui se mue en grognement, en sourd et rauque grondement.

« Fais-attention Severin, tu n'as plus l'âge pour ça. »

Pour bouder, taper du pied, te permettre d'être insultant en sachant permanent que l'on te pardonnera parce que tu es encore un enfant, pour cracher au visage du danger, des créatures qui s'en moquent bien de ta candeur, de l'arrogance de cette jeunesse qui finit par passer, par s'éteindre, emportée par la morosité, par cette mélancolie qui ne fait que croître au fil des déceptions, des jours s'enchaînant.

« Abraham ne sera pas toujours là pour te sauver, pour te protéger de la réalité. »

Un jour, elle finira par rattraper gamin, par se faire cette gueule béante qui t'avalera, t'emportera, se fera océan au sein duquel tu ne pourras que te noyer en maudissant ceux qui ont voulu te bercer d'illusions, te promettre que le monde est beau, qu'il y a de l'espoir au milieu de la terreur, de cette guerre que l'on mène contre cette humanité qui a désespérément besoin de chaînes et d'un maître à vénérer, des tiens qui n'étaient que des esclaves égarées quand nous n'étions là. Un jour, tu finiras par lui en vouloir, par le détester d'avoir été si bon, de s'être fait un père trop doux, tu verras qu'il est décevant, que comme tous les hommes, il est laid dans sa manière d'être imparfait.

Le temps d'un silence, je le méprise, lui reproche bien des choses, ose lui en vouloir de n'être encore d'un enfant, d'y croire un peu trop fort, à ces mensonges dont on le nourrit par besoin de garder en vie cette innocence qui ne sert à rien, ce fardeau que beaucoup troquent en pensant que cela pourra leur apporter une forme de maturité, le droit de devenir enfin des hommes, de réclamer l'essence même d'une masculinité qui ne vaut rien, d'une virilité que je laisse volontiers à ces aveuglés qui ont besoin de se rassurer, d’annihiler ses faiblesses qu'ils ne sont capables de dresser, de tenir en laisse ; avant de simplement faire quelques pas vers cette porte dont j'atteins le seuil bien rapidement pour y rester, m'étonner de ne point le trouver à mes côtés, de ne point entendre à nouveau des réprimandes, quelques jérémiades amusantes dont j'aurais pu m'agacer, au point de le chercher, de me tourner pour croiser son regard et le temps d'un battement de cils, lui ordonner de me rejoindre, de se faire ce docile servant prêt à garder les affaires de son maître, de cet être qu'il idéalise probablement, aime plus que de raison.

« Allons. »

N'ayant l'envie, ou même le désir de l'attendre, de me montrer patient alors que je suis pourtant cet intrus prenant ses aises au sein d'une demeure où il n'est point le bienvenue, c'est avec douceur que je lui ordonne de me suivre, de m'accompagner tandis que je quitte l'étude du médecin pour remonter le couloir sur lequel il donne, pour flâner, les sens en éveil, pleinement disponibles pour ces fragrances en suspension dans l'air, au milieu de la fine poussière, du silence, des invisibles peuplant l’atmosphère, appréciant ainsi la moindre odeur, le plus discret des parfums qui saurait me rappeler ce père qui n'est plus, cet homme qui serait probablement fier de voir son fils s'entêter à marcher dans ses pas, à faire oublier cet échec que je trouve toujours plus noble au fil des années, être l'expression même de cet espoir qui se fait de plus en plus rare, qui ne cesse de s'éteindre, dévoré par la résignation, le besoin de se soumettre, le plaisir presque masochiste d'accepter, d'aimer ces chaînes que je ne pourrais supporter, les entraves et autres fatalités d'un destin tracé par les miens. En silence, j'erre entre le réel et la nostalgie, les regrets de cette époque où tout était finalement si facile, où aux côtés de mon frère, je n'avais qu'à être pour assurer notre souveraineté, pour protéger cette vie que nous menions sous le couvert de l'obscurité, où parmi les hommes, nous n'étions que fables et légendes, mythes qui s'étiolaient à l'aube, deux immortels observant au loin l'humanité se dévorer, lentement, se gangrener, se perdre dans leurs propres travers, dans ce tourment qu'est leurs ambitions, leurs rêves de grandeur, de destruction mutuelle.

Je doute que tu le comprennes, ce sentiment d'épuisement, de fatigue que j'éprouve quand je vous vois sans cesser lutter, vous battre, passer d'une conviction à l'autre pour mieux vous contredire, renier des idéaux qui la veille semblaient beaux. Je pourrais t'assommer de tout cela, tenter d'enfin, ouvrir les yeux sur la laideur de ta propre espèce bien que cela soit vain. Je pourrais tenter, m'efforcer, essayer de t'arracher à cette loyauté que tu portes à Abraham mais je n'ai le courage de me heurter à la candeur de ton cœur, de devoir faire avec ces feulements que tu pousseras parce que tu y tiens, à cette idée qu'il y a encore de l'espoir pour les tiens, que tu connaîtras un futur plus doux, plus juste que celui qu'on s'efforce de te bâtir, de se faire cette unique constante au sein de l'immense chaos qu'est l'existence.

Au détour d'une porte, j'ose soupirer, prétendre ne point aimer ce moment de flottement, de battement, où au sein de l'intimité de ce bon docteur, j'ai l'impression d'être un privilégié, un vieil ami abusant de la patience de son hôte, cherchant à retenir presque désespérément des souvenirs qui n'existent pas, qui ne sont que des fantaisies venues d'un passé qui n'est beau que parce qu'il idéalisé, comparé à un futur incertain ; avant de tirer de la poche intérieure de ma veste, quelques lettres encore scellés, courriers liés entre eux par une épaisse cordelette colorée, que je lui tends, lui permets d'attraper, sans poser mes prunelles sur lui, préférant continuer de scruter les différents bibelots et autres tableaux devant lesquels nous passons pour nous diriger vers le salon.

« C'est arrivé par erreur sur mon bureau. » Il me faut marquer une pause, le temps de contenir mon sourire, de choisir avec soin mes mots. « Heureusement que je ne suis pas mal intentionné. » Enfin arrivés dans l'immense pièce à vivre, je jette mon dévolu sur un fauteuil dont les traces d'usures ne mentent pas, m'installant avec une grâce presque féline, posant mes mains sur les accoudoirs pour mieux les marquer de ma présence, de la trace que laissent mes ongles à la surface du bois au vernis fragilisé par le temps. « Tu sais quoi ? Je vais l'attendre. J'ai le temps, et toi aussi, pas vrai ? » Un sourire plus tard, je reprends. « Oh je sais, tu vas essayer de me chasser mais je pense que tu n'es pas si bête que ça et que tu te doutes bien que je ne vais pas t'obéir parce que tu tapes du pied par terre. » D'un geste de la main, je l'invite à s'installer face à moi. « Alors pourquoi ne pas discuter comme deux hommes civilisés, mmh ?  Je suis même prêt à répondre à toutes tes questions et à ne pas trop te mentir. »

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Severin Jäger
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Mer 6 Avr - 19:06

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Curiosity killed the cat, but I'm not a kitten !
feat   @Ludwig von Offenberg    


Severin ne savait effectivement pas bien où il mettait les pieds mais… Il avait toujours un certain talent pour les mettre dans les problèmes. Cette fois n’avait pas l’air de faire vraiment exception. Et ce silence était d’un coup devenu si pesant. Les frissons trop nombreux sur son échine. Et cette petite voix qui lui criait “va-t-en” dans la tête. Une rengaine qui aurait sans doute été salvatrice mais il était bien trop loyal envers monsieur Bram pour imaginer laisser cet inconnu se balader dans sa maison comme si de rien n’était. Mais il avait l’impression de marcher sur des braises brûlantes. Même si rien ne laissait paraître un réel danger, cet homme avait quelque chose de… dérangeant ? Très dérangeant oui.

Je… Je sais me défendre tout seul…” bafouilla-t-il d’un coup plus si assuré.

L’homme s’était rapproché si vite. Et… Ah ben maintenant il lui demandait de le suivre ? Il le prenait pour un clebs ? C’était insupportable ! Cet homme lui faisait peur autant qu’il l’énervait pour sûr ! Tant et si bien qu’il naviguait entre les deux émotions comme un naufragé balloté entre deux vagues dans une minuscule chaloupe. Il se retrouva à suivre le malotru, un peu gauchement, complètement destabilisé par la situation. Il ne comprenait vraiment pas ce qui était en train de se passer. Ni l’air bizarre que l’homme avait sur le visage. Il était absolument énigmatique. Magnétique aussi. Et pour autant, Severin avait pas envie de l’avouer qu’il était curieux de comprendre ce qui lui passait par la tête. Il avait l’air… Fatigué ? Lassé ? Du moins, c’était ce que son soupir sous-entendait, non ? Il en avait l’impression mais… Il se disait aussi qu’il en avait peut-être juste marre de l’avoir sur le dos. Parce que même s’il se sentait maladroit, Severin ne lâchait pas d’un pouce l’intrus, le suivant comme son ombre.

Il réceptionne du coup les courriers que l’homme avait presque fait tomber avec nonchalance. Mais ?! Comment est-ce que c’était possible que ces courriers-là soit arrivés chez lui ? Severin savait qu’il n’était pas un parfait messager, mais pas mauvais à ce point ! Ou alors Monsieur Bram lui faisait pas assez confiance pour toutes ses correspondances ? Un pincement au coeur à cette idée. Le protégé se sent trahi. Peut-être oui. Il se pensait plus important. C’était un péché d’Orgueil. Il ne put s’empêcher d’avoir un haussement de sourcils perplexe à la déclaration de “bonnes intentions” de l’homme. Il n’y croyait pas… Même si les lettres semblaient encore scellées, il avait peut-être un truc ! Le petit gars restait très suspicieux. Pas question de baisser sa garde ! ça, non.

Il le regarda s’installer toujours les sourcils froncés. Il n’aimait pas cette situation. Définitivement. Il fronça le nez. Il n’aimait pas non plus qu’on lui dise quoi faire mais… Il fallait gagner du temps et au moins, il gardait l’intrus à l'œil.

Je dois pouvoir vous faire une place dans mon emploi du temps chargé.” répondit-il non sans ironie.

Il s’assit en face de lui, un peu fébrile sur le fauteuil.

Vous êtes un vampire, n’est-ce pas ? Qu’est-ce que vous voulez vraiment à monsieur Bram ? Vous êtes pas là pour les lettres, n’est-ce pas ? Qu’est-ce que vous cherchez vraiment ?”

Peut-être qu’il insistait trop mais… Il sentait bien qu’on lui cachait des choses. Des choses importantes. Et peut-être qu’il en avait assez qu’on le protège. Peut-être que cet homme n’aurait pas tant de mal à faire naître la discorde en lui.
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