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Abraham Van Helsing
Abraham Van Helsing
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Did Someone Call A Doctor?  - Mathias & Bram Empty Did Someone Call A Doctor? - Mathias & Bram

Sam 5 Juin - 17:46
Did someone call a doctor?
De legers coups à la porte me font lever les yeux de la pile de copies que je suis en train de corriger et je repose ma plume.

Entrez!

La porte s'ouvre, laissant passer mon assistant Andrew, un étudiant brillant de sixième année qui m'aide dans l'organisation de toutes mes tâches liées à l'université, tenant dans sa main une petite enveloppe dont je connais l'expéditeur sans même l'avoir sous les yeux. Un tel courrier ne signifie qu'une chose : une nouvelle mission m'attend. Je souris au jeune homme en récupérant la missive avant de le remercier et j'attends qu'il ait refermé la porte pour me saisir du coupe papier, une vieille dague syrienne ramenée d'un de mes voyages pour l'ouvrir et en tirer la carte en bristol immaculée sur laquelle ne se trouvent que quatre mots en anglais.

"Ce soir. 19h"

Pas besoin de signature ou de plus amples explications, je sais très bien ce qui va se passer ensuite... Alors je me lève, m'approchant de la cheminée éteinte en cette fin d'après-midi, et attrape mon briquet. Je laisse la flamme caresser puis embraser l'enveloppe et le mot qu'elle continent, avant de la laisser retomber dans l'âtre vide où elle termine de se consumer, ne laissant rien de ce qui m'a été envoyé. Je me remets ensuite au travail et à l'heure dite je referme la porte de mon bureau et monte dans ma voiture direction l'opéra, plus précisément ce qu'il y a en-dessous. J'utilise une des entrées secrètes pour accéder au siège du Club Diogène de Berlin, m'aventurant dans des couloirs à peine éclairés avant de pousser une petite porte dérobée menant à ce qui semble être une réserve oubliée remplie de bric à brac poussiéreux, et pourvue d'un second passage menant cette fois au coeur de nos opérations. Comme toujours il a de la vie et de l'animation, et je salue d'un signe de tête ceux que je connais tout en me rendant dans un bureau que je connais bien. Nikola Tesla, le célèbre inventeur tchèque m'ouvre et me fait signe d'entrer avec un sourire. Une fois seuls il s'assied dans un fauteuil et me fait signe de faire de même, sortant une cigarette d'un étui en argent, en prenant une à mon tour, et c'est seulement une fois que nous sommes tous les deux bien installés et nos cigarettes allumées qu'il se décide enfin à m'en dire plus, en anglais.

J'ai besoin de vos talents, Abraham.
Comme à chaque fois, non?


Le génie sourit avant de secouer la tête, et fait glisser la photo d'un beau jeune homme qui doit avoir entre vingt et trente ans, aux cheveux sombres et aux yeux clairs en uniforme français. Enfin... à première vue, parce qu'à y faire plus attention, ce n'est pas un uniforme habituel... Intrigué je relève la tête pour croiser le regard de l'inventeur.

Il s'appelle Mathias de Cosset-Brissac, c'est un sorcier dont le père est anglais et la mère française. C'est d'elle qu'il tient son pouvoir très particulier : la magie du sang. Il a fait partie d'un escadron secret pendant la guerre, spécialisé dans des opération discrètes mais c'est leur magie qui a été d'une grande aide pour gagner la guerre. Il a été démobilisé avec les honneurs, bardé de médailles et au lieu de rentrer dans une de ses deux mères patries, il a décidé de venir s'installer à Berlin, en plein territoire ennemi. Il faut croire qu'il n'avait pas la rancune tenace contre les allemands... Enfin, pour l'instant il est d'une neutralité que lui envieraient les Suisses, ne se préoccupant que de dilapider la fortune familiale dans des fêtes dantesques, vivant comme un dandy dans un vieux manoir à l'extérieur de la ville... Mais il pourrait nous être d'une grande aide dans notre combat.
Et concrètement, que souhaitez-vous que je fasse?
Il a besoin de soins réguliers suite à des blessures au front. Vous allez devenir son médecin personnel dès demain matin. Gagnez sa confiance, entrez dans ses bonnes grâces et persuadez-le de choisir un camp. Le nôtre évidemment.
Je veux bien essayer, mais s'il a goûté à la guerre, il y a peu de chances qu'il ait envie d'y goûter à nouveau...
C'est justement votre travail ! Vous me tiendrez au courant de vos avancées.
Très bien Nikola.


Nous terminons notre cigarette en silence et j'écrase le mégot dans le cendrier bien plein, prenant congé de l'inventeur avant de prendre une autre sortie pour retourner à la rue, alors que les premiers spectateurs de la représentation de ce soir se pressent déjà autour du bâtiment, discutant sur le parvis ou flânant encore un peu dans la lumière chaude de ce début de soirée. Je salue quelques uns de mes patients et remonte en voiture, rentrant chez moi où je retrouve Severin et Jenkins. Nous passons une agréable soirée à dîner puis jouer aux cartes avant que je ne monte me coucher pour lire un peu. Le lendemain, dès l'aube, je me lève et après avoir fait un peu d'exercice je charge ma mallette sur le siège passager avant de prendre la route du chateau de ce fameux Mathias. Je m'annonce à l'entrée du parc, à un gardien qui m'ouvre l'immense portail défendant une allée interminable traversant des bois sombres, et menant à une immense bâtisse. Il pleut à torrents et j'ai du mal à en distinguer les dimensions, je vois juste que c'est grand, très grand même... M'arrêtant devant la porte un domestique s'approche, tenant un parapluie ouvert et attrape ma sacoche avant de me guider dans un immense hall dans lequel s'affairent d'autres domestiques en train de ranger les vestiges d'une fête qui avait l'air endiablée... Des vêtements et de la vaisselle sont éparpillés un peu partout, il y a même une chaussure et des bas dans le lustre, et je vois quelques silhouettes endormies dans des fauteuils ou des sofas un peu plus loin, dans ce qui semble être le salon.

Vous êtes le nouveau médecin?
En effet, je m'appelle Abraham Van Helsing, je suis attendu.
Monsieur va arriver tout de suite.


Alors je me tiens là, inspectant cette demeure avec curiosité.
Mathias & Bram - Avril 1921
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Mathias De Cosset-Brissac
Mathias De Cosset-Brissac
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Dim 6 Juin - 21:26
Did Someone call a doctor ?
Abraham & Mathias
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Nobody said it was easy
Oh, it's such a shame for us to part
Nobody said it was easy
No one ever said it would be so hard
I'm going back to the start

Je peux la percevoir, l'eau glacée sur ma peau, l'averse permanente fouettant mes épaules au travers de mon manteau, de cette capuche qui dévore mon visage rongé par la saleté, creusé par l'épuisement, par des heures de marches en silence, à errer entre les bois aux troncs éclatés et les champs labourés par les frappes régulières des allemands. Sur mon derme, je les sens glisser, serpenter, les gouttes de cette pluie qui ne semble jamais vouloir cesser, qui creuse, inlassablement, la terre et ces corps auprès desquels nous ne nous arrêtons jamais, auxquels nous ne donnons pas d'ultime prière, d'excuse ou de pardon, que nous n'enterrons point, préférant errer, dans le sillage des survivants, de ceux pour qui nous ne saurons que fléau supplémentaire, envoyés d'un Dieu qui n'en a rien à faire de la misère humaine, qui s'en fout bien, des massacres et des carnages perpétrés en son nom, qui ne pleure ceux qui pourtant, tournent leurs paumes vers les cieux, espérant qu'il soit miséricordieux. Le long de mon échine, l'eau se fait vipère bien cruelle, caresse d'une amante qui s'amuse de mes angoisses, des suffocations, de ces hurlements que je pousse à la gueule de ce néant qui en rit, de mon désespoir, de mes cauchemars, de ce mirage au sein duquel je m'égare, prisonnier de mes souvenirs, de ces illusions tissées par mon esprit fatigué, mutilé, torturé par des traumatismes qui ne veulent s'éteindre, se noyer sous l'alcool et le tabacs, pour les crocs de ces vices qui ne sont jamais assez pour faire taire le passé, qui n'arrivent à m'arracher des entrailles de cette interminable croisade.

La boue, le sang et le silence. Il n'y a que ça. L'horizon lui même n'est plus qu'un concept, que la surface d'un charnier toujours plus macabre, d'un cimetière à ciel ouvert que la terre se dépêche d'enfouir, d'avaler pour emporter ces âmes égarés que personne ne pleurera, ces fils, pères et frères qui à jamais, seront ces orphelins dont l'humus prendra soin, lavant leurs os pour qu'un jour, quand le déluge cessera, quelqu'un vienne, enfin, leur accorder ces derniers adieux auxquels je n'aurais jamais droit, moi qui ne suis plus rien, si ce n'est ce traître, cet ingrat terriblement lâche, cet enfant que l'on regrette, que l'on aurait aimé ne voir jamais naître.

Prisonnier d'un entre-deux qui ne devrait exister, c'est l'échine tordue que je tente de m'échapper de cette fatalité éthérée, de fantasme pervers qui feint si bien, ce paysage dantesque qui fut mon quotidien, la silhouette de ces compagnons dont les visages ne sont plus que masques reflétant mes traits déformés par la peur, par ces remords qui élargissent toujours plus, les plaies de mon abdomen, cette blessure dont il gicle, les gerbes noirâtres d'un sang corrompu par un pouvoir qu'ils vénéraient, ceux qui de mes poignets, voyaient la fin s'incarner, l'apocalypse se faire fatalité sur la terre.

Les lèvres sur mes paumes, ils soufflaient, juraient se tenir face à un de ces archanges que l'on dit être les bourreaux du Seigneur, cette armée qui n'a a cœur le salut de l'humanité, qui en a vue chuter des empires et des fous qui se pensaient bénis par les cieux. Ils étaient beaux, ils étaient si peu, à ramper dans la fange et la crasse, à me prier, à faire de moi ce saint qui n'apparaît qu'aux condamnés, aux désespérés, à ces enfants oubliés qui s'éteignent sous le regard indifférents des astres, de ces puissances qui ne seront là pour cultiver notre mémoire, quand de l'humanité, il n'en restera plus rien.

« Mathias. »

Mon prénom se fait coup de poignard dans les ténèbres, lame se logeant entre mes côtes, fouillant mes poumons jusqu'à m'arracher cette plainte qui accompagne un tremblement, un sursaut qui se fait mon retour au réel, ce violent coup de fouet qui me permet d'émerger de l'irréel, de m'en retourner à ma chair parcourue de frisson, au derme poissé d'une sueur fleurant bon les excès de la veille, les vices de minuit dont il ne reste plus que des souvenirs, et les deux silhouettes puissantes de ces deux inconnus m'enlaçant, réclamant d'une étreinte possessive, mon anatomie le long de laquelle, a glissé ses draps qui gisent aux pieds de mon lit et de ce majordome qui, depuis l'encadrement de la porte, me fixe, de cet air indéchiffrable que je perçois en cet instant, comme l'expression même de cette pitié qu'il tente de ravaler, de me cacher, lui qui me voit trop souvent me rouler dans mes draps en sanglotant, est cette personne qui me ramasse, m'enlace, quand victime d'angoisses, de douleurs spectrales, je ne suis que fragment d'être humain qui supplie, qui gémit, hurle et exige que l'on le délivre de cette vie, qu'enfin, on le châtie, le libère de cette culpabilité que je tue d'ordinaire en buvant, en jouant les insouciants, en prétendant être trop bête pour appréhender la réalité, pour comprendre la perversité du chagrin et de la démence.

« Monsieur ? »

La joue collée sur le torse viril d'un de mes amants, c'est avec difficulté que je bats des cils, que je tente, puis échoue, de me redresser, afin de croiser le regard de mon domestique, d'Hector, qui sans vraiment attendre de réponse de ma part, poursuit, non sans s'être éclaircit la voix d'un raclement de gorge qui sonne à mes oreilles, comme le grondement lointain d'un orage prêt à fendre en deux les cieux.

« Monsieur van Helsing, votre nouveau médecin, vient d'arriver. »

J'accueille la nouvelle d'un simple grognement, tandis que je parviens enfin à m'extraire de l'étau de muscles et de chair que forment mes deux conquêtes d'hier soir, exposant de ce fait mon corps mutilé par endroits, tatoué par d'autres, à la vue de ce serviteur qui commence à avoir l'habitude de me contempler m'agiter dans le plus simple appareil.

Après tout, je l'avais prévenu. Vivre avec moi implique de bien vite oublier toute idée de pudeur.

« Malheureusement, le salon étant encore... » Je m'oblige à hausser un sourcil tandis qu'il cherche ses mots, bien que je sois incapable de retenir ce sourire de sale gosse qui ne trompe pas, tandis qu'au milieu du chaos qui encombre ma chambre, je tente de trouver quelque chose à enfiler, soulevant chemises et pantalons avant de jeter mon dévolu sur l'un de mes peignoirs en soie. « … Impraticable, je me suis permis de l'installer dans la bibliothèque avec un thé. »

En un geste élégant, j'enfile l'immense cape de soie, pour me faire paon, faux volatile à la traîne immense, nouant celle-ci au niveau de mon ventre avant de discipliner mes cheveux des mes doigts, puis de me saisir de mon étui à cigarettes fétiche, pour mieux rejoindre, en quelques foulées faussement assurées, Hector, devant lequel je passe sans rien dire, le remerciant d'un regard, d'un silence qu'il ne tente point de chasser, préférant à la place, esquisser un sourire avant de s'en retourner à ses tâches, de s'en aller, probablement, chasser les ivrognes et autres traînards qui gisent au sein de ma demeure. Entre mes lèvres, je viens glisser une cigarette que je n'embrase de suite, me dirigeant d'un pas leste jusqu'à la bibliothèque, au sein de laquelle je pénètre presque sur la pointe des pieds, non sans tout de même, pousser en grand l'immense porte dévoilant cette pièce aux murs recouverts d'étagères, d'une collection impressionnante d'ouvrages, au sol recouvert de tapis persans soigneusement entretenus et en son centre, un unique tableau accroché, le portrait de cette mère qui veille sur l'unique pièce qui n'est réservée qu'aux invités de marque, qui se fait trop souvent ce sanctuaire au sein duquel je viens me terrer, quand j'en ai assez de faire semblant, quand l'idée de m'en retourner à Londres se fait trop tentante, de répondre à ce père qui prétend s'inquiéter, à se frère qui prétend m'avoir pardonné.

Ainsi, je t'en veux un peu, toi qui souille de ta simple présence, ce cocon que je me suis fabriqué pour n'avoir à pleurer dans ces autres pièces que je réserve à ce Mathias qui n'est que rôle que je joue pour satisfaire les foules, pour tromper ces vampires qui seraient trop heureux que je rentre à leur service.

« Docteur ! » clame-je simplement, les bras grands ouverts comme si nous étions deux vieux amis nous retrouvant après de trop nombreuses séparations, après tant de retrouvailles avortées par le destin. « Vous êtes là bien tôt. » Dans les accents roulant de mon allemand, il est aisé de déceler cette pointe de reproche que je tente de camoufler sous un autre sourire insolent. « A croire qu'il n'y a que la ponctualité qui importe en ce pays et non le respect du sommeil de son hôte. Enfin. » D'un geste de la main, je chasse cette idée, alors que je m'avance jusqu'à l'un des meubles décorant la pièce, une table basse entourée de deux fauteuils en cuir, sur laquelle, je ramasse l'un des nombreux briquet dont je fais jouer le silex afin de lui arracher une longue flamme bleutée qui ne peine point à embraser ce tabac dont il s'échappe, déjà, quelques arabesques graciles, de longues volutes charriant dans leur valse avec l'invisible, le parfum âcre de cette nicotine qui vient empoisser ma dentition, puis mes poumons.

« Je crois que je ne vous ai jamais vu. »

Dans l'un des fauteuils, je m'installe, croisant les jambes de telle manière à dévoiler de la manière la plus indécente, l'une de mes cuisses, tandis qu'à mes pieds, la traîne imitant le plumage du paon se fait délicat serpent de soie me donnant des airs de concubine gâtée par un souverain enamouré.

« Ici, je veux dire. »

A l'une de ses soirées où ils viennent tous chercher le frisson de l'interdit, de ces plaisirs que la moral réprime. Au cœur même de l'une de ces orgies qu'ils prétendent tous détester, ceux qui viennent s'y damner avec plaisir, qui entre deux extases, osent en redemander. Mais peut-être y étais-tu, caché sous un masque, ou alors, tu es de ceux qui préfèrent ramper aux pieds de ces vampires qui tiennent des clubs où dans des cages, dansent des esclaves, où il est possible de payer pour gagner le droit de s'adonner au pire, d'une seconde, échapper aux regards de ces archanges qui ne seront tendres, lors de la venue du Jugement Dernier.

Du bout des lèvres, je tire sur la braise, l'écoute chanter, pour mieux dessiner dans l'air nous séparant, dans cette distance que je ne cherche à franchir, quelques paresseuses volutes dont j'ignore la beauté, trop occupé à le transpercer de mon regard, à lui en vouloir d'être lui, d'être là, à chercher de trouver en sa personne, toutes les raisons de le détester, de m'assurer qu'il ne restera point, qu'il ne sera celui qui verra par delà mes mensonges, qu'en mes prunelles, il ne trouvera pas ce que je n'autorise personne à entrevoir. En silence,  je le tiens coupable de tout, simplement pour m'interdire de le trouver sympathique, pour que naisse en moi, l'envie de le remercier de se soucier de moi, de faire attention à ce qu'il reste de mon corps abîmé par la guerre, par ces machines créent pour annihiler.

« Votre prédécesseur non plus, ne venait pas. » Dans le cendrier sculpté de manière à ressembler à un immense dragon à la gueule ouverte, je cendre ma cigarette du bout des doigts, en un geste nonchalant qui jure avec le ton âpre qui englobe mes mots. « Il s'était justifié en me traitant, l'air de rien, de simple putain désœuvrée. » J'ose ponctuer l'insulte d'un léger rire, d'une hilarité qui n'est que souffle brûlant, ronronnement indécent. « Et même si j'ai été flatté de son tact, autant dire que j'ai préféré trouver quelqu'un d'autre pour toucher à ma désœuvrée de personne. »

Car en vérité, je me suis senti sale, d'être ainsi rabaissé, de n'être fait que corps s'abîmant au contact des autres, que laide silhouette dont les autres abusent et s'amusent pour mieux dégoûter les âmes puritaines de ce monde, ces hommes comme mon père qui n'a jamais pu comprendre mon éternel besoin de m'offrir à quiconque voudrait s'abaisser à m'étreindre..

« J'espère que vous serez moins... » Du bout de mes index, je dessine, trace dans l'air, les contours d'un carré. « … Dans votre manière de penser. »

J'espère au moins que tu me pardonneras d'être ainsi. Que tu te diras, après chacune de tes venus que je ne suis qu'une âme corrompue par l'argent, par les abus, qu'un égaré, un survivant de plus qui lutte contre ses démons.
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Abraham Van Helsing
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Did Someone Call A Doctor?  - Mathias & Bram Empty Re: Did Someone Call A Doctor? - Mathias & Bram

Lun 7 Juin - 11:27
Did someone call a doctor?
Alors que la pluie bat les vitres que les essuie-glaces peinent à chasser, je m'interroge sur la rencontre que je vais faire. Mathias, jeune homme désoeuvré, blessé et meurtri par un conflit sanglant ayant fait trembler le monde entier s'était replié au beau milieu de la patrie contre laquelle il s'était battu, et menait depuis une vie dissipée, oscillant entre fêtes et drogues diverses pour faire taire la douleur de blessures qui n'ont toujours pas cicatrisé correctement, malgré les trois années depuis l'armistice. Un léger coup d'oeil au siège passager et je vois son dossier médical, sagement enfermé dans une pochette en carton dont j'ai feuilleté le contenu hier soir en rentrant de l'opéra, installé dans mon canapé, de longues minutes à faire défiler la liste de ses stigmates, sa biographie médicale tracée à coups de blessures et de cicatrices diverses. Mais c'est surtout la description de ses pouvoirs qui ont fait courir sur mon échine un frisson inquiet... Dans l'autre partie du dossier, celle enchantée pour n'être vue que de moi et cachée dans mon coffre, j'ai lu des comptes rendus, j'ai vu des photos de ce qu'il était capable d'invoquer... Et dire que c'est moi que ce cher Nikola a décidé d'envoyer dans la gueule du loup, littéralement, moi le sans pouvoirs, moi le fils du traitre, et mes compétences de chasseur ne me seront d'aucune utilité s'il décide de déchaîner ses dons sur moi... Pourquoi moi? J'avoue que je n'en sais rien... Ce que je sais, c'est que Nikola suit des plans qui me dépassent, qui dépassent la plupart des chasseurs, mais qui s'avèrent quasiment tout le temps être justes... donc pour cette fois encore je vais lui faire confiance, et me jeter dans sa gueule avec le sourire.

A peine garé je vois la porte s'ouvrir et un domestique serviable vient m'accueillir, me laissant tout juste le temps de glisser le dossier dans ma sacoche avant que cette dernière ne soit retirée du siège par des gants blancs, avant qu'on ne m'escorte jusqu'à un hall aux proportions impressionnantes. Et dire que des familles entières doivent se contenter d'espaces moins grands que celui qu'il consacre simplement à accueillir les nouveaux venus... D'ailleurs en parlant de nouveaux venus, si je suis le premier à être là ce matin, il semblerait que d'autres n'en soient pas encore partis, et je m'avance, à la fois fasciné et choqué par cette réplique de Sodome et Ghomorre étalé sous mes yeux , ces vestiges d'une fête qui a dû être dantesque... Dormeurs épars, vaisselle sale, bouteilles vides et verres renversés, quelques vêtements par-ci par-là, des lignes de poudre blanche qui n'est ni du talc ni de la farine... Et dans ce bazar ses domestiques s'activent, calmement et en silence, pour gommer les restes de ce qui a l'air de survenir assez régulièrement à ce que j'ai compris. A peine entré un majordome un peu raide s'incline et vient me prier de le suivre dans la bibliothèque où je vais pouvoir attendre le maître de maison. Je le remercie avant de le suivre, arrivant dans une pièce me rappelant le bureau de mon père, aux murs recouverts d'étagères chargées de livres et sans même le réaliser je fais un bond de vingt à trente ans en arrière. Ma sacoche atterrit sur le sol alors que je me mets à faire glisser amoureusement le bout de mes doigts sur les couvertures reliées, souriant à l'évocation de certains titres qui me rappellent des lectures d'école, ou au contraire des voyages fabuleux entre des pages, allongé près de la cheminée... Une époque où tout était simple, et où le destin de l'Europe ne se serait pas retrouvé entre les mains de quatre courageux hommes qui malgré leurs bonnes intentions, ont échoué. Echec dont je porte le poids jour après jour, comme une marque au fer rouge, feignant devant ces vampires d'en être heureux, que les choses sont mieux ainsi, même si mon coeur brûle à l'idée de les réduire tous en cendres et de débarrasser le monde de ce fléau.

Pris dans mes réflexions, mon regard balayant tous ces titres frappés à l'or chaud, je sursaute alors que la porte s'ouvre, et j'ai à peine le temps de me tourner qu'une tornade de soie chamarrée s'approche de moi, les bras ouverts et un sourire étrangement chaleureux quoique fatigué aux lèvres.

Bonjour monsieur De Cosset-Brissac! Je suis désolée si je suis venu aussi tôt, c'est qu'on m'a prévenu tard de votre...souhait de changer de médecin, et je n'ai trouvé que ce moment, avant d'aller donner mon cours à l'université pour venir vous voir. Mais maintenant que je suis là, nous pourrons nous mettre d'accord sur un moment qui vous conviendra mieux pour mes prochaines visites. D'ailleurs si vous préférez nous pouvons parler français, je l'ai appris étant jeune et ça sera l'occasion pour moi de le pratiquer...

Je l'observe passer devant moi, réalisant seulement qu'il a l'air d'être seulement vêtu de ce peignoir... le mystère résidant sur ce qui se trouve en-dessous. Je le rejoins alors qu'il s'allume une cigarette pendant que je reste debout près des immenses fauteuils qui agrémentent la pièce, souriant à sa remarque.

Je n'ai pas eu ce plaisir non... Et cette demeure est absolument magnifique. Parfaite pour les réceptions et les fêtes à ce que j'ai pu voir... Le tout Berlin se presse chez vous m'a-t-on dit...

Attendant toujours son invitation à m'asseoir je finis par décider moi-même de le rejoindre, m'installant dans l'autre fauteuil, avant de hausser un sourcil surpris lorsqu'il me donne la raison du départ de mon ancien confrère. Eh bien voilà quelqu'un qui sait y mettre les formes, semble-t-il... Et c'est là que va se jouer la différence entre lui et moi pour m'attirer la sympathie du sorcier.

J'avoue que ce n'est pas professionnel ni même correct... Je me fiche de vos habitudes ou votre style de vie à condition que cela ne mette pas votre santé en danger... Mais ses propos sont choquants je dois l'avouer...

Je laisse échapper un léger rire en le voyant mimer un carré et je croise les jambes, les mains sur les accoudoirs.

Rassurez-vous, je pense avoir l'esprit...un peu plus libre que certains vieux médecins... Je n'ai que faire de vos partenaires, tant que vos relations sont entre adultes consentants. Le reste ne me regarde pas... Et si nous commencions? Je souhaiterais vous examiner intégralement pour me faire une idée de votre état, et ainsi adapter mon traitement... Qu'en dites-vous?
Mathias & Bram - Avril 1921
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Mathias De Cosset-Brissac
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Lun 7 Juin - 23:15
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Elle est presque plaisante, charmante, cette patience dont il fait preuve à mon égard, cette manière qu'il a de prétendre qu'il se moque bien de mes manières, de cette tenue qui peine à couvrir les courbes de mon être au derme parcouru de bien des frissons, de l'odeur d'une nuit à n'être que l'objet de désirs que l'on s'interdit d'éprouver, que l'on refoule, enterre sous des mensonges qui ne séduisent, convainquent que la morale d'hommes eux-mêmes coupables d'avoir fauté, que l'on confesse contre les lèvres d'amants qui à l'aube, se volatilisent, emportés par les regrets, les remords, ses mots durs que j'ai trop de fois entendu, dont j'ai fait chapelets de prières que je me répète parfois, quand il n'y a personne pour souiller blesser ma chair, poisser mon corps d'obscènes caresses, de quelques bleus et morsures, de baisers éphémères ; c'est sans l'interrompre que je lui permets de s'introduire à moi, de me promettre ce changement, cette différence que j'accueille d'un simple haussement de sourcil, puis de cette expiration chargée de nicotine, qui dans l'air nous séparant, esquisse les anneaux d'une paresseuse couleuvre folâtrant, errant dans le néant.

Tu es bien un homme, tu promets, tu assures que tu seras le bon, que tu feras oublier ceux qui ont pu offenser, blesser. Tu es sûrement de ceux qui croient en Dieu, qui espèrent qu'aux cieux, se trouve ce palais d'or blanc gardé par des anges impatients de répandre la colère de notre Créateur à tous sur terre, d'embrocher de la pointe de leurs épées, le cœur des pécheurs, de ceux qui ont refusé de ramper pour Sa grandeur. A lui aussi, lui dis-tu que tu seras meilleur que ton prochain ? Plus digne qu'un autre de son amour, de son pardon, de la gagner ta place à ces côtés, cette éternité à n'être qu'âme au sein de sa lumière, de son être ? Lui mens-tu, quand tu lui exposes ton myocarde voué à être imparfait, entaché de défauts, de travers, de tares qu'il te reprochera, lui qui n'aime que les pénitents, que les plus dociles de ces enfants ? Comme j'aimerais y croire parfois. Être innocent, naïf, un peu stupide. Comme j'aimerais être certain que tu seras différent des autres, que tu ne voudras, à ta manière, me changer pour que je sois différent, pour que je me trahisse un peu plus, me mutile, ampute un peu plus ce qu'il me reste de raison, de passion.

Pourtant, il parvient à m'arracher l'ombre d'un sourire, ce docteur qui évoque déjà mes tendances à me vautrer dans les plaisirs de la chair, qui ose faire semblant de tout accepter, d'être à l'aise à l'idée de m'imaginer n'être que silhouette entre deux corps huilés par le désir, par le stupre, par cette luxure qui est ce démon dont je loue la violence, la puissance, à qui je voue ces prières qui rythme mes extases, entre deux expirations passionnées, deux inspirations qui ne sont que gémissements, plaintes, râles qui les excitent, ceux qui aiment me voir cambrer les reins, n'être que la putain de mes propres instincts, d'une attirance qui n'est qu'ultime preuve de ma déchéance, de cette décadence qui finit un jour ou l'autre, par frapper ces familles, ces dynasties qui rêvent de grandeur, d'une gloire passée qui n'a jamais réellement existé, d'un royaume qui ne sera jamais plus que fantasme, songe fiévreux qui finira en terre, comme tout le reste. Et quand, il conclut en proposant de m'ausculter, je ne peux que me fendre d'un rire qui sonne bien faux, un début d'hilarité que j'étouffe alors qu'entre les crocs du dragon fait cendrier, je dépose cette cigarette que j'abandonne le temps de me saisir du petit écrin de nacre sagement posé sur la soucoupe d'une des tasses de thé fumantes et de tirer de ces entrailles, une pilule à la blancheur déroutante, qu'entre mes lèvres, je glisse, pour sur ma langue, le faire jouer, rouler, en faire cette perle que je chérie, sacralise, le temps d'une inspiration, d'un battement de cils, de ce geste qui me permet de me saisir de ma tasse, et me brûler pour cette gorgée qui me permet d'avaler la morphine, cette panacée qui n'est là que pour m'autoriser, me permettre de l'ignorer, cette douleur qui ronge mon flanc, la morsure permanente de ces éclats de plomb logés dans ma cage thoracique, dans mes nerfs et os, ces esquilles métalliques qui empoisonnent mon sang, trouble l'équilibre de ma magie, impose à mes créations, cette once de folie que je crains un jour de connaître, d'être ce fléau qui me poussera au pire, me fera, pour de bon, la désirer, cette mort qui n'a pourtant rien de magnifique, qui n'aura comme saveur, que celle des possibles qui n'existeront jamais, de l'incertain fait impossible, simple offrande jetée dans la gueule du néant.

« Quelle impatience, Docteur. » ose-je lui souffler, le gourmander, en ronronnant, en venant, du bout des doigts, récupérer ma cigarette. « Sachez que je ne me déshabille jamais au premier rendez-vous. » Je marque une pause, le temps d'arracher à la braise, une plainte presque mélodieuse. « Il vous faudra revenir pour cela. Considérez que cela est ma manière de m'assurer que vous n'êtes pas là pour me faire perdre mon temps. »

Que tu n'es pas  là juste pour réciter tes sermons, pour les trouver laides, ces plaies et sutures qui ont guéries de travers, qui à la surface de mon être, dépeignent une bien laide fresque, esquissent le visage même de cette guerre qui n'a été bénéfique qu'aux puissants, qu'à ceux qui n'ont eu à marcher dans la boue et le sang, à les croiser, les regards de ces macchabées battus par la pluie et le silence, qui n'ont eu qu'à distribuer des médailles pour se faire pardonner, pour faire oublier les massacres, ces charniers qui ont été recouverts à la hâte, ces fosses remplies à la va-vite pour n'avoir dénombrer les pertes, admettre que tout cela n'a été que génocide, purge dont les conséquences se font encore ressentir aujourd'hui.

Entre nous, je laisse s'inviter ce silence presque rassurant, ce moment de flottement durant lequel je m'autorise à songer, à m'égarer dans le miasme de mes pensées, dans ce chaos muet composé de souvenirs et d'impressions, de sensations et autres envies contre lesquelles je cesse, durant une fraction de secondes, de lutter, continuant de fumer par automatisme, laissant mon corps agir par impulsions mécaniques, répétant des gestes familiers, feignant cette attitude nonchalante qui s'éteint, quand à moi je reviens, las, épuisé de ce voyage qui semble avoir duré des années, avoir été ce pèlerinage inutile que je me contrains de faire, trop régulièrement, par besoin, masochiste, sûrement, de m'interdire d'oublier, de faire comme ceux que cela arrange de fermer les yeux, de détourner le regard, de trouver des excuses à ces quatre années d'horreurs, qui n'ont le courage d'affronter le jugement silencieux des tombes, des monuments dressés en l'honneur de ceux dont les restes ne sont aujourd'hui, plus que de la nourriture pour les vers, que des corps désarticulés prisonniers de la terre.

« De plus, j'imagine que vous avez fait vos devoirs, pas vrai ? »

Que dit-il ce dossier que tu as dû parcourir en te frottant les mains, en songeant à cet argent que je déposerais au creux de tes mains pour que tu me prescrives de quoi un peu plus tuer ma psyché, ce qu'il reste de mes pensées déjà désorganisées, dérangées par les traumatismes, par cette rancoeur que je porte au passé, à ce peu de vie que j'ai épuisé à n'être que possibles, enfant sur lequel on reporte des ambitions, puis soldat, tueur par devoir, assassin pardonné par cette patrie dont il défendait les intérêts.

Lentement, en cambrant les reins, en essayant de me faire figure même de la tentation, incarnation de la luxure et du sexe, je décroise les jambes, laissant entre mes cuisses, se glisser un pan de soie afin de masquer mon entrejambe, de dissimuler cette intimité qui ne reste trop longuement exposée de la sorte, alors que croise à nouveau les jambes, feignant d'avoir ressenti un quelconque besoin de bouger, de tuer cette immobilité pourtant bénie, cette posture qui me permet de succomber à l'étreinte du fauteuil, de toujours plus, me prélasser, me faire princesse alanguie, concubine gâtée, protégée du moindre effort, du pénible d'un quotidien ingrat.

« Vous savez déjà tout. » Du bout des doigts, je cendre ma cigarette, glisse entre les crocs du dragon, un peu de cette braise dont s'échappe, une fumée opaque, âcre. « Peut-être trop mais bon... J'imagine que cela fait partie du jeu. »

Que je me sente vulnérable face à toi, comme en permanence, jugé pour ce que je suis, ce que j'étais, pour ces erreurs que j'ai pu commettre et pour celles qui viendront. Que tu sois là, à prétendre que j'ai fait ce que j'ai pu, que je devrais être remercié, que sur ma tombe soit inscrit que j'ai combattu pour mon pays. Je devrais m'y faire, à l'idée de n'être à jamais définit plus que par mes actes, par ces années passées au front, et non pour ses rêves que je peux avoir, pour ses pensées que je ne garde que pour moi.

« Je sais déjà ce que j'ai et ce qui ne va pas chez moi. » dis-je en grognant à moitié, les yeux désormais clos, en esquissant un geste de la main dans l'espoir de chasser l'évidence. « Je sais que je devrais y aller doucement sur l'alcool et les fêtes mais... » Je me permets d'émettre un son d'agacement. « Je n'ai pas le temps d'être sage, de faire attention à moi. Il n'y a que les fous qui veulent s'économiser jusqu'à la mort, comme si il y avait une récompense à la fin, quelque chose à gagner à rester vivant plus que de raison. »

Il faut être dévoré par la démence pour y croire, à la bénédiction de l'éternité, à la beauté de la rédemption venant après une vie de souffrances, de tourments.

« J'ai parfaitement conscience de m'user avant l'heure, de jouer avec ma santé. Et ça va, je l'ai accepté. »

Que je n'aurais le temps d'être vieux, la chance de voir le temps filer sans moi, de me projeter plus de quelques jours en avant.

« Après tout, je l'ai choisi. »
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Did Someone Call A Doctor?  - Mathias & Bram Empty Re: Did Someone Call A Doctor? - Mathias & Bram

Ven 11 Juin - 19:44
Did someone call a doctor?
A voir ce château, les vastes pièces remplies d’antiquités et d’objets précieux côtoyant les dernières innovation techniques de façon presque tape-à-l’œil je me demande si mon nouveau patient s’est cherché un théâtre plus qu’une maison. Dans le peu de pièces que j’ai vues, tout semble fait pour la représentation et la fête, et pas pour une vie ‘’simple’’ et normale. Et cette impression se confirme en le voyant arriver, l’air totalement à l’aise, et simplement vêtu d’un peignoir... Quelqu’un de dilettante se serait montré en pyjama, ou à la rigueur dans une tenue de jour décontractée à la hâte, sans s’être pris le temps de se coiffer convenablement et en s’excusant. Le fait que lui arrive vêtu d’un peignoir aussi spectaculaire, avec peut-être rien en dessous ne faisait que confirmer que tout cela était étudié, dans une stratégie bien établie à l’avance. Pourtant que cherchait-il? Il n’avait aucune obligation envers moi, bien au contraire, c’était lui qui me payait pour le soigner et veiller sur lui alors... À quoi bon ce numéro? Pourquoi jouer si vite la carte de la provocation? A moins que ce ne soit pour me mettre à l’épreuve, voir si j’étais comme le médecin dont il me parle rapidement, un peu trop conservateur et rabat-joie? Une façon de voir en quelques instants si j’allais me montrer comme lui ou bien si j’allais vraiment être plus souple comme il le souhaitait? Je trouve cela presque amusant, un peu comme les enfants qui sont drôles à surjouer ou exagérer leurs réaction dans le simple but qu’on s’intéresse à eux.

M’installant de ma propre initiative dans le fauteuil face à lui, je continue de l’observer, presque comme on admire la performance d’un acteur sur scène, car c’est ce qui m’apparaît de façon de plus en plus flagrante à chacun de ses gestes, à chacune de ses actions. Tout est trop réfléchi, et soigné pour être spontané. Pourtant j’arrive à le faire sourire quand je lui explique de façon franche mon point de vue sur son style de vie, et pas uniquement par souci de me faire bien voir. Je suis un protestant, et je crois aussi que Dieu aime tous ses enfants, surtout ceux qui sont heureux. Au fond pourquoi serait-ce autorisé un acte charnel entre homme et femme, surtout que depuis la nuit des temps il n’a pas été commis purement dans le but de procréer, mais cela serait interdit entre deux hommes qui le souhaiteraient? Il en faut plus pour me faire poser un regard désapprobateur... enfin, après tout cela je me propose de l’ausculter, afin que je me rende compte moi-même de son état de santé, mais sa première réaction et de rire, rire qui se transforme en toux. Il attrape ensuite un comprimé qu’il glisse sous sa langue avant de boire une gorgée de thé, alors que je demande.

Morphine?

Au vu de son dossier et de ce qu’il a subi, je me doute qu’il ait besoin de ce genre de drogues, simplement pour accomplir les tâches du quotidien et bouger sans souffrir le martyr... C’est d’ailleurs paradoxal qu’avec le sang de vampire et ses propriétés immortelles, personne ne s’en soit jamais servi pour concevoir des médicaments, et que la seule solution pour en utiliser les bienfaits soit de se faire transformer ou d’en boire, au risque de devenir un marqué, un soumis. Et c’est seulement son comprimé avalé qu’il reporte son attention sur moi, reprenant son rôle de séducteur sulfureux. J’ai un léger rire à sa remarque en désignant d’un petit geste du menton la tenue plutôt dévêtue qu’il porte actuellement.

Pourtant on dirait que c’est déjà le cas non? Qu’est-ce que cela doit être que le deuxième rendez vous alors...

Je me penche pour attrape une tasse de thé, lui faisant comprendre d’un sourire que je rentre dans son jeu et que je n’ai aucunement l’intention de le blesser, plutôt que de l’affronter dans une joute verbale sans prétention. J’en bois une gorgée en hochant la tête. Il est excellent, c’est rare. Les allemands sont plutôt friands de café, de chicorée ou d’infusion, le thé étant pour eux réservé aux anglais et le chocolat aux français.

Votre thé est délicieux. Et comment pourrais-je vous faire perdre votre temps en vous auscultant maintenant? Si je voulais vous soutirer de l’argent, je dirais au contraire que c’est moi que ne veux pas vous examiner aujourd’hui, et qu’il faudrait que je revienne, non?

Allez Sarah Bernhard, je suis convaincu. Tu es un acteur magnifique, tu as le sens du décor et de la mise en scène, je l’ai bien compris. La question maintenant est de savoir dans quel but tu déploies autant d’efforts, toi qui es déjà blessé, pour offrir cette image au monde. Je dois presque me retenir de rire quand il décroise puis recroise les jambes, prenant beaucoup trop soin de faire semblant qu’il ne veut pas me montrer qu’il ne porte rien sous son peignoir. Il offre un spectacle dont le point central est sa personne, qu’il met en scène comme un tableau, arborant des poses et des airs qui se veulent aguicheurs.

Je sais ce que dit votre dossier médical, que j’ai parcouru avec attention. Cependant j’ai pensé à une chose, je n’ai pas l’impression qu’on vous ait fait passer par une « Petite Curie » il me semble? Une machine permettant de faire une radiographie de votre corps? Peut-être que je pourrais vous opérer pour ôter les éclats de métal qui demeurent toujours en vous... Cela permettrait de supprimer une des sources de la douleur dont vous semblez souffrir...

Je souris à sa remarque, cette forme de défiance m’affirmant qu’il ne compte pas changer son style de vie, ses mauvaises habitudes et cesser ces addictions qui sont tout sauf bonnes pour lui... Intéressant. Je me rassieds un peu plus dans le canapé, penchant légèrement la tête sur le côté en souriant.

Eh bien... si vous souhaitez tant brûler la vie par les deux bouts et en profiter au maximum, pourquoi vouloir prendre autant soin de votre corps et requérir les soins d’un médecin personnel qui viendrait vous voir deux fois par semaine? C’est un paradoxe vous ne trouvez pas?
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Did Someone Call A Doctor?  - Mathias & Bram Empty Re: Did Someone Call A Doctor? - Mathias & Bram

Dim 13 Juin - 17:23
Did Someone call a doctor ?
Abraham & Mathias
Running in circles, chasing our tails
Coming back as we are
Nobody said it was easy
Oh, it's such a shame for us to part
Nobody said it was easy
No one ever said it would be so hard
I'm going back to the start

Il parvient à me faire sourire, avec cette allusion à peine dévoilée, cette remarque faussement mesquine au sujet de cette tenue qui épouse un peu trop bien les courbe de mon être, qui dévoile, sans peine, la courbe de mes jambes, le galbé de mes cuisses à la peau parcourue d'un très léger frisson, d'un spasme que je ne maîtrise point, que j'espère être ignoré par celui dont je viens croiser le regard, quelque peu rassuré de le voir supporter mon excentricité, accepter ms faux airs de riche décadent, d'âme esseulée se consolant dans l'argent et les plaisirs faciles de la vie, dans ces extases qui ne durent jamais bien longtemps, qui ne sont en réalité que prétexte pour s'abimer, s'user avant que le temps ne le fasse, qui ne sont là que pour repousser les cauchemars, ces monstres et autres chimères créent par un esprit traumatisé, par une chair qui ne sait plus cicatriser. Ainsi, toujours alanguit et offert à son regard, à ce jugement qu'il pourrait porter, je me redresse à peine, appréciant sa compagnie, cette présence qu'il m'offre, cette discussion qui parvient à me faire oublier les excès de la veille, la morsure de cette douleur qui revient me hanter, malgré la morphine tout juste ingérée, me donne envie de rester dans l'instant, dans ce présent qui n'est pas si désagréable, plus normal que ceux qui suivent pourtant ces soirées de débauche où plus rien ne semble compter, où demain n'est qu'un concept auquel il faut absolument échapper, une fatalité qu'il faut laisser à ceux qui veulent survivre, un peu plus souffrir, me poussant ainsi à me détendre, à, le temps d'un battement de cils, me révéler, lui permettre d'apercevoir ce Mathias qu'ils sont peu à connaître, ces hommes et femmes qui gravitent autour de moi, qui prétendent en avoir quelque chose à faire de ma personne, qui osent me dire qu'ils s'inquiètent, qu'ils désespèrent de me voir ainsi me perdre dans l'étreinte d'une mélancolie qui n'est jamais ravissante, qui est trop souvent repoussante.

Mais toi tu vas me dire que tu es différent, que tu as compris, qu'entre les lignes de ce dossier médical tout ce qu'il a de plus banal, dans l'ombre de ces gestes que j'esquisse avec peine, tu l'entrevois, cette guérison pourtant impossible, que tu me comprends, l'entends, cette souffrance qui est le démon de tous les survivants.

« Il faut bien marquer les esprits la première fois, non ? En étant trop sage, je ne capterais pas votre attention, je ne serais qu'un patient de plus sur une longue, longue liste d'âmes dont vous devez prétendre vous soucier. Je ne serais qu'un anonyme, un ancien combattant que vous traitez par besoin de vous faire pardonner pour ces atrocités commises il y a quelques années par d'autres que vous, par pitié aussi. »

Du bout des lèvres, je fais chanter la braise, hésitant une seconde, n'osant de suite rompre ce silence auquel je ne laisse pourtant pas la possibilité de s'installer, le chassant d'un geste qui crée dans l'air, le doux chant de la soie froissée, de cette tasse de thé que j'arrache à sa soucoupe, que je porte à mes lèvres pour boire une autre gorgée de ce thé aux arômes puissants et harmonieux, aux parfums suave qui me ferait presque oublier fatigue et nausée, gardant au creux de mes paumes, cette tasse ornée d'élégants motifs floraux.

« Mais ne le prenez pas pour vous, n'importe lequel de vos confrères aurait entendu la même chose, aurait été traité de la même manière. Je suis exigeant, à ma façon. »

J'ai besoin, envie de voir jusqu'où va le pardon de ceux qui osent s'aventurer ici, se frotter au tranchant de ma langue faussement aiguisée, à faire face à la laideur relative de ma personne, à cette colère que je feins ressentir, quand j'ai la force de prétendre, de faire un peu plus semblant.

« Cependant, ne pensez pas que je ne vais pas trouver un moyen de vous surprendre la prochaine fois. » ajoute-je non sans esquisser ce sourire insolent qu'ont ces amants qui savent que l'on ne peut rien leur refuser, qu'ils sont maîtres du cœur de ceux et celles assez fous pour poser leurs regards sur eux, pour succomber à bien des promesses, bien des tentations. « Il n'a été jusque-là question que de faire taire la douleur. » continue-je en venant souffler du bout des lèvres sur la surface du thé dont il s'échappe encore, quelques voluptueuse arabesques brûlantes, longues vipères qui viennent effleurer la courbe de mes lèvres. « Au début, la morphine suffisait, je ne ressentais que quelques élancements, de temps à autres, des crampes en fin de journée, quand la fatigue se faisait sentir et puis... »

Le corps a fini par s'y habituer, par l'aimer, la douce étreinte de cette drogue que je prends aujourd'hui uniquement afin de ne point ressentir les vertiges et autres afflictions liées au manque, pour ne pas me retrouver comme ces infortunés qui peuplent les lits d'hôpitaux puant le sang et le désinfectant, qui se tordent de douleur, implorent, prient, pour la venue d'un miracle, d'une mort rapide, pour enfin y échapper à ce tourment pire que bien des châtiments.

Je hausse une épaule, le regard désormais fuyant tandis que je me réinstalle dans mon fauteuil de telle manière à pouvoir ramener mes jambes à moi, à ne plus toucher terre, dans l'espoir d'échapper à cette gêne, à ce malaise qui me grignote de l'intérieur,  me donne l'impression de n'être rien de plus qu'un enfant face à lui, de redevenir ce gamin qui n'était rien face à ce père qui attendait de lui, qui voulait en faire son parfait reflet, cet hériter qui saurait le rendre fier, lui faire oublier la perte de cette femme dont il n'a jamais accepté la mort, qui n'a jamais su l'enterrer, sur la tombe de laquelle, il passait des heures, en silence, à se demander sûrement, pourquoi lui était encore vivant.

« Il fut un temps question de chirurgie mais pour être franc... Je n'ai pas envie que l'on vienne à nouveau fouiller ce qui a mis autant de temps à cicatriser. »

Sous les bandages de fortune, je me souviens qu'elle s'était mise à puer, cette plaie qui ne cessait de vomir un sang vicié, poissé par mes crimes, maudit par la colère de ceux dévorés par ces créations nées de mes veines. Je me souviens avoir hurlé, quand ils ont voulu retirer cette chair qui avait commencée à noircir, ces morceaux de veines et de nerfs qui n'étaient plus que filament poisseux et visqueux dont s'échappait, fluides corrompus par le métal, par les débris d'un fléau qui aurait mieux fait de m'emporter, qui aurait dû m'autoriser de mourir, comme tant d'autres au lieu de me condamner à cette existence que je mène uniquement parce que je n'ai pas le courage d'en finir, d'ouvrir pour de bon, cette gorge que j'ose offrir à ceux assez désespérés pour me baiser.

« Ce n'est certes pas beau mais... Je ne suis pas prêt. » conclu-je en venant déposer sur la table entre nous, cette tasse à moitié bue, le reste de ce thé que je finirais par oublier, comme à chaque fois, trop occupé à fumer, à me distraire, à essayer d'échapper à la réalité. « Mais nous pourrions regarder, oui, si cela peut vous rassurer, enfin, plutôt vous permettre de voir de vous-même ce qu'il en est. Quant à votre présence ici... Sachez que c'est par nécessité, par pas plaisir étrange de m'entendre dire que je me fais du mal. »

Par automatisme, je m'allume une autre cigarette, qu'à mes lèvres, je ne porte que pour la forme, pour la beauté du geste, pour que celles-ci n'oublient pas la présence du filtre qui n'y reste qu'une seconde, avant de se retrouver prisonnier de mes phalanges, de ses doigts que les volutes de tabac viennent enlacer avec amour, parfumer, recouvrir d'une couche supplémentaire de nicotine.

« Si je le pouvais, je me passerais de vos services mais... » Du bout de mes dents, je viens meurtrir ma lèvre le temps d'un silence. « Je ne sais plus faire sans morphine et autres analgésiques. Sans eux, je deviens fou, incapable même de m’abîmer un peu plus. » Malgré moi, je me retrouve à trembler, soudain écrasé par cette terreur que je pensais être capable de museler, en présence d'étrangers. « Sans eux je ne peux même pas mourir comme je l'entends, ironique n'est-ce pas ? » J'aimerais avoir un sourire mais ne parviens qu'à esquisser une grimace douloureuse, l'expression même de ce désespoir qui ne s'éteint point, même lorsque dans les bras d'inconnus, je ne suis que simple chair mortelle, corps transpercé par le désir, par de nombreux plaisirs. « En fait, je crains que vous ne soyez là pour me sauver, Docteur, mais uniquement pour me permettre de continuer à mener cette vie que certains jugent ridicule, voir futile. Contentez-vous de me prescrire de quoi tenir et cela sera amplement suffisant. Occupez-vous de ceux qui s'accrochent à la vie, qui veulent désespérément se voir vieillir. »

Va sauver ceux qui le méritent, qui ne sont les grands gagnants d'une guerre qui aurait dû les emporter, ces faux chanceux dont le seul mérite fut d'être cruel, d'obéir aux ordres de ceux qui ne sont allés ramper dans la boue et les viscères, qui ne sont pas de simples tueurs aux poitrines couvertes de médailles dont les défunts se moquent bien.

« Ainsi vous n'aurez à venir ici trop souvent. Nous n'aurons à prétendre nous entendre. »

Cela m'évitera de m'attacher, de la trouver plaisante, ta compagnie, d'atteindre, espérer que tu viennes me trouver un certain intérêt, même médical, que tu m'ancres de nouveau dans le présent, puis dans cet avenir auquel je n'ai envie de songer, à ces jours à venir que je laisse à ceux qui veulent exister.

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Did Someone Call A Doctor?  - Mathias & Bram Empty Re: Did Someone Call A Doctor? - Mathias & Bram

Lun 21 Juin - 12:15
Did someone call a doctor?
C'est un bien curieux jeune homme qui se tient face à moi, outrageusement provoquant et irrévérencieux tout en restant d'une politesse charmante et offrant des manières presque impeccables, par choix ou par vestige inconscient de l'excellente éducation qu'il a reçue en France auprès de sa famille maternelle, je suppose. Il a ce petit côté irrévérencieux et moins rigide que les britanniques lorsqu'il s'agit de protocole, vestige sans doute des frasques de l'aristocratie de l'Ancien Régime, alors qu'en Angleterre ils se contentaient surtout de compter leur bétail, exploiter leurs paysans et faire des courses de chevaux. Et il a l'air de régner en seigneur et maître chez lui, avec des domestiques qui ont l'air d'être habitués à de telles excentricités... mais ce n'est pas chose inhabituelle d'avoir des patrons hauts en couleur, surtout dans le contexte de cette nouvelle République bouillonnante et fiévreuse qui attire excentriques et fêtards de toute l'Europe. Et puis il vaut mieux ramasser des flûtes vides et évoluer entre des corps endormis que de vivre dans la terreur d'un employeur tyrannique et trop exigeant non?

Je comprends que je pars sur de bonnes  bases lorsque ma remarque sur sa tenue le fait rire, comprenant peut-être que je ne suis pas dupe, et qu'une légère connivence est en train de s'établir entre nous, comme première étape d'une future relation harmonieuse de patient à médecin...croisons les doigts! Et j'ai un rire sincère alors que de la fumée bleutée s'échappe d'entre mes lèvres lorsqu'il m'explique l'espèce de plan qu'il a fomenté et qui n'a de logique que pour lui, semble-t-il, un peu comme les fanatiques dont faisait partie ce fameux strannik Raspoutine... Des Khlysts dont la doctrine était de vaincre le péché par le péché et voyaient la débauche comme une étape purificatrice vers la rédemption... Ou alors aurait-il simplement besoin de vivre dans le regards des autres, quitte à choquer le plus possible afin d'y parvenir? C'est ce qui semblerait, à l'entendre ainsi. J'ôte le surplus de cendre consumée du bout de ma cigarette avant d'en reprendre une bouffée.

Je me rappelle de tous mes patients, et chacun est important à mes yeux. Vous n'avez pas besoin de vous donner tant de mal pour vous sortir du lot vous savez? J'ai fait mes devoirs et mes recherches, je pense déjà avoir une petite idée sur vous, même si je n'aurai jamais la prétention de vous connaître en totalité... réservons cela à Dieu et à la famille... Quant à ce que j'ai fait sur le champ de bataille, j'étais surtout à l'hôpital de campagne, en train de suturer, rattacher ou amputer des morceaux des pauvres hères qu'on me ramenait, certains tenant leurs viscères entre les mains... J'ai vu des choses horribles et j'ai aidé mon camp parce que je croyais à la cause que je défendais... Tout comme je suis persuadé que ceux d'en face y croyaient aussi... Je ne vous soigne pas par pitié mais parce que vous avez besoin d'aide et que j'ai prêté serment de le faire. Ce n'est pas un acte de charité que j'accomplis, c'est mon métier, comme un charron répare le chariot qu'on lui ramène, ou le couturier coud le vêtement demandé...

Je bois une gorgée à mon tour avant de reposer la soucoupe en un tintement délicat sur la soucoupe, reprenant ensuite une bouffée de tabac dans un silence confortable bien qu'un peu surprenant... C'est une première rencontre bien curieuse qui se joue, mais en aucun cas désagréable, et Mathias est une personnalité qui m'intrigue en plus d'être une mission. Et je cite ensuite le vers français de Cyrano suite à sa remarque.

''Et moi c'est moralement que j'ai mes élégances" comme disait l'homme au grand nez... quant à la surprise, je suis curieux de voir dans quoi vous vous lancer pour préparer un plan d'attaque à chacune de nos entrevues... Vous aimez donc épicer les choses... j'ai hâte!

Pourtant l'espèce de marivaudage dans lequel nous nous étions lancés laisse place à une discussion se concentrant plus sur la médecine et les troubles dont il souffre, et je le laisse m'expliquer les symptômes plus en détail, terminant ma cigarette que j'écrase dans le cendrier, et reprenant du thé avant de répondre. Je l'observe d'ailleurs perdre un peu de sa superbe pour se recroqueviller un peu sur l'ottomane, sûrement pas par pudeur, mais peut-être parce qu'on en vient à parler d'un sujet qui le touche? Lui ferait même peur? Ce qui est compréhensible après tout...

Ce n'est pas normal pour votre être d'avoir ces corps étrangers... Et même si la blessure est à peu près cicatrisée, il y a et restera toujours un intrus dans votre organisme, intrus qu'il va s'efforcer de repousser, et contre lequel il va lutter. Je ne vous force pas à vous décider aujourd'hui, mais j'aimerais pouvoir étudier cette option.

Et il se lance ensuite dans une étrange confession teintée de thé et de nicotine, enrobée de soie bariolée, se dévoilant un peu plus sur le rôle qu'il attend que je joue, sur la façon dont il veut que je l'aide et je me rallume une cigarette, le laissant continuer sans l'interrompre... Ah la douleur, une vieille amie contre laquelle je lutte depuis de longs mois à coups d'injections d'argent et d'aconit, pour ne pas devenir cette bête qui me répugne, amie avec laquelle il valse aussi, semble-t-il, mais sur d'autres airs que moi. Il en vient même à trembler derrière son sourire de façade, hochant la tête face à cette antithèse de le sauver pour qu'il puisse mieux brûler la vie par les deux bouts, et après une bouffée de tabac je réponds.

Je suis là pour vous aider à aller le mieux possible, compte tenu de votre état et des progrès de la médecin actuelle... c'est pour ça que je m'inquiète à propos d'une opération, car en ôtant ces débris, il y a de fortes chances que la douleur disparaisse, ou tout du moins s'atténue de façon significante. Peut-être que certaines blessures cicatrisées auraient besoin d'être réouvertes car elles se sont mal refermées également. Mon but n'est pas de cacher les symptômes mais de travailler sur les causes, et cela passe par des examens approfondis, même si cela vous enchante peu à ce que j'ai compris...

Puis je laisse échapper un rire à sa dernière phrase, venant secouer la tête.

Ce n'est pas ainsi que ça se passe mon cher Mathias! Maintenant que je suis votre médecin, c'est moi qui décide du rythme auquel nous allons nous voir, et des prescriptions comme des remèdes qui seront administrés... Je serai un peu comme une gouvernante assez stricte mais que vous remercierez plus tard de ses bons soins... La question maintenant est : acceptez-vous de travailler main dans la main avec moi? Il faut que nous nous fassions confiance, sinon tout cela ne sert à rien. Comprenez-vous?
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Did Someone Call A Doctor?  - Mathias & Bram Empty Re: Did Someone Call A Doctor? - Mathias & Bram

Mar 22 Juin - 20:36
Did Someone call a doctor ?
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« Nous ne sommes plus à une époque où il est aisé de distinguer le normal de l'absurde, l'abominable du raisonnable, Docteur. Depuis la fin de la grande guerre, nous voilà entrés dans l'ère de l'inconscience, d'une insouciance qui se doit de chasser au loin les terreurs et autres spectres émergeant des champs de bataille, de la mémoire des survivants, de ceux qui n'auraient dû rentrer à la maison. »

Du bout des lèvres, en une mimique presque sensuelle, quasiment obscène, je façonne les volutes de tabac en cercles parfaits qui se mettent à danser entre nous, à s'élever vers les cieux pour se désagréger, se transformer en halo qui ne sont bons qu'à couronner l'éther, ce grand vide qu'il me semble discerner au milieu du rien, que j'imagine être là, tel un immense fauve, lové à nos pieds, amusé par cet air que nous brassons en vain, à vouloir convaincre l'autre, à tenter de faire entendre sa voix, de s'assurer que ses actes ne seront point vains, tandis que recroquevillé, presque, sur mon fauteuil, les talons appuyés contre la courbe de mes fesses constellées de quelques bleus qui ne tarderont à prendre des teintes violacées, j'attends, laisse les secondes filer, se faire égarés dont je ne pleure la perte, dont j'accepte la course bien volontiers, les yeux à moitié clos, le cœur noyé par le chagrin, par cette étrange peine qui ne me lâche pas, que je ne parviens à semer que dans les excès, dans ces vices auxquels je m'adonne par besoin maladif de m'abîmer, d'être certain que j'y passerais avant de me voir vieillir, de réaliser que je ne suis pas si différent d'autrui, qu'à ce père abandonné à Londres, je ressemble trop, dans ma manière de haïr les miens, de m'entêter à exister quand cela ne sert à rien.

« J'ai conscience qu'ils sont poison pour mon organisme, ces éclats restés malgré les chirurgies, les bons soins que l'on a voulu me prodiguer pour me sauver, mais honnêtement, pour ce que je fais de mes journées, je ne sais pas si il serait si utile que ça de m'infliger pareil torture quand, encore une fois, vous pourriez faire tous ces efforts pour un autre soldat qui en aurait bien plus besoin. »

Quel intérêt de panser les plaies d'un corps dont l'esprit a abandonné, s'est déjà résigné, songe trop souvent à l'au-delà, au trépas, à ces monstres et âmes furieuses qui l'attendent là-bas ? Quelle gloire y a-t-il à maintenir en vie un cadavre en devenir, un être qui s'en veut d'avoir été sauvé par le hasard, par la chance, par ce destin bien cruel qui ne protège que les indignes et les lâches, qui aime sacrifier les héros, en faire des martyrs, des regrettés dont on fait des idéaux, les symboles d'un espoir auquel s'accrochent les désespérés, les égarés, ces croyants qui n'ont plus que la foi pour les sauver de la démence.

Dans l'air désormais chargé des fragrances de nos deux tabacs mélangés, le parfum délicat du thé se fait oublier, dévorer par ce silence que je laisse entre nous s'installer, se faire ce troisième invité qui vient prendre place aux côtés du médecin, devenir ce langoureux amant paressant dans une méridienne au cuir rongé par les mains qui ont pu l'effleurer, par ce tabac qui a pu y chuter, créer à la surface du vernis lie-de-vin, quelques auréoles disgracieuses, brûlures que j'aime pourtant sentir sur mes paumes quand je m'y attarde, y paresse, y sieste, sous le regard de cette mère immortalisé en un portrait étrangement formel, bien qu'elle y soit représentée, assise au bord d'une fontaine, où sous la surface de l'eau, il est aisé de trouver les échines de bien des carpes colorées. Du coin de l'oeil, je fais mine de l'apercevoir, de l'entrevoir, délaissant un instant mon invité fait de chair et de sang, l'oubliant, entre deux bouffées de nicotines, deux expirations qui forment dans l'air, d'abstraites arabesques que je ne prends la peine de dissiper du bout de mes doigts, que je laisse vivre, exister, puis mourir sous mes prunelles voilées par les souvenirs des tranchées, de cette vie qui semble aujourd'hui être celle d'un autre, des étés passés en France loin du brouillard de Londres, loin d'un père qui m'en voulait de ne point le préférer, de ne voir à quel point, il était cet unique mentor capable de m'amener vers la grandeur, vers cette gloire dont je n'aurais su que faire, si ce n'est la gâcher dans l'espoir d'être détesté, d'être enfin cet être décadent que je suis devenu depuis mon arrivé en cette patrie, où pour l'instant, on me pardonne encore toutes mes exubérances.

Un jour viendra où ils n'en pourront plus. Où tous m'en voudront de ne point faire honneur à cette médaille qui trône, clouée, au mur de mon salon, de n'avoir de respect pour ceux tombés à mes côtés, pour ceux que j'ai fauché, parce que les puissants le voulaient. Il y a un jour où tous cela, cette grande mascarade se devra de prendre fin, de révéler ô combien je ne suis rien de plus qu'un désœuvré qui gaspille ses dons en se vautrant dans le luxe et la luxure, qui n'a le courage d'en finir, d'élégamment, tirer pour de bon sa révérence.

« Mais sachez que votre petit sursaut d'autorité a eu au moins le plaisir de m'émoustiller, de m'empêcher de vous considérer comme l'un de ses trop bonnes âmes qui ne savent s'imposer, qui veulent à tout prix plaire, être certaines que l'on ne cherchera à les oublier, à les abandonner, que l'on leur rendra cette compassion qu'ils sèment sans voir que les hommes ne la méritent pas. » ose-je lui souffler, ronronner alors qu'une fois de plus, je me penche vers la table pour cendrer ma cigarette, emplir un peu plus, le ventre du dragon de cuivre, dont la gueule et les crocs sont depuis longtemps, couverts d'une épaisse couche de suie. « Soit. Nous ferons à votre guise, mais à une condition. »

Je laisse un ange passer avant de reprendre, le temps d'esquisser un sourire mutin, un rictus qui peine à dissiper la brume qui hante mon regard.

« Vendredi soir. » Je frissonne à peine, quand sur mon échine, s'égare une sensation ô que trop bien familière, une impression qui m'ordonne de retrouver mes airs de prince héritier, d'audacieux couronné en décroisant à nouveau les jambes, pour m'installer, presque en tailleur, dévoiler toujours un peu plus de mes cuisses galbées par un train de vie excessif, par l'auto-destruction, les coups de reins violents de mes amants, pour enfin, lui permettre d'apercevoir sous le drapé de mon peignoir, ce tatouage fait il y a des années de cela. « Venez à l'heure qui vous arrange, mais venez. Parce que vous serez le seul invité que j'attendrais. »

Le seul à qui j'enverrais une invitation papier, une missive signée de ma main, que dans la foule, je chercherais dans l'espoir de croiser son regard, de voir qu'il n'a su résister à l'appel de mon désespoir, de se malheur que je laisse transparaître en ces nuits de débauche et d'abus, en ces soirées que je passe à n'être que cavalier chevauchant les vices et les interdits, consentante victime qui vénère es dieux sans visages qui aiment tant tourmenter les hommes en créant fantasmes et illusions, mirages nés d'espoirs fous, ces envies d'y croire, d'espérer que demain sera radieux.

Un silence plus tard, je m'étonne de l'avoir conservé, l'ombre de ce sourire qui n'a pourtant rien d'authentique, d'être encore là, à lui accorder ce temps dont je ne fais rien, quand de mes autres invités, je me lasse bien vite, les abandonnant souvent en prétextant agir sous l'impulsion d'un caprice, d'un caractère difficile qui n'est pas le mien, d'une envie soudaine d'être mauvais, de lui permettre d'observer mes silences, de devenir en eux, toute cette souffrance que je m'efforce d'enterrer sous de faux-airs d'arrogant survivant, de détestable étranger venu s'installer en Allemagne pour échapper à ces devoirs, à sa famille, par pure désir de vivre une vie faite de trop, d'une libération sexuelle qui n'aurait pu être possible en ma patrie d'origine, de dénicher dans le moindre de mes gestes, ces aveux et autres confessions que je ne murmure qu'à l'obscurité, qu'à cette solitude que je fuis autant que je le peux, contre les lèvres de ses amants qui s'en moquent bien de mes tourments, de mes cauchemars, de ces regrets que je peux bien avoir.

« Ainsi vous verrez ce dont j'ai besoin, de plus, j'ai l'impression que cela vous fera du bien. »

Non sans une once de malice, j'ose venir poser mes prunelles dans les siennes, oser me faire avatar de la tentation même, éphèbe au front embrassé par la mère même de toutes les luxures, de ce désirs que l'on étouffe dans les plumes de son oreiller.

« Vous avez l'air... » Je m'interromps, le temps de trouver le terme approprié. « … De ne pas avoir pris un peu de temps pour vous depuis longtemps, Abraham. »

Ostensiblement, je prononce son prénom avec un fort accent français, rendant la seconde syllabe de celui-ci tranchante, dure à l'oreille, presque, pareille à la caresse du papier de verre.

Tu dois être le genre d'homme à ne jamais vouloir penser à toi, à toujours mettre les autres en avant, à ne voir que le bien que tu pourrais faire, si tu cessais d'être égoïste, de vouloir, ne serait-ce qu'un instant, abandonner ta bonté pour te recentrer sur toi-même. Tu dois être l'un de ses idéalistes qui se consume pour le bien du plus grand nombre, le genre de vertueux qui sont les plus dangereux, qui finissent un jour ou l'autre par céder, par en vouloir à ceux qui n'ont pensés à leur tendre la main, leur rendre ce qui fut donné sans que cela soit demandé.

« A quand remonte la dernière fois que quelqu'un a pris soin de vous, Docteur ? A pris le temps d'avoir le genre de discussion que nous avons actuellement, où vous n'êtes pas le guérisseur mais le patient ? »

Sur le côté, j'ose pencher la tête, de mon regard, le déshabiller, dans l'espoir de trouver sous ses vêtements, sous sa peau, sa chair, ses muscles, ses nerfs et veines, cette vérité que trop peu ont dû pouvoir apercevoir, qu'ils doivent encore chercher, ceux qui veulent le voir tomber.

« Trop longtemps, j'imagine. Ne dit-on pas après tout que les médecins sont leur pires patients ? »

Car si il est beau de panser les plaies des autres, il est ingrat de devoir suturer les siennes, de devoir reconnaître que l'on est soi-même fait de chair et de sang, que l'on est mortel.

« Je vous comprends, à votre place aussi, je me cacherais derrière mon envie de sauver le monde. Ca doit être plus simple, après tout, plutôt que de sans cesse lutter, de chercher à se reconstruire. Ca doit être beau, de voir les erreurs des autres comme des possibles, de secondes chances à saisir. »

Que vois-tu quand tu me fixes, quand toi aussi, tu apprécies mes silences ? Que vois-tu, sous la soie de mon peignoir, sous le voile que forme cette fumée opaque dont j'encrasse mes poumons et mes doigts?

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Did Someone Call A Doctor?  - Mathias & Bram Empty Re: Did Someone Call A Doctor? - Mathias & Bram

Sam 26 Juin - 23:08
Did someone call a doctor?
Face à lui, j'ai l'impression de le retrouver devant un lac ou un étang, par temps calme, dans lequel on peut se refléter, admirer les nuages et le soleil, et d'un coup, un souffle de vent, un brin de tempête et on se rend compte que le jeune homme est beaucoup plus complexe et profond qu'il n'y paraît. Ce n'est pas un simple fêtard. Ce n'est pas juste un vétéran. C'est un être que je devine brisé, quelqu'un qui veut fuir, par tous les moyens, non pas par pur plaisir mais pour oublier... oublier les horreurs d'une guerre d'une violence et d'une cruauté inouïe, qui a vu ressortir le pire de l'humanité. "Enivrez-vous" comme disait Baudelaire, sauf que sa cave à fin est composée d'alcool mais aussi de sexe, d'excès et surtout de drogues... J'en ai vu d'autres comme lui, beaucoup même, des gueules cassées de l'esprit, qui avaient eu la terrible chance de s'en être sortis physiquement intacts mais dont le mental était ressorti brisé, et qui n'étaient pas pris au sérieux parce qu'ils n'étaient pas "vraiment" blessés, et qu'ils devraient se montrer chanceux de pouvoir travailler tout de même... Des braves types à qui on n'a pas expliqué comment vivre avec ce poids, avec ce sang sur les mains qui ne s'ôtera jamais, même en les purifiant avec tous les parfums d'Arabie comme le disait Lady Macbeth. La seule différence entre eux et lui, c'est que lui a l'argent pour faire les choses en grand, et avec faste, comme un dernier tour d'honneur pour quitter ce monde avec panache. C'est ce que je me dis alors qu'alangui comme une courtisane il fait des ronds de fumée qu'il propulse avec légèreté dans l'air au-dessus de sa tête. Et ainsi j'ai l'impression de voir un peu derrière le masque, d'entrevoir celui qu'il est vraiment, et pas celui qu'il veut montrer.

Honnêtement? Même si vous ne "faites pas grand chose" d'après vous, le corps humain n'est pas fait pour vivre avec des corps étrangers en lui... Dans quelques rares cas ça peut bien se passer, mais le mieux est tout de même, autant que possible, de s'en débarrasser. Et il y a de très fortes chances pour que les douleurs que vous ressentez s'atténuent, voire disparaissent en retirant ces éclats d'obus... Mais pour ça il faudrait que je puisse vous faire passer quelques examens complémentaires.

Pourtant à la suite de ma petite remarque sur le fait que je serai celui qui prendra les décisions concernant ses soins à l'avenir, j'éclate de rire en écoutant sa réponse. Me montrer légèrement ferme l'aura...émoustillé? Voilà bien quelque chose de surprenant et d'inattendu qui a au moins le don de me surprendre, même si je n'y crois pas un mot. Je pense surtout que c'est pas provocation plus qu'autre chose mais tout de même, son franc parler, cette volonté, cette énergie même à choquer, bousculer les normes m'amusent. Entrevoir la vérité a été rapide, bien trop rapide, à peine une silhouette entraperçue derrière un rideau qu'il est redevenu le sale gosse charmeur et iconoclaste de Berlin, dans cette ville où s'est lancée la compétition acharnée du plus subversif et du plus politiquement incorrect. Il n'est plus lui, il est à nouveau son personnage, même si j'ai été content d'en distinguer la vraie âme derrière tout cela...

Si ma motivation première avait été de plaire, je n'aurais certainement pas choisi médecin, mais acteur, chanteur ou homme politique. Je n'ai pas le temps de mener ces deux combats de front... Quant au fait de mériter... si on ne devait soigner que les méritants, il y aurait certainement moins de monde dans les rues, mais il resterait à poser ce qu'on peut appeler "être méritant"...

Il écrase sa cigarette alors que je reprends une gorgée de thé, ma cigarette dans l'autre main, avant d'en reprendre une bouffée quand j'ai reposé la porcelaine décorée de dragons bleus. Je suis curieux d'apprendre quelle sera cette fameuse condition qu'il pose pour que j'aie la grande joie, l'honneur et le privilège de le soigner? Et encore une fois il a le don de me surprendre, car la seule chose qu'il demande est que je me rende à une de ces soirées dont tout le gratin parle. J'ai un sourire curieux, bien que sa dernière réflexion sur le fait que je serai la seule personne qu'il attende vraiment me donne envie de rire. Bon sang mais il est redoutable! Il a ce don de vous donner l'impression d'être la personne la plus importante du monde, et que vous avez la chance qu'il daigne s'intéresser à vous. Pas étonnant qu'il puisse enjôler tous ceux qu'il croise! Pourtant quelques mots plus loin je ne peux me retenir de rire plus franchement lorsqu'il se met à adopter un ton maternaliste, telle une nourrice trop envahissante.

Mathias, c'est très gentil à vous de vous enquérir de ma personne mais je suis ici pour vous soigner, et non pas l'inverse... Surtout que les choses sont plutôt tranquilles depuis la fin de la guerre... c'est presque une promenade de santé devrais-je dire... Et entre nous, je suis un grand garçon, avec un majordome zélé et un autre jeune domestique dévoué...

S'il savait pourtant le croissant noir qui s'étale en haut de mon épaule, et contre lequel je lutte jour après jour depuis des mois... s'il savait pour ces missions m'emmenant dans toute l'Europe, me privant de sommeil et brisant mon corps? Mais pour lui, pour l'instant, je dois rester le bon docteur en qui il peut avoir confiance, lui seul. Mais sa dernière remarque me prend par surprise et me destabilise, me demandant une seconde pour me recomposer. D'où tire-t-il une telle clairvoyance? J'inspire une bouffée de tabac pour me redonner une contenance avant de répondre.

Chaque homme doit trouver la chose qui le fait avancer, qui lui donne l'impression d'avoir sa place dans ce monde... La mienne est de soigner les autres, enfin je le crois... Mais la guerre m'a aussi laissé des séquelles... Et vous? Quel est votre raison d'être là? Et j'attends mieux de vous que de me dire que vous êtes né pour offrir des fêtes dantesques et collectionner amants et amantes!
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Mathias De Cosset-Brissac
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Did Someone Call A Doctor?  - Mathias & Bram Empty Re: Did Someone Call A Doctor? - Mathias & Bram

Mer 30 Juin - 20:51
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Une vie rangée, un cœur gorgé de cette envie d'aider son prochain, de pardonner à autrui ses péchés, de lui offrir ce repos de l'esprit qui n'appartient qu'aux innocents, à ces enfants encore épargnés par la laideur de ce monde, par l'horreur de l'existence, voilà ce que je lui envie, à cet homme qui me fait face, à ce médecin qui accepte mes caprices, tolère mes questions, ce besoin incessant de lui échapper, de sans cesse, l'esquiver, me tenir loin de ce regard qui me donne l'impression d'être nu pour lui, de n'être que ce corps dévoilant bien malgré lui ses secrets, qu'une plaie immense suintant ses tourments, ses traumatismes et autres faiblesses que d'autres n'ont su exorciser, effacer, sous leurs gestes et promesses, sous leurs mensonges et autres désillusions dont j'ai fait des vérités, simplement parce que j'étais désespéré, malheureux au point de vouloir encore y croire un peu, à la rédemption, à la guérison. Face à lui et pour son regard bienveillant, je me sens écorché, cobaye disséqué contre son gré, chair exposée pour le bien d'une rédemption que je ne suis plus vraiment certain de désirer, que je laisse à ceux qui veulent exister, vivre et se voir mourir au fil des années, des plaisirs simples, des déceptions que l'on peut éternellement éviter, qu'il se faut un jour affronter, accepter, de la routine et du calme d'un quotidien banal, fait de ces moments dont je ne veux plus, que je maudis, tant ils sont devenus malédiction, occasion pour les traumatismes de mon passé de revenir, chances pour les souvenirs de cette guerre qui ne s'est jamais vraiment terminé pour les rescapés, les survivants, tout ceux qui auraient aimé succombé aux baisers des balles et des éclats brûlants d'obus venant de se fragmenter, d'éclater à l'impact ; trônant toujours sur mon fauteuil d'illusions et de faux-semblants, il me semble ainsi frissonner, trop longuement, me murer dans un silence qui trahit la violence de mes tourments, la beauté de ces angoisses qui me font sans cesse rechercher le confort du filtre de cette cigarette à laquelle j'arrache de longues volutes opaques, d'empoisonnées vipères qui dansent et meurent dans l'air, qui une seconde, se font avertissements, promesses qu'un jour, je la perdrais, cette vigueur que j'use à l'aide d'opiacés et autres drogues qui ravagent mes organes, qui sont de patients venins rongeant mes nerfs et mes veines, grignotant ma raison jusqu'à ne laisser en mes pensées, que cette morbide fatalité, cette certitude qui depuis longtemps cessé de m'effrayer, de se faire le long de mon échine, cette sueur glacée qui devrait piquer mon derme, m'obliger à être sensible à l'inquiétude de cet homme que je ne contemple plus qu'entre deux battements de cils, deux chuintements arrachés à la braise rougeoyante.

Je ne suis là que parce que je suis lâche, parce que je n'ai eu le courage de mourir, de lâcher prise, d'accepter que ça n'en valait plus la peine, que tous se porteraient mieux en me sachant de retour à la terre, aux côtés d'une mère qui n'aurait supportée de me voir ainsi devenir le docile tueur d'un pays qui n'a fait qu'accrocher une médaille à ma poitrine une fois les horreurs commises, qui fut si prompt à détourner le regard quand j'abattais les miens, quand à mes pieds, rampait soldats me prenant pour un ange venu les libérer des entrailles d'un charnier que les généraux nourrissaient régulièrement, envoyant vers une mort certaine, des hommes, des fils, des maris, dont il ne reste aujourd'hui, rien de plus que le nom gravé dans des monuments, dans de la pierre que le temps et la pluie se presseront de polir.

« Je ne connais personne qui n'ait pas de séquelles, de deuil à faire, depuis la fin de la guerre. »

Le temps d'une expiration, je laisse passer un ange, que je chasse d'un geste faisant chanter la soie cascadant le long de mes jambes.

« Il n'y a plus que des écorchés désormais, que des âmes tourmentées qui ne pourront pardonner aux puissants d'avoir joués aux conquérants. »

Malgré moi, je soupire, expire à nouveau, désormais tourné vers l'immense portrait de celle qui a eu la chance d'y échapper, à ce massacre, au carnage, les doigts rendus tremblants par je-ne-sais-quoi, par une soudaine faiblesse bien trop familière, par cette fatigue qui ravive la souffrance, cette douleur qui irradie de ces cicatrices dissimulée par les couleurs chatoyantes de mon peignoir.

« On l'emportera avec nous. » souffle-je simplement, les yeux clos. « On l'amènera aux défunts, à nos ancêtres, à ceux qui furent là. » Le temps d'une seconde, peut-être moins, j'esquisse une grimace douloureuse, une moue exprimant parfaitement cette détresse qui vient se lover à mes côtés toutes les nuits, qui parvient à se faufiler sous mon derme pour étreindre mon squelette, me rappeler, me murmurer que je ne suis rien aux yeux de cet univers indifférent au sort de l'humanité, peu soucieux de savoir qu'un jour, il ne reste de nous que de la poussière et des restes, que des fragments d'existences que personne ne viendra chérir, dont l'héritage et les secrets se perdront dans le néant, dans ce vide qui réclame toute vie, toute étincelle d'espoir. « Je ne suis encore là que pour oublier, Monsieur Van Helsing. Pour m'assurer que je ne crèverais pas avec au cœur, la laideur de notre siècle, de ces actes que j'ai commis par devoir, mais avec en tête, l'impression d'avoir vécu juste une fois, d'avoir été assez ivre pour me penser heureux. »

Las de notre entretien, et conscient que ma langue se délie, que mon esprit s'affaiblit au point de me pousser à lui livrer, à lui confier cette vérité que je m'efforce pourtant à ravaler, à garder pour ces instants, où à l'abri des regards, il m'est possible de sangloter, d'être foudroyé par les remords et la culpabilité, je me lève, quittant mon fauteuil pour mieux le toiser, lui offrir ce sourire si fade qui est celui que je réserve à mes invités, à ces désœuvrés qui ne demandent qu'à goûter à l'excès au sein de ma demeure, de ces fêtes que j'organise en l'honneur de ces dieux du vices et des travers, de ces divinités qui aiment voir les hommes se vautrer dans les interdits.

« Je vous verrais donc vendredi soir. N'oubliez pas. »

Je me penche, pour dans la gueule du dragon de fer, écraser cette cigarette fumée à moitié, tuer le chant de cette braise dont il s'échappe une fine arabesque de nicotine.

« Je vous attendrais. »

Dans la foule, je veillerais, je te chercherais dans les silhouettes des inconnus, de ceux qui espèrent effleurer du bout des doigts la forme la plus pure d'un plaisir qui n'existe peut-être plus, je t'en voudrais, que tu n'essayes de voir ô combien tout cela m'est nécessaire, comme ces mensonges sont devenus cette seule panacée capable de me faire une seconde, songer à la possibilité d'un avenir, d'un mieux à venir, d'une guérison se ferait pardon, absolution.



Comme promis, l'invitation avait été envoyée, sous la forme d'une missive scellée par un peu de cire mêlée à mon sang, frappée des armoiries de cette famille dont j'ai pris le nom, de ce bélier bondissant, prêt à frapper malgré une goutte de sang s'échappant de l'une de ses pattes, malgré les épines des ronciers qui sont cette prison l'entourant, le faisant prisonnier d'un éternel combat, d'une souffrance pourtant nécessaire afin de triompher, d'un jour régner ; créant ainsi en mon cœur, cette impatience nouvelle, cette espérance proche d'une trop éphémère ivresse qui me pousse, en cette nuit de débauche et d'abus, d'errer parmi mes invités, de me faire hôte se laissant caresser par les louanges de ceux déjà égarés dans les bras de plaisirs multiples, d'être cette créature presque mystique que l'on vient effleurer de ses mains, toucher, que l'on agrippe, dont on embrasse les paumes, les joues, le coin des lèvres, dont on dérange les plis d'un costume dont le col n'est que plumes irisées, ailes se déployant le long de mon échine, se faisant ramage, cape traînant dans mon sillage, semant dans mes pas, les fragrances exigeante de ma magie, de ce pouvoir qui serpente dans mes veines, qui prisonnier de ma chair colore pourtant mes veines en un pourpre royal, un bordeaux profond qui me donne des allures d'avatar des maléfices, de ses troubles qui arrivent avec la nuit. Au sein des corps se rencontrant, s'abîmant au rythme de pulsions, d'envies nées d'un besoin de repousser les limites, je me fais ainsi prince de mon royaume de la décadence, souverain que certains viennent enlacer, que d'autres préfèrent ignorer, empereur en quête de son invité d'honneur, de ce médecin que je ne parviens à trouver dans la masse, dans l'allégresse de cette démence humaine, de ce mélange des races et des espèces qui ici oublient leurs conflits, prétendent se plier à une trêve vouée à disparaître aux premiers rayons du soleil, à s'étioler, en même temps que ces constellations délaissées, ne brillant plus que pour les enfants, et autres âmes errantes en quête d'une seconde chance.

Il faut que tu viennes, que tu me vois au sein de mon empire, que tu me contemples me noyer dans les corps, dans les désirs de ceux qui viennent s'enivrer ici, profiter de cette fortune que je dilapide, de ma détresse pour jouir, pour connaître ce qui d'ordinaire leurs seraient interdit. Il faut qu'ici, tu comprennes que je ne suis une âme à sauver, mais un naufragé de plus qu'il faut abandonner, laisser à son malheur, à cette fatalité qui finira bien par me rattraper, m'obliger à connaître cette fin à laquelle personne ne peut échapper.

Dans le ressac des anonymes chantant, dansant, buvant, je m'égare, m'efface, battant des cils pour n'avoir à croiser le moindre regard, pour n'admettre à mes côtés cette solitude qui ne cesse de venir embrasser le creux de mon dos, de glisser ses griffes autour de mon cœur se contractant avec force, pour au loin, la repousser cette envie de m'isoler, de m'enfermer dans ma chambre avec quelques substances à ingérer, avec assez d'alcool pour à jamais sombrer dans cet éternel comas qui n'a rien de gracieux ; frissonnant, tremblant presque, alors qu'il se fait désirer, celui que je finis par trouver non loin d'un bar, à attendre, espérer, peut-être, que je vienne, à se demander ce qu'il peut bien faire là, lui qui semble à peine impressionné par le déluge de richesses et de délices qui s'offrent à lui, qui en parfait enfant de la foi, se dit qu'il ne comprend pas, qu'il est au-dessus de tout ça. Sur mes lèvres, il se glisse un sourire tandis que j'entrouvre ma veste, pour aller piquer le bout de mon index sur cette aiguille dépassant de la poche intérieure de celle-ci, forçant ainsi à perler une goutte de sang qui immédiatement, s'évapore, pour esquisser, dessiner, tracer autour de mon crâne, ce masque de corbeau qui recouvre mon visage, cette couronne de plumes qui se fait auréole détournant les regards de mes iris désormais perdues les orbites de cet oiseau dont je prends l'apparence avant de me frayer un chemin jusqu'au médecin, jusqu'à celui que je gratifie de mon audace, alors qu'à ses côtés, je prends place, sans lui offrir la main, sans essayer d'user de cette politesse qui n'a plus aucun sens ici-bas, en cet endroit où toutes les âmes sont sœurs, où chaque visage est celui d'un ami de longue date, d'un amant de toujours, d'un amour retrouvé, d'un ennemi pardonné.

« Vous ressemblez à quelqu'un qui ne sait pas pourquoi il est là. » lui dis-je, ma voix étant légèrement modifiée par mon pouvoir, rendue plus grave, plus virile, si masculine qu'elle se fait ronronnement quasiment indécent. « De tout les invités présents, vous êtes celui qui ne semble pas s'amuser. » Sur le côté, j'ose pencher la tête, faire danser ses plumes dont je suis paré, et qui, sous la lumière, se parent de teintes bleutées rappelant celles des plus beaux scarabées. « Vous avez choisi un drôle d'endroit pour vous ennuyer. » Conscient qu'il ne peut me voir, je souris tout de même avant de venir saisir sa main, de l'obliger à me suivre au milieu des convives, de ces fêtards qui ne nous adressent pas un regard. « Profitez. On ne vit qu'une fois, et la nuit n'attendra pas que vous changiez d'avis, que vous soyez pris d'un sursaut, d'un éclat de folie. Ne l'attendez pas, cette personne pour laquelle vous êtes spécialement venue... »

Ne m'attends pas. Démasque-moi, comprends, entends comme il est sauvage, ce besoin de se sentir vivant, de se blesser pour oublier cette mort imminente, la violence des combats,  l'étreinte de la pluie glacée, le bruit assourdissant des armes crachant poudre et munitions. Viens te perdre dans mon dédale de mensonges, d'impressions, de faux-semblants. Perds-toi en moi, en essayant de me sauver, de me rendre cette beauté qui ne fut jamais mienne.

« Car elle ne viendra pas. »

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Did Someone Call A Doctor?  - Mathias & Bram Empty Re: Did Someone Call A Doctor? - Mathias & Bram

Jeu 8 Juil - 15:14
Did someone call a doctor?
Il est étonnant, ce jeune homme qui fait tout pour passer pour un démon, s'appliquant bien trop à me montrer ses cornes et sa queue fourchue pour mieux détourner mon attention des plaies sanguinolentes de ses ailes arrachées et des stigmates de son auréole brisée. Un diablotin qui tire les cheveux d'une petite camarade de classe pour ne pas être le seul à être triste, semble-t-il... Et en l'observant je me dis que ça doit être épuisant de porter ainsi un masque en permanence, d'être en représentation constante, comme un acteur qui n'arriverait plus à ôter son costume une fois la scène quittée, et qui se confondrait avec le rôle qu'il joue... Je ne sais pas vraiment ce qu'il cherche à cacher, ce qu'il ne veut pas que les gens voient, pour faire comme les prestidigitateurs, à savoir attirer l'attention sur un point afin qu'on ne regarde pas de l'autre côté... Mais que cache-t-il? Sont-ce ses blessures qu'il veut dissimuler? Pourtant il est loin d'être le seul a avoir été affecté par la guerre, et de plus il n'en est pas sorti amputé ou défiguré... Alors quoi? Son pouvoir de sorcier? C'est ce qui lui a valu la médaille qui trône au-dessus de la cheminée, épinglée d'une manière fort peu orthodoxe je le reconnais... Alors quoi? Que caches-tu Sarah Bernhard? Que veux-tu garder pour toi tel un trésor, dissimuler si fort que tu t'es construit une vie entière pour que les gens ne se posent pas la question, et que ton secret soit caché sous des litres de champagne et beaucoup trop de morphine? Je remarque son coup d'oeil à la peinture féminine et je me rappelle alors qu'il avait perdu sa mère très jeune, et qu'il avait fui son père pour se réfugier chez ses grands parents maternels qui possèdent le même pouvoir que lui. Serait-ce ça? Une blessure d'enfance? Serait-elle si importante qu'elle nécessite un si grand décor? Une si grande mise en scène? Il va falloir que je m'approche beaucoup plus près du précipice pour le découvrir... mais au fur et à mesure de notre discussion, je suis rassuré par le fait qu'il ait justement cette profondeur, cette fêlure qui le rend plus intéressant que si ça avait été un banal fils d'aristocrate pourri gâté comme cet imbuvable Reinhard... Lui au moins a ses raisons, et n'est pas désagréable... Alors... arriverai-je à faire quelque chose? A faire tomber le masque et percer ses défenses pour découvrir ce qui s'y trouve ? Le marron dans sa bogue couverte de piquants? Seul l'avenir nous le dira...

L'espace d'un instant je suis tenté de faire un compliment sur la beauté de sa mère, ce qui ne serait pas un mensonge, loin de là, mais j'ai peur que ce soit vu comme de la flatterie, ou une tentative de tirer sur la corde sensible alors je m'abstiens. Il sera toujours temps d'évoquer le sujet lors d'un prochain entretien, ou d'une prochaine visite. Au lieu de cela je me ressers une tasse de ce délicieux thé que je savoure, avant de hocher la tête à sa réflexion sur la guerre.

Non en effet, personne... Tout le monde a été touché d'une manière ou d'une autre, même ceux qui sont restés à l'arrière... C'est en ça qu'elle est si terrible... elle frappe sans distinction et sans jugement... Et oui, je pense qu'on ne pourra jamais oublier ce qui s'est passé... Au mieux on pourra vivre avec, la gardant dans un coin de notre tête, ou en utilisant des ruses pour la faire taire...

Je surprends un regard un peu humide, le fantôme d'une larme au coin de ses yeux couleur tempête, un peu comme un écueil qui effleurerait la surface des vagues, signes des arrêtes tranchantes qui se cachent sous la surface, et dans un sens je sens que mon impression est confirmée... Il est beaucoup plus intéressant qu'un simple sale gosse de famille bourgeoise, mais est quelqu'un de traumatisé et d'abimé. Mais par quoi? Cela reste à voir... Et comme s'il s'en voulait de s'être trop livré, d'avoir tenu une conversation sérieuse au lieu des frivolités habituelles, d'avoir parlé plutôt que d'avoir meublé le silence, il met fin à cette entrevue, se levant pour me faire comprendre qu'il est temps pour lui de remettre son maquillage craquelé, de repasser une couche de céruse sur ses traits pour redevenir celui qu'il veut être. Qu'il a choisi de montrer aux autres. Ne voulant pas être impoli je m'exécute, attrapant ma sacoche et le suivant dans le hall maintenant immaculé, avec quelques silhouettes dans un salon proche penchées sur des tasses de café fumantes.

J'essaierai de venir oui, mais je ne vous promets rien. Sinon je serai là samedi matin pour votre prochaine visite, d'accord? Et réflechissez à cette histoire de Petite Curie, je suis sérieux. Passez une bonne journée Mathias...

Le majordome me raccompagne jusqu'à mon automobile et je m'éloigne bientôt du manoir encore enroulé dans les brumes pluvieuses du matin.

-  

Je mentirai en disant que je n'ai pas hésité, car c'est le cas. J'ai longtemps pesé le pour et le contre, et la perspective de me retrouver au milieu du bruit et de la fureur, de gens ivres et drogués ne m'enchante pas vraiment... Parce que oui j'aime faire la fête mais je n'aime pas que ça dégénère, et être entouré de gens qui perdent tout contrôle d'eux-mêmes... Ensuite j'ai reçu sa lettre, une invitation en bonne et due forme sur papier épais, écrite d'une main soignée et cachetée aux armoiries de sa famille... signe qu'il a vraiment envie que je suis présent, semble-t-il. Finalement ce qui a permis de trancher a été que venir me permettrait de gagner davantage sa confiance, et donc, me rapprocher de lui. Me renseignant auprès d'Hiram pour savoir quelle était la tenue à adopter dans ce genre de circonstance j'ai opté pour mon queue de pie noir et des souliers vernis, lustrés avec soin par Severin au point qu'on puisse se voir dedans. A l'heure dite je me gare dans la cour recouverte de graviers, où de grosses cylindrées coûtant bien plus que mon auto attendent déjà sagement. Le majordome vient m'ouvrir et j'entends déjà les vagues de musique depuis l'extérieur alors qu'il prend ma veste et mes gants. Et j'entre.

Il me faut quelques instants, sur le seuil du salon, pour me rendre compte de tout ce qui se déroule sous mes yeux : une nouvelle Sodome et Gomorrhe s'étale devant moi. Des musiciens noirs jouent une musique endiablée sur laquelle des danseurs s'agitent fiévreusement, et un peu partout des fêtards en grande tenue sont déjà en train de rire et de discuter, cigarette aux lèvres, flûte de cristal à la main, et pour certains, cocaïne sur le nez. Il est encore tôt mais certains couples sont déjà bien entreprenants, peu importe le sexe de ceux qui le composent et je pince les lèvres, hésitant à faire demi-tour et à quitter cet endroit où je ne m'amuserai certainement pas.

Pourtant, presque comme sortant de la masse voilà qu'une silhouette sombre, entièrement couverte de plumes noires irisées s'approche de moi, ressemblant un peu à ces médecins de peste à la Renaissance, figures dramatiques au milieu du chaos et des épidémies... Bizarrement, sa présence n'est même pas si surprenante que ça, vu que la hyène du propriétaire est en train de boire dans une flûte de champagne juste à côté. L'étrange et élégant corbeau se glisse dans la foule, et au regard que lui lance l'animal, ainsi qu'à la chevalière à sa main, je reconnais l'hôte de ces lieux... Pourtant pourquoi vient-t-il caché? Serait-ce un nouveau jeu? Et je vois avec stupeur les autres lui lancer des regards admiratifs, presque de vénération alors qu'il passe, seigneur dans ses terres et grand pourvoyeur de distractions effrénées... Un roi ou un prêtre d'une nouvelle secte ou d'un nouveau culte à la gloire du plaisir et s'asseoir à côté de moi près du bar où je me suis réfugié. Vêtu ainsi sa présence est à la fois fascinante et dérangeante et je sursaute presque lorsqu'il ouvre la bouche et que sa voix, une autre voix s'élève malgré le brouhaha ambiant. A-t-il utilisé de sa magie pour la contrefaire également? Possible, fort probable même...

Je suis là parce que j'ai été invité, mais je n'apprécie pas vraiment ce genre d'endroits... Et vous?

A ma grande surprise il prend ma main dans un geste auquel je ne m'attendais pas, et le suis, mon verre dans ma main libre alors que tel Moïse qui écarte la Mer Rouge, il me fait traverser la foule de ses adorateurs hystériques qui se démènent sur scène.

On peut s'amuser d'autres manières que de s'enivrer ... Celles-ci ne sont pas mes préférées... Par contre... vous dites que Mathias n'est pas là? A sa propre soirée? Dans sa propre maison? Mais où est-il alors?

Tu veux jouer on dirait? Eh bien je n'ai rien d'autre à faire alors, jouons.
Mathias & Bram - Avril 1921
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Did Someone Call A Doctor?  - Mathias & Bram Empty Re: Did Someone Call A Doctor? - Mathias & Bram

Jeu 8 Juil - 21:55
Did Someone call a doctor ?
Abraham & Mathias
Running in circles, chasing our tails
Coming back as we are
Nobody said it was easy
Oh, it's such a shame for us to part
Nobody said it was easy
No one ever said it would be so hard
I'm going back to the start

Elles s'émeuvent avec moi, ces plumes aux teintes bleutées qui couronnent mon crâne, se font ce plumage qui cascade sur mes épaules, esquissant la silhouette grossière d'un corbeau pour mieux s'éteindre au creux même de mon dos, quelque part le long de cette échine qui ne cesse d'être parcourue de biens des frissons, d'un tremblement, qui se fait séisme au sein de ma chair imbibée d'alcool et de morphine, de ces drogues qui ne parviennent plus à tuer la douleur, à faire cette souffrance que je m'efforce d'ignorer, alors qu'au cœur de la foule, de cette masse de désespérés qui viennent ici jouir de plaisirs qui ne sont bons qu'un temps, qu'une nuit, qui peinent à chasser pour de bons ces démons que l'on entretient tous par besoin de se blesser, de s'assurer que l'on est encore bien vivant, encore capable de lutter, de souffrir, puis d'aimer. En rythme avec mon souffle accidenté, par l'angoisse, par cette sensation qui vient creuser mes entrailles tandis que je croise le regard de ce seul invité qui semble haïr cette soirée organisée en l'honneur de la débauche, de cette luxure dans les bras de laquelle il est bon parfois de s'égarer, en qui, on finit toujours par se retrouver, enfin se rencontrer, il se gonfle et se lisse, ce ramage de charognard, ces plumes qui dévorent si bien mon visage, me donnent des allures de prêtre obscur, d'ancien apôtre venu prêcher la parole d'un dieu oublié, de l'esprit même d'un ancien souverain de cette terre, d'une essence animale qui en mon esprit, aurait semé cette folie qui semble posséder tous ceux qui viennent effleurer ma personne, chercher du bout des doigts, cette absolution, cette bénédiction que je ne possède point, ces réponses qu'il me faut laisser au silence, aux excès et autres abus dont ils sont les victimes et amants, proies et servants. Ma main dans la sienne, il me semble m'étouffer, mourir à moitié quand il exprime ce dégoût que je ne comprends pas, cette haine presque, qui me pousse à ravaler un sanglot, à son masque, esquisser ce sourire qu'il ne peut voir, cette grimace qui vaut bien tous les scandales que d'autres auraient pu hurler, lui cracher au visage, en le traitant d'ingrat, de salaud bien trop prompt à juger son prochain, avant d'aller prier ce Dieu qu'il dit en honorer en prétendant être humble, être meilleur que ceux qui sont ici dans l'espoir de connaître cet instant d’insouciance si nécessaire, cette impression soudaine d'être important, de la posséder, cette valeur dénigrée par des années de guerre, par ces mutilés revenus du front traumatisés.

Suis-je aussi repoussant que cette soirée à laquelle tu aurais préféré ne point être convié ? Suis-je si laid, à tes yeux, toi qui ne connaît la beauté des ivresses et regrets qui viennent après ? Me détestes-tu, Abraham, qu'ainsi tu craches avec violence ce mépris que je devrais comprendre, accepter, en faire banalité au lieu d'ainsi saigner face à toi, me déguiser pour y échapper, à ce jugement dont je me doutais tant.

Un instant, une seconde, je reste ainsi, hésitant, relâchant presque ses doigts pour répondre à l'appel de la foule, à cette tentation de me fondre entre les corps se trouvant, entre ses silhouettes se rencontrant, pour lui échapper, en silence, regretter de l'avoir laissé pénétrer en ce lieu, d'avoir vu, contemplé, toute la laideur de mon être, de mes pulsions, de mes passions, de ces vices nécessaires qui me rongent, se font poison ayant raisons de ce qu'il reste de mon cœur probablement bardé d'éclats de métal, de fragments de plomb et de fer, ce qu'il reste de mon humanité, de ce gamin qui voulait simple vivre loin des attentes des siens, des ambitions d'un père qui ne songeait qu'à l'immortalité de son nom, de cette lignée qui un jour, finira par s'éteindre, s'en retourner à la poussière comme toutes ces gloires passés dont aujourd'hui, il ne reste plus rien. Parmi les invités, je me fais silhouette sur le point de s'étioler, fresque tremblante qui frissonne pour cette colère que j'ai l'impression de percevoir dans son regard, dans ses iris qui me glacent, me ramènent à cette époque où je n'étais rien, si ce n'est un gamin effrayé, un être fracturé, observant un silence que l'allégresse générale s'empresse de dévorer, de le chasser, cet aveu que je tente de tuer d'un rire que je force, qui au travers de mon masque, sonne comme un ronronnement, une chaude invitation à s'égarer avec moi, à s'oublier dans la folie de cette nuit.

« Faut-il une raison pour se trouver ici, pour avoir envie d'effleurer les interdits ? »

Sur le côté, j'ose pencher la tête, mimer les manières de ces corbeaux qui aiment tant se repaître des entrailles de ceux tombés au combat, qui sont ceux qui finissent toujours par rester, ces éternels qui remercient les cieux à chaque cataclysme, chaque apocalypse, pour ces festins et autres fosses communes dont ils sont les rois.

« Vous êtes bien là malgré tout. Malgré votre évident mépris. »

J'avais envie de te penser différent, de croire que tu comprendrais, que tu verrais au travers, mais peut-être n'es-tu qu'un homme, Abraham, qu'un simple humain au cœur fait pour détester, pour haïr son prochain, pour maudire, pour mentir, songer à tromper ce Dieu que tu vénères lors de tes vaines prières.

« Vous venez avec des questions. »

Un autre rire ose m'échapper, se faire douce mélopée semblant cascader, ruisseler sur mon plumage sur le tissu précieux de ce costume pourpre soigneusement taillé pour mettre en avant mon corps émacié, creusé par les horreurs de la guerre, par la pluie battante, le froid, les cris de ceux périssant sous les crocs de mes créations, de ces abominations vomies par mes scarifications et autres mutilations qui enlaidissent mes mains, se font hideuses marques sur mes poignets, témoins de ses offenses que j'emporterais avec moi en terre, à ces ancêtres et autres défunts qui n'hésiteront point à me juger, à m'avaler, faire de moi, rien de plus qu'une âme tourmentée de plus avalée par le néant.

« Ou plutôt, vous venez pour les poser vos questions. Avec au cœur, l'espoir sûrement, que quelqu'un prenne le temps de vous donner un début d'explication, quelque chose pour satisfaire votre curiosité. »

Tu es venu ici en quête de cette vérité que je ne peux te donner, que jusqu'à la fin, je te refuserais, t'interdirais d'effleurer, que je tairais, par crainte que tu sois capable de me voir comme je suis, de percer ce voile que je me suis fait des mensonges et autres affabulations qu'ils se répètent tous, ces hôtes heureux de se gaver de fables, de contes, de mythes afin d'échapper à la réalité, aux horreurs de ce monde, à l'oppression.

« Si vous espériez qu'il vienne exaucer vos souhaits, alors peut-être qu'en effet, cet endroit n'est pas fait pour vous. »

Car ce qui compte ici-bas, ce n'est pas le beau ou le vrai, ce n'est ni le laid et l'irréel, mais l'instant, le temps présent, cet espoir auxquels on s'accroche que demain ne viendra jamais, que l'ivresse sera éternelle, nouvelle immortalité qui nous bénira  de l'ultime illusion, qui baisera nos fronts, nous sauvera de la fatalité, de cette vie qu'il est épuisant d'affronter. Ici, il n'y que les masques et les fausses idoles que l'on vénère, il n'y a que la folie des hommes qui en vaille la peine.

« Mathias viendra quand il le voudra. »

De mes doigts, je l'attire une fois de plus à moi, l'obligeant à se glisser dans mes pas, à se faire voyageur hypnotisé par la danse de mon plumage, par le chant des convives qui reprennent ce refrain entre deux expirations, deux gorgées d'un champagne qui coule à flot, qui se fait dans l'air et sur les peaux, cette averse dorée qui sublime le désespoir de ces cœurs mis à nus, de ces envies qui se dévoilent pour le faux ciel étoilé trônant au plafond du manoir, pour ces constellations se faisant carrousel envoûtant. Au sein de mon royaume de la débauche, je l'entraîne, lui fais traverser bien des pièces, apprécier les caresses de ceux qui prennent notre fuite pour un jeu, qui à la danse se mène, se glissant dans son dos en riant, s'agrippant à sa taille le temps de de quelques foulées avant de s'échapper, de s'en retourner au sein de l'océan de la décadence, des coupes qui se vident, des couples qui s'enlacent, de la musique qui s'emballe, des cœurs qui se fracassent.

« Comment s'amuser si on n'essaye pas de chasser son chagrin ? Comment être heureux si on attend d'être vieux ? »

Par dessus mon épaule, je fredonne ces questions alors que je l'emporte, me fait ce destrier ailé l'arrachant à cette effervescence qu'il dit ne point apprécier, lui permettant de monter les immenses escaliers montant à l'étage, d'avec moi, se faufiler dans un boudoir occupé par quelques poètes déclamant, récitant vers et sonnets, qui ne cillent à peine pour notre entrée, se contentant de tirer sur  ces cigarettes qu'ils enchaînent, de se prélasser dans les bras de nymphes aux cheveux tressés, aux poitrines dévoilées par des décolletés généreux.

« Il faut savoir parfois chercher pour trouver son plaisir, son vice. Passer outre un jugement. »

Etre une âme vraiment noble, et non un prêcheur qui se cache derrière ses écritures saintes et les sermons d'hommes à la chair souillée par le pire des péchés.

Enveloppé, drapé par l'épais nuage de nicotine qui flotte dans l'air, disperse autour de nos un bouquet d'arômes, de fragrances qui parviennent à m'arracher un frisson, j'ose soupirer, me détendre, apprécier la caresse de ce silence feutré, de ces voix qui tremblent au fil des syllabes, qui s'entrechoquent pour le baiser de la passion et de l'angoisse, pour ces absolutions qui se demandent dans le noir, ces confessions offerte à un public engourdi par l'alcool, par l'espoir de voir son nom entrer dans l'éternité ; avant d'enfin trouver place dans une méridienne, invitant le médecin à s'installer face à moi, à imiter, cette rencontre qui me semble pourtant déjà appartenir à un autre temps.

« Certains seraient jaloux d'apprendre que vous avez été invité, ou tout du moins, convié. Les autres vous traiteraient de fou pour ainsi refuser de vous prêter au jeu, de faire un effort. »

Sagement assis, je m'efforce à rester civiliser, à tenter de me faire autre face à celui que je transperce de mon regard, poignarde de mes iris voilées par la colère, la déception, par cette haine que je me porte, ce dégoût que j'éprouve pour mon être, pour ce cœur qui n'apprend pas.

« Moi je viens pour observer. Pour contempler comme le sacré n'est au final que cela, que cette manière qu'ont les hommes de se rassurer, d'oublier... » Vers le cercle d'écrivains enivrés et de poètes, d'artistes maudits par des chagrins et des peines nés d'esprits torturés par la réalité, je me tourne, pour du regard, les couver, les remercier d'être là, de composer sous mon toit, de remplir le silence de mon domaine de bien des espoirs. « … De rêver et d'aimer. Trop fort probablement, trop intensément... »

Mais si nous n'étions que des êtres dirigés, gouvernés par la mesure, que serions-nous, si ce n'est des esclaves du temps passant, de la fatalité à venir, de cette mort contre laquelle on ne peut rien ? Serions-nous autre chose que des carcasses dénuées de but et de raison ? Que des corps voués à s'en retourner à la terre pour  y être dévorés par les vers?

« C'est cela qui est important. L'alcool, les drogues... Ce n'est qu'un moyen, une excuse tout au plus. »

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Did Someone Call A Doctor?  - Mathias & Bram Empty Re: Did Someone Call A Doctor? - Mathias & Bram

Ven 9 Juil - 16:51
Did someone call a doctor?
Alors te voilà Sarah Bernhard, endossant le rôle du jour à savoir un magnifique corbeau évoluant au milieu des invités trop saouls ou intoxiqués pour le remarquer, presque une allégorie de la Mort alors qu’il déambule au milieu de ses fidèles qui l’adorent, le touchent, l’embrasse, comme on le ferait avec un cardinal ou un pape… Il y a une sorte de ferveur dans leurs gestes et leurs libations, presque comme s’il leur offrait une nouvelle sorte de communion mystique, avec du gin au lieu du vin de messe, de la cocaïne à la place de l’hostie, et du jazz syncopé pour remplacer l’homélie et les alléluias. Il est à la fois dieu et ministre du culte, dans cette débauche qu’il offre à ses fidèles, sous son toit qui s’est transformé en cathédrale. Et dans un sens on n’est pas si loin des débauches d’or et de faste des catholiques, qui ont fait que certains se sont détournés des dérives de la chrétienté pour fonder une branche peut-être plus épurée, et plus concentrée sur la prière et la foi que sur le décorum. Je suis absolument fasciné en le découvrant tel que tout le monde me l’a présenté, donnant les fêtes les plus folles de Berlin, l’endroit où le gratin se presse, non pas de l’aristocratie mais de tout ce que la république de Weimar compte d’esprits libres, d’artistes, de libertins et d’esthètes, dans cet endroit où les classes sociales et les règles de bienséances d’abolissent pour simplement être unis dans cette fête.

Eh bien sans l’invitation du maître des lieux je ne serais pas venu pour être honnête… et si je suis venu, c’est à la fois par curiosité, car le récit des soirées qui se tiennent ici sont sur toutes les lèvres en ville, et aussi par amitié pour Mathias qui semblait tenir à ma présence… Je voulais lui faire le plaisir de répondre à son invitation…

Et il évolue au milieu d’eux sans cacher son don, me doutant bien que le costume qu’il porte est bien trop extraordinaire pour être le fruit d’un atelier rempli de couturières habiles et que la magie a quelque chose à voir là-dedans… Pourtant voilà qu’il joue à ne pas me connaître et surtout à ne pas être lui-même… est-ce une métaphore de son existence ? Ce jeu d’être quelqu’un d’autre en permanence? Et surtout pourquoi? La discussion d’hier m’y avait déjà fait réfléchir mais ce qui se passe ne fait que renforcer mes premières pensées : on dirait qu’il fuit, qu’il fuit ce qu’il est ou ce qu’il aurait voulu être, une course effrénée pour laisser le vrai lui loin derrière, sauf que c’est impossible… Nous ne sommes pas dans l’œuvre de Barrie et on ne peut pas perdre son ombre comme Peter Pan… Curieux plus que mal à l’aise voilà qu’il attrape ma main dans un geste qui ne m’est pas familier entre hommes, m’entraînant du bar vers les profondeurs de sa demeure dans laquelle où qu’on regarde, des fêtards sont disséminés, buvant, riant, ou faisant des choses encore moins recommandables qui font résonner des soupirs et des gémissements dans les couloirs éclairés uniquement grâce à quelques chandelles.

Et quelles questions ai-je l’air de vouloir poser? Qu’est-ce que j’aurais envie ou besoin de savoir selon vous?

C’est un théâtre à l’échelle de toute sa demeure, et il n’y a pas de spectateurs, dans ne pièce où tout le monde a un rôle à jouer, où tout le monde est sur scène… et je me rappelle mes cours d’anglais, lorsque Shakespeare disait que la vie est un théâtre… Je le suis donc, alors que la musique fiévreuse et rapide s’éloigne doucement de nos oreilles, devenant plus assourdie. Mathias ne viendra pas… que veut-il dire? Que le jeune homme que j’ai croisé hier et avec qui je me suis entretenu, celui dont j’ai deviné les fêlures ne se montrera pas, et n’offrira au monde que l’image qu’il s’est construite, qu’il a décidée d’offrir au monde? Cela doit être ça mais j’aurais l’impression de rompre le charme en posant cette question maintenant… C’est comme si je devais laisser les choses se faire pour avoir toutes mes réponses, laisser le lapin blanc m’emmener à travers le terrier pour arriver là où je dois être, et le découvrir totalement. D’ailleurs, est-ce un test? Une mise à l’épreuve? Un saut de la foi pour vérifier que je suis digne de confiance? Que je mérite qu’il ôte le masque devant moi? Même ses questions semblent celles d’un sphinx énigmatique, me forçant à jouer à Œdipe… Il n’y a qu’une façon de le savoir…

Tout dépend de ce que vous appelez vous amusez, et comment vous amusez. Ce qui est de l’amusement pour l’un ne le sera pas pour l’autre et réciproquement… Certains s’amusent follement en jouant aux échecs, d’autres en dansant jusqu’au bout de la nuit… Est-ce que le danseur doit juger le joueur d’échecs et décréter qu’il ne s’amuse « pas bien » parce que leurs goûts sont différents?

Je le suis dans les escaliers monumentaux couverts de tapis épais qui mènent à l’étage et il me fait entrer dans une pièce plus modeste, une bibliothèque, où un petit comité d’invités se tiennent plutôt sagement, écoutant ce qui semble être de la poésie. Curieusement cette perspective me plait beaucoup plus et je me plonge rapidement dans les vers déclamés, savourant leur musique à mes oreilles, presque plus douce que celle de l’étage en-dessous. Celui qui prend la parole est doué et je trempe enfin les lèvres dans le verre que j’avais en main jusqu’alors sans y avoir touché, souriant rêveusement à mesure que les syllabes roulent sous sa langue, que sa main accompagne sa déclamation et que sa voix se fait musique… C’est beau, très beau, ce clair obscur, la flamme vacillante des bougies, les corps alanguis savourant la beauté d’un enchaînement de syllabes qui ne voudra rien dire pour quelqu’un parlant une autre langue et le tout me donne l’impression d’être dans un tableau de la Renaissance.

De longues secondes s’écoulent et j’applaudis avec chaleur lorsque le poète achève son œuvre, tournant ensuite la tête vers le corbeau qui est resté silencieux à mes côtés mais qui reprend la parole à présent. J’ai un léger sourire en répondant, sans quitter l’assemblée alors qu’une jeune femme se lève, quelques feuillets en main.

Et est-ce honnête de feindre de s’amuser alors que ce n’est pas le cas? De faire comme tout le monde alors qu’on est différent? J’ai apprécié l’invitation et c’est pour cela que je suis là, mais je ne me sens pas obligé de suivre la majorité juste parce que c’est de bon ton…

La jeune fille est très douée aussi, même si ses vers sont encore un peu maladroits et enfantins. Il y a une fraîcheur désarmante dans les images qu’elle utilise, et ses thèmes mais une chose est sûre, elle est prometteuse. Pourtant lui n’a pas l’air de s’amuser, et je sens un regard inquisiteur ne pas me quitter, comme s’il me jugeait, et durement. Je bois une nouvelle gorgée d’alcool en l’écoutant, souriant en coin.

Je préfère la poésie, la musique et la création en général au simple abus d’alcool ou de substances… même si je ne suis pas dupe, et que je sais bien qu’une grande partie des œuvres que j’aime ont été composées de cette manière… Pourtant je trouve qu’il y a une forme de sacré dans celui qui se consacre à son art, qui a une idée, une vision, et qui travaille sans relâche pour l’atteindre… comme cette jeune fille par exemple… même si pour ça ils s’aident… J’ai moins de respect pour ceux qui refusent de vivre vraiment et passent le plus rapidement possible d’un sommeil à un autre en prenant des choses qui les empêchent d’être eux mêmes, de vivre et de penser. Vous ne pensez pas?
Mathias & Bram - Avril 1921
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Mathias De Cosset-Brissac
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Did Someone Call A Doctor?  - Mathias & Bram Empty Re: Did Someone Call A Doctor? - Mathias & Bram

Mer 14 Juil - 3:35
Did Someone call a doctor ?
Abraham & Mathias
Running in circles, chasing our tails
Coming back as we are
Nobody said it was easy
Oh, it's such a shame for us to part
Nobody said it was easy
No one ever said it would be so hard
I'm going back to the start

Tu es donc venu m'insulter, m'en vouloir d'être comme je suis, de m'égarer dans ma propre lâcheté, dans cette faiblesse que détesterait tant mon père. Tu es là pour m'en vouloir, faire de moi un coupable, me juger et comme ceux avant toi, briser ce qu'il me reste de volonté, cracher sur ses plaies que le temps ne parvient à panser. En ma demeure, Abraham, tu es venu pour être bourreau, pour pourfendre ce qu'il reste des éclats de mon cœur. Et si un temps, je t'en aurais voulu, en cette nuit, je ne peux que comprendre, te pardonner, te remercier de vouloir mettre un terme à ce long mensonge que j'appelle être mon existence, cette vie rythmée par les abus, les excès, les nausées et autres vertiges qui suivent ces instants comme celui-ci, ces moments où je fais semblant de l'éprouver, ce bonheur qui n'appartient qu'aux innocents, aux âmes exemptes de tous péchés.

« Je pense que vous êtes bien comme les autres. » finis-je par lui répondre, entre deux vers déclamés par la jeune autrice, par l'artiste, qui au milieu des autres, s'en retourne se prélasser dans la pénombre, dans la lumière vacillante des bougies qui se consument tout autour de nous et dont la cire réchauffée, s'en vient goutter sur les meubles, le sol, se faire croûtes colorées donnant à ce lieu, les airs d'un temple dédié à la beauté des arts éphémères, de ces chefs-d’œuvres qu'il faut accepter de perdre, de voir s'éteindre, à l'instant même où les lèvres se referment, où les cœurs s'assagissent, s'en retourner au néant, à ces espoirs qu'ils nourrissent, ces créateurs obnubilés par le désir d'émerveiller, d'un instant, éclipser la laideur de ce monde, d'occulter l'horrible visage de la réalité. « Vous jugez, vous condamnez. Vous méprisez. Simplement parce que vous n'avez pas le courage de comprendre, de vouloir entendre que les autres puissent souffrir autrement, avoir besoin de s'évader, d'échapper à une vie qui ne veut rien dire. » conclus-je en un soupir tandis que sur mes épaules, autour de mon crâne, s'hérrisse mon plumage, se meut, sous la caresse d'un brise pourtant inexistante, devient une seconde, océan au ressac violent, mer se déchaînant en esquissant les courbes de mon être, en dévoilant les prémices de cette colère que je m'efforce de ravaler, d'étouffer, m'obligeant à rester sage à ses côtés, de le conserver, ce rôle d'étrange animal voguant au sein des plaisirs d'autrui, de gardien, presque, de cette folie dont, en silence, je me languis, je désire, les yeux clos, le cœur meurtrit.

Je le savais, que tu serais décevant, que tu ne serais point différent de ceux qui t'ont précédés, que j'ai osé laisser m'approcher, et pourtant, me voilà à regretter, à m'en vouloir de t'avoir fait venir, de te permettre de le contempler, mon royaume, ce si joli enfer que je me suis bâti dans l'espoir d'oublier, d'y échapper, aux souvenirs d'un temps qui n'est pas si lointain, aux réminiscences d'une guerre qui ne semble avoir pris fin, d'un conflit que je continue de mener au quotidien. Encore une fois, j'ai été humain, trop peut-être, j’ai été tout ce que je prétends détester, haïr en ceux qui viennent ici chercher l’étreinte des plaisirs éphémères de ce monde, le doux baiser de la morphine, de la cocaïne. Encore une fois, j’y ai songé, à la possibilité d’être enfin beau, dans les yeux d’un autre, d’être enfin autre chose, plus qu’un corps à soigner, qu’une plaie à cicatriser, un simple coeur à façonner, à forger selon les envies et attentes de cette société qui n’en a que faire des rêves et espoirs des enfants qui refusent de grandir. J’aurais dû m’y attendre et pourtant, me voilà à choir devant toi, à me faire rien, sous ce plumage qui n’est que l’incarnation de mes mensonges, la plus belle représentation de ces illusions que je maintiens pour n’avoir à me contempler pour de bon dans le miroir, pour n’avoir à confesser, ô combien de celui que je fus, il ne reste plus que cette peau qui dépérie.

Prisonnier de la fumée, de cette poésie plus volatile encore que le parfum de ce tabac se consumant au bout des doigts tremblants de ces auteurs, âmes trop fragiles qui ne viennent ici que pour connaître les délices d’une non-vie vécue dans les bras de fantasmes et de chimères nées de l’imaginaire, je ne sais que faire, hésitant, me drapant d’un silence qui se fait injures, offenses que je ne parviens à exprimer, qu’il me faut ravaler, enfouir sous un soupir, sous un battement de cils, sous ce mouvement qui me permet de me redresser, de quitter le confort de la méridienne pour face au médecin, me planter, me faire grand hôte, faux dieu couronné par ceux-là même, qui, un étage plus bas, se confondent dans l’alcool et les vices, se cherchent et se perdent au rythme de la musique, des verres qui s’entrechoquent, qui se brisent, des lèvres qui se rencontrer, des corps qui s’étreignent, grand juge qui vient lui retirer son verre, au sol, le jeter, pour que sur le tapis, se renverse ce champagne hors-de-prix dont je n'apprécie même plus la finesse, le buvant uniquement pour ne point retrouver ni raison, ni lucidité, pour à jamais, être pris dans les remous d’une ivresse bénie, d’une allégresse qui n’est bonne qu’à me faire oublier la réalité, occulter ces problèmes que je laisse aux autres.

« Si vous êtes si au-dessus de tout cela, alors ne trempez pas vos lèvres dans cet alcool qui enlaidit tant vos contemporains, tous ceux qui sont là, ce soir, pour s’amuser de la plus vil des manières, eux qui ne sont pas de nobles et purs amoureux des vrais arts, de la musique, de ces plaisirs qui ne sont appréciables que lorsque l’âme n’est pas encore rongée par la souffrance. »

Des tréfonds de mon costume, ma voix se fait grondement, rauque hurlement bestial qui fait trembler les plumes autour de mon crâne, sursauter ceux qui jusque-là, ne nous adressaient pas un regard, trop occupés à se réciter confessions et autres intimes convictions que d’ordinaire, ils enterrent au sein de carnets voués à prendre la poussière, à se faire oeuvres impies qui mourront avec eux, s’en iront sans être jamais lues, appréciées, de ces autres si égoïstes, faussement humanistes.

« C’est si facile de tous les mépriser, de tous les traiter de désoeuvrés, d’égarés, quand on a pour soit le privilège d’être entier, de ne pas avoir été mutilé par la vie, par cette fatalité qui s’en moque bien des convictions, de l’avenir de ce monde. Comme c’est noble en effet, d’être laid de cette manière, Monsieur. »

Comme tu es décevant Abraham, comme tu leur ressembles.

Je me raidis face à lui, relève la tête, juste assez pour le toiser, le mépriser, en silence, lui indiquer qu’il n’est plus mon invité, ce préféré que je voulais choyer, à mes côtés garder pour ne lui dévoiler que le plus beau, le présenter enfin à ces démons que j’enferme si bien, tiens en laisse pour n’avoir à les dresser, à affronter leurs souffles que j’imagine poissés des hurlements de mes victimes, de ces hommes que j’ai fauché, condamné, qui aujourd’hui, ne sont plus qu’ossements et fragments avalés par la terre, la glaise, squelette si soigneusement nettoyés par les averses, par l’indifférence des vivants, des survivants, des puissants.

Je voulais que tu sois différent mais voilà, tu lui ressembles. Tu lui ressembles tant.

Sans le vouloir, sans le réaliser, me voilà à serrer poings et mâchoire, à me raidir au point que mon plumage se fait arme, chaque plume devenant une lame sifflant dans l’air, une dague impatiente de s’enfoncer dans la chair de celui que je foudroie du regard, pour qui je me refuse à verser ces larmes que je retiens, ce sanglot qui me vient du passé, qui est réservé à ce père qui n’est là pour me voir choir, pour une fois de plus être celui condamné à me ramasser, à me répéter ô combien je ne suis fait pour ce genre de vie, que je suis bien mieux, à ses côtés, à ramper sous le couvert de son ombre, de ce destin qu’il a pris en mains.

« Tu ne peux éternellement vivre ainsi, Mathias. Ce n'est pas une vie que d'être esclave de ses pulsions, de passions passagères. Un jour il te faudra changer, accepter que tu n'es plus un adolescent, qu'il est temps pour toi d’accepter tes devoirs, te faire enfin, celui digne de me succéder, de rendre ta mère fière. » Voilà ce qu’il disait, ce qu’il ressortait de ces lettres que je ne prends même plus la peine de lire, me contentant de les jeter dans la cheminée sans les ouvrir, sans même briser ce cachet de cire qui les scelle, ce père qui en ta peau, semble s’être glissé pour me vomir ces mêmes vérités que je ne veux, ne peux entendre, qui d'habitude sont occultés par le voile réconfortant de ces drogues que je prends, de cette morphine qui peine à tuer la douleur, à pour de bon, faire taire les remords et autres regrets qui rongent mon être, ce qu’il reste de ce coeur que j’aurais aimé perdre au front, abandonner quelque part dans les entrailles d’une tranchée fraîchement creusée, entre les corps de ces infortunés qui n’ont jamais pu rentrer.

« Ici on ne cherche pas à s’élever, à rendre honneur à la beauté, Abraham. Ici on aime, parce que l’on sait qu’on ne le mérite pas, on se fait mal pour se sentir vivant, pour se souvenir que l’on respire encore, qu’il est encore possible d’aller plus mal encore. Ici, il n’a jamais été question d’être raisonnable. Juste de faire semble d’être un peu moins malheureux. »

D’un premier pas, je lui échappe, puis d’un autre, je recule, toujours un peu plus l’abandonne en ce lieu sans jamais le lâcher du regard, sans cesser de lui en vouloir, de lui reprocher de n’être qu’un homme comme les autres, qu’un simple anonyme de plus qui passera dans ma vie, qui ne supportera de rester, de me voir souffrir, me noyer, qui un jour, voudra faire de moi ce que je n’ai jamais voulu être, ce que je ne pourrais jamais être.

« Pars. Mathias ne viendra pas. Il ne vient jamais pour ceux qui sont ingrats, qui ne veulent pas du peu qu’il est capable d’offrir. »

Un pas de plus et je lui échappe pour de bon, disparaissant de son champ de visions, devenant ainsi tout juste un souvenir, une silhouette imprimée sur la surface de sa rétine, un mirage qui déjà s’étiole, s’efface, s’oublie, pour la folie de cet endroit, pour la clameur de ce nouveau poète qui prend la parole, qui emplit le silence de ses maux, de bien des louanges faites à ces mélusines qui se glissent dans les songes des hommes, qui viennent semer les graines d’une démence qui liquéfie les pensées, n’en fait plus qu’un miasme engluant les nerfs, faisant du corps un vaisseau à la dérive, une enveloppe inutile, tandis qu’au rez-de-chaussée je m’en retourne, allant me noyer au milieu de la foule, de ces corps et autres inconnus qui à eux me réclament, me font me sentir précieux, important, vital, qui s’en foutent bien de voir mon masque s’effriter, mes plumes se faire cendres chutant à mes pieds, venant salir leurs doigts, leurs paumes alors qu’ils tentent de m’étreindre, qui à mes oreilles, me promettent une nuit au sein des merveilles de l’enfer, contre des corps qui s’en moqueront de mes cicatrices, de mes mutilations, qui me pardonneront pour mes actes, feront semblant de ne pas voir ce qui ne va pas chez moi, qui m’accorderont cette absolution que les cieux ne m’offriront jamais, cet ultime pardon que je n’ose même plus en silence demander, cette paix que seule la mort me permettra de connaitre. Contre eux, pour eux, en eux, presque, j’ai la sensation de me retrouver, pour mieux imploser, me diffracter, n’être que raie de moi-même, unique morceau vénéré par la masse humaine, par ces amants potentiels qui sèchent les larmes traçant la courbe de mes joues, venant les lécher, en faire cet élixir sacré, ce nectar qui semblent les enivrer plus que tous les alcools de ce monde, se faire le plus délicieux des opiacés, l’ultime moyen de l’effleurer, cet extase qui n’appartient qu’aux insouciants, qu’à ceux qui comme le médecin, ont le coeur plein de cette noblesse aveuglante, de cette envie de sauver l’humanité, d’en percevoir la beauté, de la préserver, la sauver de cette violence qui de plein fouet, vient me frapper, m’arracher sanglots qui se font gémissements, doux aveux d’un plaisir qui me souille toujours plus, exacerbe la laideur profonde de mon être, me transforme un peu plus en cette bête que j’ai tenté d’être face à lui, face à celui qui n’est là pour me voir n’être rien entre les bras de tant, que la putain du désespoir, d’un chagrin qu’aucun médicament ne parvient à juguler.



Cette fois-ci installés au salon, c’est alanguis sur mon sofa que je feins l’indifférence, une cigarette au bout des doigts, le regard perdu dans ce lointain qu’il m’est possible de percevoir par delà les fenêtres entrouvertes, les rideaux dansant avec le vent, tandis qu’à mes pieds, Victoria est installée, appréciant en silence ces caresses que je lui prodigue sans réellement m’en rendre compte, trop occupé à m’obliger de ne point croiser le regard du médecin, de celui à qui je n’offre qu’un silence en réponse à sa question que je n’ai pris la peine d’écouter, encore furieux, blessé, qu’il n’ait su apprécier mon invitation, comprendre, ces plaisirs qu’il a préféré dénigrer, mépriser, lui qui se pense sûrement au-dessus de tout cela, en parfait enfant de Dieu qu’il est, en protégé, favoris, de cette déité qui n’était là, quand ces fidèles crevaient par centaine, rampaient dans les viscères de leurs frères, se laissaient manger par la vermine et les maladies juste pour échapper aux horreurs de la guerre, à cette mort qui planait au-dessus de leur têtes. Du regard, je le fuis sans l’admettre, portant à mes lèvres ce tabac auquel j’arrache bien des volutes, des arabesques qui dans l’air se perdent et crèvent, esquissent l’essence même de cette rancoeur qui me dévore les entrailles, me pousse à faire claquer ma langue contre mes dents, à enfin, percer le silence d’un murmure éraillé qui agace ma belle exotique au point de lui arracher un son d’agacement, un petit couinement qui accompagne son mouvement, cette manière bien à elle qu’elle a de s’affaler pour venir creuser le tapis de ses griffes.

« Je ne vous ai pas vu. » dis-je simplement, me tournant enfin pour croiser son regard, en silence, lui en vouloir, le tenir responsable de ce poids que je sens écraser mon torse, de ces griffes qui semblent venir creuser mes artères, les valves de ce coeur qui bat de travers. « Je suis… Déçu, Docteur. »

Tes mots m’ont hantés, ce sont fait éclats en mon flanc, échardes s’enfonçant toujours plus profondément dans ma chair, allant même atteindre la moelle de mes os. Ils ont été ces spectres s’accrochant à mon échine, répétant sans cesse ces évidences d'ordinaires murmurés par l’angoisse, par cette peur si sauvage. Ils ont été ma malédiction, ma punition sûrement, pour vivre cette existence qui n’en est pas une.

Alors que je me redresse quelque peu, m’asseyant pour mieux affronter mon invité, je m’efforce de paraître brave, de lui cacher ces signes qui trahissent ses pleurs qui sont miens, quand à la nuit tombée, je me retrouve seul, au sein de mon lit immense, de ses draps qui se font autant de chaînes m’entraînant dans les tréfonds de mes cauchemars, de ces songes peuplés de cadavres, de macchabées enfilant la peau de ceux que je peux aimer, de visions dantesques dépeignant ces sévices qui seront miens, quand enfin, j’en aurais assez d’être lâche, quand j’aurais le courage de pour de bon, tailler mes poignets scarifiés par des années d’entraînements, par une demi-vie à être le parfait élève; frissonnant, frémissant, sous ma chemise légèrement trop grande, sous ce pantalon qui couvre mes cuisses griffées, bleutées, couvertes de marques qui ne sont celles d’amants passionnés, mais simples fruits de gestes motivés par le désespoir, par l’envie de me punir, me châtier d’être encore en vie.

« Je vous ai cherché. »

J’ai espéré que tu me cours après, que tu tentes de me retenir, de me plaire, d’être désolé. J’ai même prié pour que tu me mentes, fasses semblant, comme les autres. Que tu viennes faire taire ce blizzard qui hurlait dans ma tête, m’a poussé à m’enivrer jusqu’à me faire victime de l’inconscient, à me blesser au point que le lendemain, il me fut difficile de revenir, de me tirer hors de mon lit.

« J’aurais aimé que nous dansions, vous savez ? » J’ose esquisser un sourire, tenter de me faire charmant, quelque peu arrogant, pour n’avoir à lui dévoiler que sous le plumage du corbeau, j’étais là, à l’observer, à le tester, à m’en vouloir d’avoir voulu l’approcher. « Ca aurait été un parfait deuxième rendez-vous. » J’expire un peu bruyamment, prétendant regretter d’être aussi vêtu pour sa venue. « Ainsi aujourd’hui vous auriez enfin pu me voir dans le plus simple appareil… Quel dommage, vraiment. »

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Did Someone Call A Doctor?  - Mathias & Bram Empty Re: Did Someone Call A Doctor? - Mathias & Bram

Lun 19 Juil - 19:12
Did someone call a doctor?
Cette soirée, cette fête a un étrange goût de fin du monde, de décadence et de désespoir, et je me sens étrangement mal, et pas à ma place au milieu de cette foule qui danse, boit, fume et bien d'autres actions comme s'il n'y avait pas de lendemain, comme s'ils vivaient leurs dernières heures, comme s'ils avaient dix vies à oublier... Je ne serais pas hypocrite en disant que je n'ai rien comme eux, que je n'ai rien qui me hante, que je n'ai pas des fantômes des horreurs passées qui m'attendent parfois le soir ou qui me réveillent la nuit, mais il semblerait que j'aie réussi, d'une façon ou d'une autre, à les tenir en laisse, à planter des épouvantails faits de raison et de logique, de devoirs et d'occupations, et à faire comme chez moi, à savoir construire des digues assez hautes et puissantes pour que malgré les tempêtes, les champs et les villes ne soient pas inondés, gardant les horreurs à distance... Bien sûr je les ai vécues, les tranchées, les champs de bataille, les soldats blessés qu'on me ramenait, des membres en moins, des lambeaux de chair pendante qu'il fallait couper, coudre, rassembler comme une couturière débordée, les viscères débordantes d'hommes encore vivants, les hurlements, le sol qu'on rinçait toutes les deux ou trois heures  pour enlever le sang, des morceaux de chair et du vomi, à grands coups de seaux d'eau... j'ai vécu les avant-bras rougis jusqu'aux coudes de plonger dans les entrailles des pauvres hères, et mon tablier si plein de sang qu'il devenait solide comme un bouclier, me transformant en boucher pourtant je ne suis pas comme eux, je ne poursuis pas une quête effrénée de paradis artificiels... pourquoi? Peut-être parce que dès la guerre terminée, le Club m'a donné un but et une raison de vivre, un objectif qui est devenu le pôle autour duquel gravite toute mon existence, mettant ma famille, mes amis, mes loisirs au second plan, derrière cet ennemi à combattre, derrière mon nom à restaurer... Tout ça me paraît fade et inutile, et il semble l'avoir compris, car on quitte bientôt le rez-de-chaussée qui est un vrai lieu de perdition pour m'amener à l'étage.

Et tel Eurydice suivant Orphée depuis les enfers, je le suis, grimpant les marches, étrangement confiant malgré ma méfiance naturelle, comme si j'étais sûr rien que rien de terrible ne pourrait m'arriver, ne pourrait m'atteindre ici et que tout ce que je pourrais voir ou entendre n'auraient pas de conséquences néfastes, mais juste une expérience peut-être étrange, rien de plus. Pendant un instant, j'ai même la comparaison avec une visite au zoo qui se glisse dans mon esprit, avant de secouer la tête pour chasser cette idée lorsqu'on arrive dans la pièce plus intime et agréable dans laquelle des apprentis poètes déclament des vers dans une atmosphère de clair-obscur, donnant à cette scène l'impression d'être face à un tableau vivant.

Entre les passages nous échangeons, débattons derrière ce masque qu'il pense le rendre anonyme à mes yeux, tel Charon aux enfers, ne se rendant sûrement pas  compte qu'il sait, que je l'ai percé à jour grâce à cette bague qu'il arbore toujours, signe distinctif de ses origines, les mêmes armoiries qui ornaient l'invitation qu'il m'avait fait parvenir personnellement... la grande question est : pourquoi? Pourquoi se cacher? Pourquoi cette fête? Pour mieux le comprendre? Pour mieux le cerner? Je ne sais pas... et visiblement, mes paroles ne sont pas celles qu'il attendait car je le sens se raidir, et profiter d'un intervalle entre les poètes pour asséner un jugement sans appel : il est déçu. Je hausse un sourcil, surpris par ce verdict que je ne comprends pas vraiment, et après quelques secondes sa voix modifiée, comme provenant de loin, et à la fois de tout près, s'élève à nouveau dans l'atmosphère feutrée.

J'avoue que je ne comprends pas ce qui les anime non...car comme vous dites, donner un sens à sa vie, trouver une raison de se lever le matin est ce qui m'a aidé après la Guerre... ça m'a éviter de tourner en rond chez moi, m'a évité d'abandonner la médecine parce que je me sentais trop impuissant face à tous ceux que je n'ai pas pu sauver... J'aurais eu des raisons de m'abandonner, moi aussi, mais je pense surtout que chacun est responsable de sa propre salvation... Dieu nous surveille mais il ne peut et ne veut pas faire les choses à notre place. Sinon pourquoi nous donner notre libre arbitre ?

Il semble fâché, car ses plumes sont agitées d'un mouvement fluide et étrange, comme une vague, ou un chat grossissant son pelage pour paraître plus menaçant qu'il ne l'est réellement... et avant que je comprenne ce qui se passe voilàqu'il m'ôte des mains la flûte que je tenais, la laissant tomber comme un enfant capricieux à qui on a refusé un jouet ou un bonbon... Pourquoi cette réaction si violente et si puérile? Surtout que c'est son verre qu'il brise, son champagne qu'il renverse, ton tapis qu'il souille. Moi je tournerai les talons et laisserai tout ça derrière moi, mais lui? Pourquoi? Pourtant ce n'est ni le lieu ni le moment de s'énerver, et personne ne gagnera rien à ce que tous les deux s'échauffent. J'incline légèrement la tête avant de reprendre.

La différence se situe dans la modération. Je ne bannis pas l'alcool, je ne bannis pas la nourriture et la cigarette car je consomme ces trois choses, mais je ne les laisse pas m'engloutir, ou je ne m'en sers pas pour m'oublier... pour vivre une vie qui est autre que la mienne... un entre deux.

Mais son opinion est faite, sa colère gronde, je le sens à sa voix, à ses épaules tendues, à ses poings fermés, alors que les spectacteurs, après avoir sursauté, et nous avoir contemplé quelques secondes, baissent les yeux, comme pour ne pas causer davantage de colère ou d'irritation à leur hôte si généreux. Alors pour désamorcer je reprends la conversation, d'une vois la plus douce possible.

Pourtant tous ici n'ont pas fait la guerre, tous ne sont pas borgnes, aveugles, amputés ou défigurés... De plus, vous ne savez pas quelle a été ma vie et les épreuves que j'ai pu endurer... Je fais des cauchemars régulièrement, utilise parfois du laudanum pour arriver à dormir certains soirs, j'ai également été blessé et bien d'autres choses, mais vous le sauriez, monsieur, si vous aviez pris le temps de me poser la question avant de décréter que je suis privilégié parmi les privilégiés...

Mes paroles n'ont pas eu l'effet escompté, et sous mon regard surpris je vois ses plumes changer d'aspect, et d'encre devenir fer, presque...acérées alors que sa voix modifiée se brise dans sa gorge. Mais pourquoi? Pourquoi est-ce que tout ceci t'affecte tellement? Pourquoi vouloir t'oublier, et à la fois vouloir partir en guerre contre la terre entière? Et ce qu'il m'assène pour finir a encore moins de sens mais quoi que je puisse dire ou faire, je n'arriverai pas à le convaincre ou à lui faire entendre raison, pas ce soir. Et comme si son esprit prenait le même chemin, il me demande froidement de partir, jouant toujours la comédie d'être un autre que lui même, parlant de lui à la troisième personne, et je tourne les talons sans un mot, me glissant entre les convives, entre les vapeurs d'alcool et les nuages de poudre blanche qui s'élèvent de loin en loin.

__

J'ai beaucoup réfléchi à cette soirée étrange et qui a répondu a beaucoup d'interrogations que j'avais sur lui, tout en en soulevant tellement d'autres, comme l'hydre du marais... Lors de ma première visite, continuer à jouer à son petit jeu, et faire comme si de rien n'était car d'après lui, nous ne sommes pas vus? Revenir sur cette discussion en lui révélant que je savais très bien qui était sous ce masque? Lui faire la leçon sur la manière dont il m'a traité ? Tour à tout j'ai envisagé chacune de ces options, avant de finir par me fier à mon instinct, me disant que je verrai le moment venu. Et quand le moment arrive, deux jours plus tard, et que je pénètre dans son immense salon, sa hyène installée près de lui. Je le salue avec chaleur, sans recevoir de réponse en retour, et je me retiens de sourire face à son attitude d'enfant boudeur, sa fierté de courtisane blessée. Je pose donc ma mallette sur la table basse, sors mon étui à cigarettes et m'installe dans le fauteuil en face lui, me mettant à fumer sans ajouter un mot de plus. Et après des secondes qui semblent interminables il rompt enfin ce silence pesant par une phrase qui m'étonne.

Quel dommage, j'étais là pourtant et je vous ai cherché... Mais vous deviez être occupé car je ne vous ai pas vu... Je suis même monté écouter de la poésie à l'étage, c'était délicieux...

Il tourne enfin la tête vers moi et je contemple son visage de cire, ses cernes violacées, ses lèvres pâles, dans un tableau qui pourrait s'intituler "Les visages de l'excès"... Il me fait presque de la peine, comme si je contemplais le portrait de Dorian Gray qui portait les marques de ses excès, laissant son modèle libre et immortel.

Vous n'avez pas l'air bien... Avez vous eu du mal à dormir ces derniers temps? Des douleurs plus violentes? Et nous aurions dansé avec plaisir, mais encore une fois, nous avons dû nous croiser, ce que je regrette... Je note toutefois l'effort de vous présenter habillé, ce n'est pas rien... Souhaitez-vous que je vous examine?
Mathias & Bram - Avril 1921
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Mathias De Cosset-Brissac
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Did Someone Call A Doctor?  - Mathias & Bram Empty Re: Did Someone Call A Doctor? - Mathias & Bram

Sam 14 Aoû - 19:33
Did Someone call a doctor ?
Abraham & Mathias
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Nobody said it was easy
Oh, it's such a shame for us to part
Nobody said it was easy
No one ever said it would be so hard
I'm going back to the start

Les volutes s'enchaînent, se font vipères dans l'air, paresseux serpents qui voguent dans le néant, l'immatériel, qui contre l'horizon, se fracassent, dispersent dans la pièce les arômes puissants et exigeants de nos tabacs, de cette nicotine qui ne cesse de poisser le bout de mes doigts, de donner à mes lèvres, cette teinte si particulière, cette mortelle beauté qui inquiète le médecin, cet invité à qui je n'adresse qu'un sourire en guise de réponse, un battement de cils las, une expiration qui sonne presque comme une confession, un douloureux aveu que Victoria, à mes pieds, ponctue d'un soupir, d'un petit son qui me fait frémir, m'oblige à laisser l'une de mes mains dégringoler, se perdre dans la fourrure courte et soyeuse de sa tête, juste entre ses deux oreilles pour la caresser, en silence, la remercier de me tolérer, de ne point haïr cette laideur qui m'effraie pourtant, me donne parfois l'envie de fracasser les miroirs que je croise, de mes ongles, arracher les traits de mon visage pour à nu ce vice qui me ronge, cette faiblesse qui en cet instant se permet de ronger mon être, de planter en mon ventre creusé par les excès, ses crocs et griffes, de mes reins, n'en faire qu'une bile que j'aimerais vomir, cracher dans l'une de ses tasses qui trônent sur la table nous séparer, sur ce tapis dont les motifs me donnent le vertige, le besoin, presque, de m'en retourner mourir entre mes draps, me faire simple corps tourmenté par la souffrance, cette douleur que les opiacés ne peuvent étouffer, atténuer, qui à la nuit tombée, semblent s'incarner dans les ombres portées, dans ce silence qui s'en moque bien de mes gémissements, de mes suppliques, de mes cris. Le fuyant toujours, je feins l'indifférence, de ne point me soucier de son envie de m'ausculter, d'enfin, découvrir l'horreur qu'est mon corps, pour à la place, feindre de me lever, tout du moins me redresser pour mieux me pencher vers ma hyène, qui heureuse d'être l'objet de mon attention, lève son museau vers moi, venant ainsi poser le bout de sa truffe humide sur la pointe de mon nez, le temps d'un baiser bien chaste, d'une marque d'affection qui parvient à me faire rire, à occulter la présence de celui que je m'efforce d'oublier, à qui je tente de pardonner ces offenses ridicules auxquelles je m'accroche pourtant afin de ne point espérer, trop attendre de lui, d'à nouveau, m'offrir à la déception, à cette vérité qui viendra, une fois de plus, se faire dague entre mes vertèbres, lame terminant d'assassiner ce qu'il reste de mon innocence, de ce moi qui aimait trop.

J'essaye, j'essaye tant, tu sais. De garder mes distances, de faire semblant, de prétendre qu'il est déjà trop tard, que tu viens en réalité visiter les ruines d'un être que ses proches ont déjà pris la peine d'enterrer, de rendre à cette terre qui s'en moque bien des rêves et aspirations des vivants, mais tu ne m'aides pas, à prétendre te soucier réellement de ma santé, et non de l'argent qui viendra alourdir tes paumes, de ces histoires sordides que tu pourras conter à ceux qui seront heureux d'être dégoûtés, de cracher sur ce qu'il reste de ma personne, un venin que je ne connais trop bien. Je t'en veux, en fait, d'être là, à donner de la valeur à mes blessures, à mes fêlures, de voir en mes silences, des possibles, un avenir.

J'esquisse une grimace amusée, quand sur mon visage, s'égare le souffle de ma compagne, de cet étrange animal qui cherche à me nettoyer de sa langue, de son museau que je repousse délicatement du bout de mes doigts, non sans lui ronronner quelques paroles en français, un mélange de compliments et de mots d'amours qui semblent lui plaire, lui donner l'envie de se lever, de pour notre invité, se donner en spectacle, riant, geignant, la queue dressée, les crocs dévoilées, sagement refermés autour de mes phalanges, de mon poignet, puis de mon bras, sur lequel elle tire, dans l'espoir, sûrement, de m'entraîner avec elle jusqu'aux jardins, aux pieds de ces rosiers et autres arbres sous l'ombrage desquels elle aime tant paresser, passer ses journées, enfoncer ses griffes dans la terre meuble, connaître cette existence que je lui envie, cette paix de l'esprit que plus d'une fois, j'ai fantasmé de lui dérober, d'arracher de son crâne que d'autres, de sous son pelage, me frayer un chemin, m'y loger, m'y nicher, pour ainsi agoniser, embrasser la beauté de l'ignorance, la joie, l'allégresse de n'être rien, si ce n'est un peu de chair motivé par des instincts, des pulsions, de primaires et charnelles passions.

Il me serait facile de te voler ta peau, de te dérober ce que tu ne chercherais à défendre trop ardemment, tant tu es pure, tant tu me voues cette affection que je ne mérite, mais ce serait injuste, cruel, si humain de ma part, de t'obliger à vivre  mon purgatoire, à prendre ma place, à devoir faire avec ses malheurs que les hommes se créent.

« Allez ma princesse. » conclus-je en français, le temps d'un souffle avorté par ce baiser que je viens déposer entre ses deux yeux. « Il y a des choses qu'il vaut mieux que tu ne voies pas. » Le sourire que j'esquisse est si douloureux que je sens en moi, quelque chose se déchirer, à mes prunelles, monter un sanglot que je ravale de justesse, tue, par envie très masculine de me faire brave et puissant aux yeux de celui que je continue d'ignorer, trop occupé à gentiment chasser Victoria, qui après un étirement ou deux, finit par s'éloigner, par sans peine, se faufiler dans l’entrebâillement de la porte, disparaître dans l'infinité des couloirs, ne semant derrière elle, que l'écho de ses griffes cliquetant sur le parquet, de son souffle tranquille. Une fois de plus, je me redresse, et enfin, fais pleinement face à mon hôte, à Abraham, que je gratifie d'un regard perçant, d'un geste qui amène à mes lèvres, le filtre mordillé de ma cigarette, cette braise à laquelle j'arrache une longue plainte, un gémissement qui devient arabesque de fumée, auréole goudronnée se fondant parmi les parfums, les arômes du thé et de nos tabac, de cette eau de Cologne que je l'imagine porter, du désinfectant, de ces drogues qu'il donne à ses patients avec la même ferveur que les prêtres distribues leurs hosties aux fidèles, à ces croyants à la recherche d'un seigneur, d'un Dieu à qui reprocher toute la laideur de ce monde, toute l'horreur d'un enfer qui semble s'être incarné ici-bas, toute la cruauté de ces démons qui rampent à nos côtés, qui rient et s'amusent de nos échecs, qui aiment nous attirer dans la fange, nous y noyer ; osant entretenir un silence que je ne romps qu'après un frémissement, une trop courte inspiration, un besoin de croiser les jambes, de me faire mutin, tentateur, triste acteur.

« Je le regrette aussi. »

D'avoir joué et m'être brûlé. D'avoir vu que tu n'étais pas si différent des autres, qu'à ta manière, tu ressembles à ceux qui blessent, qui n'aiment qu'à moitié, qui ne savent pardonner. Que toi aussi, tu en auras un jour assez, que tu finiras par t'en aller, me laisser ici, à me lamenter, à me tuer parce que je n'ai le courage de m'aimer, parce que je ne parviens à oublier.

Du bout des doigts, je viens cendrer ma cigarette entre la gueule du dragon d'argent, soupirant à nouveau, l'esprit rendu lourd par la fatigue, par la morsure de cette douleur lancinante qui se fait cruelle amante, maîtresse exigeante qui s'enroule autour de mon squelette, se drape de mes nerfs, griffe mes veines, qui ne cesse de broyer ce qu'il me reste de chair saine, de m'écorcher un peu plus, me pousser dans les bras d'une démence qui me tient déjà, est cette souveraine qui tisse mes songes, s'assure qu'à mon réveil, danse sur mes prunelles, les souvenirs  de ce temps au front, de ces averses qui n'en finissaient plus, de l'eau et du sang que la terre n'avalait plus.

« Une prochaine fois peut-être. »

Il me semble à nouveau frissonner, trembler presque, à l'idée de me dévêtir, de lui dévoiler ces ecchymoses qu recouvrent mes cuisses, ces traces de griffures, de morsures qui esquissent, dessinent à la surface de mon derme, la violence de nuits passées à n'être qu'amant dans les bras de n'importe qui, que corps que l'on désire rapidement, éphémèrement, sexe dont on profite, on abuse, le temps d'une extase qui ne vaut rien, qui n'a pour vertu que de laver la culpabilité, expier de l'esprit les impressions sauvages, les pulsions et autres désirs bestiaux ; me retrouvant ainsi à serrer les cuisses, à croiser les bras, à tenter de me cacher en plein jour, à une fois de plus, me dérober à son œil critique, à son jugement, à ces injures qu'il pourrait penser, garder pour lui, masquer sous des sourires, des mensonges dont j'ai fini par me lasser.

« Ce n'est pas si terrible. Tu n'es pas si vilain, si laid que tu le dis. »

Je ferme les yeux, serrant les dents, regrettant d'être vivant en cet instant, de devoir être brave, de ne pouvoir simplement le chasser, lui ordonner de ne jamais revenir, de s'en aller, de se trouver un autre patient à sauver, une vraie âme à pardonner.

« Tout va bien Mathias, ça va aller. Tout va s'arranger, tu verras. Tout ira bien. »

Difficilement, j'inspire, ravale le nœud de couleuvres que j'ai dans l’œsophage et trouve enfin le courage de secouer la tête, de lentement, me refuser à lui, d'une fois de plus, jouer au prince des courant d'airs, au spectre, à l'ombre de ce patient qui n'existe pas, qui n'est qu'un dossier, un nom qui lui fut donné, recommandé, soufflé peut-être, par quelques curieux qui s'ennuyaient, qui pensaient lui arracher ces rumeurs que l'on sème dans mes pas, que l'on raconte aux ténèbres, à ce silence friand de ce qu'il émerge de la bouche d'une humanité qui sait mieux mépriser qu'aimer.

« Pas aujourd'hui. »

Ni demain, ou même jamais. Permets-moi de continuer de porter ce costume, de me cacher sous un plumage, sous une pelisse, de me faire autrui. Permets-moi de disparaître, de m'en aller avant de connaître une fois de plus la déception, de me confronter au monde, au cœur vicié de mes pairs.

« J'ai plutôt envie de vous écouter me conter ces poèmes que vous avez eu la chance d'entendre, que vous me disiez ce que vous avez vu. »

Recroquevillé sur moi-même, mes bras enserrant mon bas-ventre, je souris à peine, tandis que je me balance lentement, me berce, tente de faire taire ce chagrin qui vient engourdir mon cœur, le gorger de sanglots que je chasse en reniflant de temps à autres, entre deux volutes, deux inspirations teintées de nicotine.

« Est-ce que ça en valait la peine de venir ? Y avez-vous trouvé votre raison ou avez-vous erré en vous disant que tout cela était futile, inutile, qu'il n'y avait rien de bon, rien de beau, dans l’excès, dans cette folie à deux ? »

Je marque une pause, le temps de déglutir.

« Est-ce qu'ils étaient beaux, ces poètes, ces rêveurs ? Ou avez-vous juste prié pour leurs âmes en détournant le regard, en soufflant que c'était trop tard ? »

As-tu regretté que je te quitte ? As-tu espéré que je te revienne, que je me présente enfin à toi, me dévoile, révèle, te permette de m'effleurer, de constater que sous le luxe et l’insouciance, se cache les restes d'un être que tu aurais pu tenir en respect ?

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Did Someone Call A Doctor?  - Mathias & Bram Empty Re: Did Someone Call A Doctor? - Mathias & Bram

Lun 30 Aoû - 18:27
Did someone call a doctor?
Que veux-tu? Que veux-tu esprit des brumes et du matin, du brouillard et des fumées? Que cherches-tu en t'entourant ainsi de mystère pour lever le voile quelques instants, le temps d'un battement de coeur, avant de pudiquement en rabattre deux devant ton visage, comme si tu étais honteux de t'être montré, de t'être dévoilé? Est-ce un jeu d'enfant gâté? Un passe temps de nanti gâté qui cherche à combler la vacuité d'une existence oisive et désabusée, lui qui n'a qu'à tendre la main pour avoir ce qu'il veut, sans se soucier une seconde d'avoir un toit au-dessus de sa tête, un lit où dormir le soir, et au moins trois repas chauds devant lui? A-t-il eu besoin de s'ériger en metteur en scène des excès des autres en plus des siens? D'offrir à d'autres la possibilité de sombrer, comme lui, avec lui, comme les musiciens du Titanic qui ont continué à jouer en plein naufrage? A-t-il peur que ses péchés ressortent moins s'il arrive devant saint Pierre noyé dans un groupe de pêcheurs encore plus impénitents que lui? Pense-t-il que cela gommera un peu ce qu'il a fait? Ou alors a-t-il décidé de vivre selon le précepte de Pascal qui a écrit qu'un roi sans divertissement est un homme plein de misères, et qu'il cherche à tout prix à se distraire pour éviter de sombrer? Trouver quelque chose le retenant ici? C'est un curieux mélange de nonchalence et de désillusion, d'un être à la fois désabusé et qui semble pourtant avoir encore une étincelle de combat en lui... Il est une partie d'échecs à lui tout seul, comme si des pions noirs et blancs s'affrontaient en permanence en lui, dans un affrontement qui n'a l'air de connaître un cessez-le-feu que quand il s'abîme dans l'alcool et les drogues, oscillant entre l'esthète et le dépravé...

Et curieusement j'ai l'impression que pour une fois il a tenté de jouer avec quelqu'un d'autre que lui-même, et que cette entrevue, ce duel ou cette partie l'a déçu sans que je comprenne pourquoi. Il a l'air de m'en vouloir, encore plus distant, encore plus méfiant que lors de notre première rencontre, où il s'était offert à mon regard et mes examens dans le plus simple appareil, le visage fermé là où il y a quelques semaines à peine j'avais le droit à un sourire amusé mêlé à un air de défi. Peut-être que comme Anubis il a rendu son jugement et que je ne suis pas assez amusant, distrayant ou que sais-je pour maintenir son intérêt sur le long terme? Une source de distraction dans laquelle il ne trouve pas l'occupation qu'il espérait? J'essaie de répondre à toutes ces questions alors que nous fumons une cigarette dans sa demeure et que je contemple son visage émacié et fatigué alors qu'il accorde toute son attention à son curieux familier qui ricane de contentement à ses pieds dans un son bien étrange tout en lui mordillant les doigts. Après un léger baiser déposé sur le crâne de sa hyène qui s'éloigne finalement, il continue de m'ignorer, dans un face à face long, un duel muet dans lequel je ne sais même pas pourquoi je me bats. Et là, pendant une seconde, je l'aperçois, je la saisis au vol, telle une étoile filante qui me glisse entre les doigts et dont je ne peux être que le simple spectateur : l'expression d'une douleur qui a afflué l'espace d'un instant, comme un animal marin qui a besoin de remonter à la surface pour respirer, cette preuve que j'attendais qu'il n'est pas que quelqu'un de creux, de fat ou de superficiel, mais quelqu'un que je peux, et veux aider... quelqu'un de blessé que le médecin doit soigner...

Alors je m'excuse platement de ne pas l'avoir vu, entrant dans son jeu pour voir où le lapin blanc me mène, cerner ce qu'il espère me faire faire ou dire, et ne concluant simplement que par une phrase laconique et lapidaire. Même ma proposition d'examen est repoussée aussi simplement qu'il écrase le mégot de sa cigarette dans le cendrier en argent, dans un geste qui retranscrit sa lassitude tant physique que morale. Pensant que notre entrevue en resterait là je suis sur le point de me lever lorsqu'il m'offre une curieuse ouverture que je n'attendais pas, une main tendue vers la discussion que j'attrape, content de pouvoir prolonger ce moment avec lui, et tenter de renouer ce début de quelque chose qui semble s'être brisé lors de cette soirée.

Ce que j'ai vu? Et bien... de la musique endiablée, très dansante, beaucoup de gens semblant visiblement s'amuser et faire la fête... J'ai reconnu pas mal de beau monde d'ailleurs, le tout Berlin semblait être là et se presser pour partager une coupe de champagne ou un petit four... Mais oui, ce que j'ai préféré étaient les poèmes... certains étaient encore un peu verts mais me rappelaient Bilderdijk ou Rimbaud... de la spontanéité, une immédiateté rafraîchissante... L'un parlait du deuil, l'autre de l'éveil des sentiments au printemps... J'espère qu'ils arriveront à être publiés, j'aimerais beaucoup lire d'autres oeuvres d'eux... Mais vous avez sûrement dû en entendre d'autres que moi... Quels sont ceux qui vous ont plu, vous?

Puis le ton de sa voix change, s'élève comme des nuages chargés d'orage et de pluie obscurcissent un beau ciel d'été et je sens de la colère, des reproches sous entendus, quelque chose sur le point de se briser.

Oui, ça en valait la peine... je dois avouer que la partie festive n'était pas ma tasse de thé car je n'aime pas danser mais le cercle des poètes était un moment de grâce dont je me souviendrai longtemps, et pour ça je vous remercie... Et pourquoi aurais-je pitié d'eux? Déjà ce n'est pas à moi de les juger, je laisse ça en d'autres mains plus compétentes et... oui, ce groupe était beau, habités par la passion de la jeunesse, cette soif de créer, d'expérimenter, ce bouillonnement d'émotions à la fois nouvelles et violentes qui vous submergent... Oui... c'était beau parce que ça a fait résonner quelque chose en moi, ça m'a ému... peut-être en me rappelant le jeune homme passionné que j'ai moi-même été...

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Dim 10 Oct - 18:24
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Je ne peux m'empêcher de trembler, d'en ma propre chair, vaciller, me faire bien fragile essence, éther qui semble sur le point de disparaître, d'à jamais, s'étioler dans le silence, dans le vide de cet instant que le médecin comble de quelques paroles qui parviennent difficilement à capter mon attention, à m'arracher autre chose que de las battements de cils, que ses spasmes qui obligent mes muscles à se contracter, mes mâchoires à se rencontrer brutalement, créer le doux écho de mes dents claquant les unes contre les autres, au rythme de cette angoisse qui ne cesse de creuser mon estomac, de se faire bête se jouant de mes entrailles, s'amusant de ce peu de courage qui me garde ici, m'interdit de me lever, de fuir cet homme que je n'ose plus contempler, que j'écoute, en rêvant d'y passer, dont les syllabes se font étranges comptines qui n'arrivent à chasser le désespoir, ce mal qui en mes veines, est un poison détruisant cet être que je fus un jour, ce Mathias qui avec lui, aurait aimé discuter des heures durant de ces arts que j'héberge désormais par besoin de combler cette abysse qui semble grandir en mon ombre, se faire terrible compagne aimant se glisser dans mes pas, épouser la courbe de mon échine. Les bras croisés, penché en avant comme un enfant craignant le prochain coup à venir, la gifle suivante, c'est en grimaçant que je l'écoute, que je tente de donner sens aux souvenirs de cette soirée que je me suis empressé d'oublier au détour d'une bouteille de liqueur dont je n'ai point apprécié la saveur, d'un corps prêt à faire semblant de désirer le mien, de lèvres sur lesquelles, je n'ai trouvé que ce dégoût pour moi-même si familier, l'arôme d'une haine que je suis incapable de porter à autrui, que je me réserve, conserve précieusement pour l'échec que je suis, pour cette carcasse puante qui se refuse à tomber en poussières, à se déliter, au détour d'une crise de larmes, d'un battement raté de ce cœur poignardé par la vacuité, par cette vérité qui me hurle que je ne sers à rien, que demain ne sera point le mien, que pour le bien commun, il me faudrait crever, à la terre m'en retourner, cesser d'être la honte de mes ancêtres, de cette mère qui serait malade de me voir vivre de la sorte, prétendre apprécier ces vices dont je ne tire désormais plus que de la colère, du mépris pour celui dont je vois les traits tous les jours dans les miroirs. Ainsi, les yeux clos, je laisse entre nous s'installer un silence, passer un ange que je ne chasse point, pour sur ma langue, faire rouler cette question que je suis tenté d'ignorer, que je finis par enterrer d'un soupir, d'un mouvement de la tête, puis de ce sourire qu'il m'est difficile d'esquisser, qui semble faire naître en la chair de ma lippe, le début d'une crevasse sanguinolente, d'une plaie vomissant ces secrets que je m'efforce de dissimuler, de garder à l'abri de mes veines souillées, de ma chair juste bonne à être brisée, à être abusée.

« Je doute qu'ils soient un jour publiés, Docteur. A vrai dire, je doute qu'ils désirent l'être, car si c'était le cas, ils chercheraient à se faire entendre des bonnes personnes, pas de gens comme nous. Ils iraient courtiser les plus grands, se garderaient bien de partager ce que l'on pourrait leur voler. »

Ils se laisseraient gagner par cette laideur qu'ils cherchent justement à fuir, accepterais de porter des fer, de se vendre à ce démon qu'est l'ambition, l'avidité, ce terrible monstre que nous hommes, aimons tant entretenir, vénérer, sur l'autel duquel nous sacrifions nos idéaux, ces enfants que nous étions dans l'espoir d'obtenir la gloire, de connaître cette immortalité éphémère qui plaît tant aux angoissés, à ceux qui craignent le jugement dernier.

« On ne vient pas chez moi dans l'espoir de se faire connaître, de s'élever dans le monde, de gagner son droit à jouir de je-ne-sais-quoi. On se presse ici pour s'enivrer de cette certitude que demain, il ne restera rien de tous cela. Que ce soit du charnel ou de l'intellectuel, tout sera emporté, balayé, comme pardonné. »

J'inspire, continuant de fixer le lointain, de feindre le besoin de me perdre dans la contemplation des bibelots encombrants meubles et étagères, de ces tableaux qui ne sont là que parce qu'un temps, j'ai pu les trouver beau, apercevoir dans les coups de pinceaux de l'artiste, une émotion qui aujourd'hui n'est plus que pincement au cœur, regret que je ne parviens à exciser de mon être, qui en parfait cancer, gangrène mon être, semble ronger mes os, s'attaquer à ma moelle, distiller en mes nerfs cette terrifiante sensation qui à la gorge me tient, parvient à écraser ma trachée, me faire suffoquer, m'étouffer sur toutes ces choses que je n'ose avouer, sur ces confessions que j'emporterais dans ma tombe, que je refuse d'offrir à Abraham, à celui qui pourrait vouloir me retirer ce peu de liberté que j'ai dû arracher aux miens, à ces deux familles qui avaient tant d'ambitions pour moi, tant d'espoirs que je devienne le parfait héritier deux dynasties usées par le temps, par les mariages infructueux, à m'enfermer dans l'un de ces mouroirs où s'entassent les esprits brisés, les victimes d'une démence que rien ne pourrait soigner, ces être qui ne sont plus que bêtes, putains d'instincts que je prétends ne point posséder, que je dis m'être étrangers.

« Soyez heureux que cela ait existé, que vous ayez eu la chance d'être là, plutôt que de songer à l'avenir, à un possible auquel il vaut mieux ne rien confier. »

Parce que demain, je ne serais peut-être plus là, j'aurais enfin trouvé le courage de mettre un terme à cette mascarade, j'aurais le courage de porter la lames de mon rasoir et d'entailler mes poignets si profondément qu'il sera déjà trop tard pour moi, j'irais danser avec le danger le temps rituel, me donnerait à ces forces que je crains et respecte quand je donne naissance à mes familiers. Rendons éternel cet instant, car il est peut-être le dernier, mon dernier moment de lâcheté.

Transis par un froid qui n'existe point, je tremble à nouveau, me fait ridicule patient, agaçante abomination se recroquevillant sur elle-même, tentait de s'attire la pitié de son auditoire, de cet homme trop patient qui accepte de jouer avec moi, de supporter ces caprices qui sont miens et que je m'autorise parce qu'il ne me reste bien plus que ça, parce que je suis conscient que tout cela ne durera pas, que comme bien d'autres avant lui, il finira par en avoir assez, par s'en aller, par m'abandonner à ce chagrin devenu auréole ceignant mon crâne en toute occasion. Il me semble soupirer, oser feindre un ennui que je ne ressens plus depuis mon retour du front, une lassitude qui n'est que grossier trompe-l’œil, mensonge qui s'efface au fil des secondes.

« Comment était-il ? » finis-je par souffler dans l'espoir de rompre à nouveau le silence, de changer de sujet, lui faire oublier mon état, son envie de s'occuper de moi, de prendre soin d'une chair qui se dégrade au fil des mois, qui sur mon squelette semble déjà prête à pourrir, à se faire masse informe se détachant de ma carcasse, miasme puant que personne n'aurait envie de regretter, de couvrir de fleurs et de regrets, de souvenirs murmurés entre bien des sanglots, bien des hoquets, qui sur la terre, sur les fibres de ce tapis déjà taché par le vin versé, par la bile vomie, sur les lattes de ce plancher griffés par la course de mes familiers, les caprices de cette hyène que je gâte comme cet enfant que je n'aurais jamais, les accès de folie qui parfois se font fièvres me poussant au pire, me transformant en cette bombe humaine prête à dégoupiller son cœur, à emporter dans sa détresse le reste d'un monde qui n'a rien demandé, les innocents et les coupables. « Ce jeune homme passionné auquel vous arrivez à  penser au détour d'une soirée où le reste des invités préfères oublier le passé et ignorer l'avenir ? Comment était-il pour que vous lui rendiez hommage, arriviez à sourire en me l'évoquant ? »

Etait-il vraiment si magnifique que cela, cette ébauche de toi, qu'elle mérite que tu te fasses nostalgique, te laisse porter par ce doux travers qui n'affecte d'ordinaire que les êtres en fin de vie, les hommes et femmes qui réalisent enfin qu'ils ne pourront échapper à la fatalité, que l'immortalité est réservée à ces monstres qui gouvernent ce pays ? Oserais-tu me mentir, Abraham et me soutenir qu'il en vaut la peine, cet autre que tu fus ? Qu'il y a parfois du beau dans les souvenirs ? Que l'amertume est le fardeau des ingrats, de ceux qui ne savent percevoir cette chance qu'ils ont eu d'être broyés, brisés, d'avoir eu le cœur endurci par les épreuves, par la laideur d'autrui.

La vision brouillée par de premières larmes que je peine à ravaler, que je sèche de mes manches, d'un mouvement du poignet presque juvénile, je me surprends à esquisser un sourire, un rictus bien amère qu'il m'est difficile de cacher au médecin, à cet homme dont je fuis autant le jugement que les iris, face auquel je tente de me faire brave en me redressant, en tentant de me faire grand, d'être le parfait tyran régnant sur cette maison du vice, cette demeure aux couloirs hantés par les spectres de mes propres addictions, des spectres de mon passé que je ne parviens à chasser.

« J'imagine qu'il l'était. Assez pour mériter vos douces pensées. »

Assez pour qu'en comparaison, je ne sois qu'une déception, un raté, un simple ingrat trop fortuné, un gamin qui se refuse à grandir, à endosser les responsabilités qui incombent à son nom.

« J'imagine que ceux qui ont pu le connaître doivent parfois avoir les mêmes élans que vous à son sujet. »

Ma voix n'est plus qu'un murmure tandis qu'entre deux reniflements, je feins de me débarrasser d'une poussière au coin de mes cils avant de lisser mes habits d'un geste nerveux, de me lever pour mettre fin à notre entretien, à cet examen qui n'en fut pas un.

« Vous reviendrez, n'est-ce pas ? » N'attendant pas vraiment de réponse de sa part, je poursuis, un sourire désormais factice aux lèvres. « Peut-être là vous laisserais-je m'examiner. Ne m'en voulez pas de jouer ainsi avec vos nerfs, pardonnez-moi plutôt d'aimer vous voir me courir après. » Le rire faussement léger que j'esquisse me donne la nausée, se fait vertige pour lequel je palis un peu plus, percevant la migration de mon sang vers ce cœur qui se contracte trop brutalement, vers ces organes se tordant en mes chairs souillés par l'alcool et la drogue. « Sachez que j'attendrais votre prochaine venue avec impatience, Docteur. Je compterais les jours. » ose-je conclure d'un mensonge puant les cendres et les relents de ce tabac que je fume à outrance.

Reviens, pour que je puisse mieux te repousser, te dire que cela ne sert à rien. Permets-moi de me faire vague à ton contact, capricieuse entité qui ne sent exister que lorsqu'on tente de la sauver, que lorsque l'on se bat pour le salut de son âme.
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Did Someone Call A Doctor?  - Mathias & Bram Empty Re: Did Someone Call A Doctor? - Mathias & Bram

Mer 20 Oct - 18:15
Did someone call a doctor?
J'ai l'impression qu'il est comme l'image projetée d'une lanterne magique, légèrement tremblotante, une seconde aristocrate fêtard, s'entourant de débauche pour combler un vide criant en lui, et l'image suivante il se dévoile, presque un enfant, quelqu'un de meurtri et de désabusé, une tasse fêlée à qui il ne manque qu'une infime poussée, un léger choc pour se briser totalement et retomber en morceaux. Il est l'agréable compagnon de soirée avec qui on va pouvoir discuter de tout et de rien autour d'un verre et d'un bon cigare, et la minute qui suit, il est froid et coupant comme un éclat de miroir brisé. Il me fait presque penser à ces pampilles de cristal accrochées près d'une fenêtre et qui projettent des reflets arc-en-ciel sur le mur, le prisme décomposant la lumière et bougeant au gré des mouvements du morceau de verre, offrant à chaque fois des éclaboussures différentes de lumière. Une fois il est rouge, puis ensuite bleu. Après violet puis jaune... insaisissable, incompréhensible même tant son attitude comme sa pensée sont mouvantes. Là il joue celui qui m'en veut d'être venu, mais de ne pas m'être amusé comme il l'aurait souhaité, pourtant je continue à entretenir cette conversation qu'il recherche autant qu'il déteste. Pourquoi? Je ne sais pas. Un besoin de contact qu'il n'ose pas s'avouer? Une peur de redevenir vulnérable? Le fait qu'il soit hanté par ses blessures? Tout ça fait un bien étrange mélange qui me laisse autant curieux que perplexe mais je n'ai pas envie de renoncer... à la fois pour le Club mais aussi pour lui...

Un artiste peut aimer partager ses oeuvres sans forcément vouloir ou attendre de reconnaissance immense, ou de succès planétaire... Pour certains, savoir que son oeuvre a plu, a touché les gens qui l'ont écouté peut suffire à éprouver un sentiment d'accomplissement... Comme le fait que pour plusieurs personnes, le souvenir de cette soirée est de ces poèmes est quelque chose qu'ils garderont en eux pendant des années, un souvenir qu'ils vont chérir... Vous ne pensez pas? Et j'ai surtout l'impression que votre maison accueille des gens passionnés...certains par la musique, d'autres par la danse, d'autres encore par l'alcool ou les drogues... mais il y en a aussi qui aiment les mots... comme dit ce poème de Baudelaire

"Il faut être toujours ivre. Tout est là : c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.

Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous.

Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est ; et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront : « Il est l'heure de s'enivrer ! Pour n'être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. »


Je laisse les vers du poète rouler sur ma langue comme on savoure une friandise, tentant de respecter les mots, les sons qu'il a choisis comme on choisit les pierres d'une parure, qu'on taille et qu'on sertit avec soin. Parce que c'est magnifique, de la joaillerie faite mots et je n'aurais pas envie de trahir son travail en récitant trop vite, en ne respectant pas les pauses, en le méprisant, tout simplement. Et je reprends une bouffée de tabac, laissant les derniers mots retomber dans le silence comme les derniers flocons d'une neige fraîche, avant qu'il ne réponde, ne fasse une remarque que cette heure passée là-haut.

Oh j'en suis heureux, et je rangerai ce souvenir avec soin dans mon esprit, pour y repenser plus tard, comme on feuillette un album de photographies...avec nostalgie, en se rappelant du bon vieux temps. Mais j'ai aussi l'espoir que le futur m'apportera d'autres souvenirs aussi beaux... et il faut avoir foi en eux...

Et là il se dévoile à nouveau, comme un miroir qui se fendille, un masque qui se soulève le temps de respirer, une déchirure dévoilant ce qui se cache derrière, et j'entrevois un jeune homme qui a déjà vécu trop de vies, quelqu'un d'épuisé de devoir constamment jouer un rôle qui devient trop lourd... Il tremble, détourne son regard du mien, et je distingue même quelques larmes poindre, alors qu'il détourne la conversation pour que je m'occupe d'autre chose que de lui. J'ai un léger rire à sa question, laissant échappée une bouffée de fumée bleutée au-dessus de ma tête.

Un lecteur passionné, qui dévorait des tomes et assistait religieusement à ses cours à l'université. Tout m'apparaissait passionnant... le fait d'être considéré comme un jeune adulte, la liberté que cela me conférait... les soirées à refaire le monde dans les tavernes d'Amsterdam avec mes amis, à parler philosophie, politique, art, et amour... Sentir que les poèmes que je juge maintenant un peu niais me semblaient écrits pour moi et me parlaient d'une façon stupéfiante... Vouloir tout faire, tout lire, voir toutes les pièces, avec cette crainte que ma vie ne soit pas complète si je ratais quoi que ce soit... Dieu que cela peut sembler un brin ridicule quand j'en parle à présent, mais j'étais habité par ce feu de me sentir si vivant... Et vous? Comment étiez vous adolescent? Laissez-moi imaginer... vous aimiez les poètes torturés comme Baudelaire, Rimbaud ou Verlaine non?

Pourtant une larme s'est échappée de ses yeux couleur de tempête et notre entrevue s'arrête là. Encore une esquive pour ne pas me montrer qui il est vraiment, cacher sa douleur derrière une porte close. Il se lève et je fais de même, le suivant jusqu'au hall d'entrée alors que sa voix qu'il essaie d'assurer de son mieux s'élève.

Evidemment je reviendrai. Je suis votre médecin, ne l'oubliez pas.

Puis il me demande pardon, un pardon surprenant, un pardon qui me fait me demander si c'est bien pour cela qu'il s'excuse, ou alors pour autre chose qu'il ne veut pas m'avouer, et alors que le vent d'avril, chargé d'humidité s'engouffre par les majestueuses portes maintenant ouvertes je me tourne vers lui, le contemplant une seconde, en hésitant sur la conduite à tenir. Partir simplement? Peut-être... mais j'ai au fond de moi le sentiment qu'il lui faille plus... une plus grande démonstration. Une preuve je pense. Alors déposant ma sacoche sur le sol je m'approche et l'attire doucement contre moi dans une accolade que j'espère fraternelle et réconfortante.

Mathias, je suis aussi là pour vous écouter, pas juste pour mettre des pansements et prescrire des pilules. Si ça ne va pas, si vous en éprouvez le besoin, je serai là pour vous écouter. D'accord? Je compte sur vous. Je reviendrai dans trois jours... Prenez soin de vous, et par là j'entends des nuits de huit heures, trois repas par jours, pas trop d'alcool ou de substances... Votre corps est épuisé, et j'ai l'impression que votre esprit aussi...

Je recule et après un dernier sourire je reprends ma sacoche et pars, m'installant dans ma voiture et m'éloigne après un dernier signe de la main. Je reviens le jour convenu, un peu en retard à cause d'une intervention qui a duré plus longtemps que prévu, et entre après que le majordome m'ait accueilli.

Mathias? Je suis là! J'espère que vous êtes décent!

Mathias & Bram - Avril 1921
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“Bien qu’innocent, tu dois expier les péchés de ton père.” Horace

Mathias De Cosset-Brissac
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Did Someone Call A Doctor?  - Mathias & Bram Empty Re: Did Someone Call A Doctor? - Mathias & Bram

Lun 8 Nov - 20:46
Did Someone call a doctor ?
Abraham & Mathias
Running in circles, chasing our tails
Coming back as we are
Nobody said it was easy
Oh, it's such a shame for us to part
Nobody said it was easy
No one ever said it would be so hard
I'm going back to the start

J'aimerais être capable de le pulvériser, ne faire de lui que de la poussière, des fragments qui dans l'air, persisteraient un instant avant de disparaître, de s'étioler pour qu'enfin, je retrouve le confort de ma solitude, de cette peine qu'aiment tant les spectres qui hantent les couloirs de cette demeure, les fantômes venus me rappeler ô combien j'ai été lâche en fuyant mon pays, en laissant derrière-moi ce qu'il restait d'une famille dont je brûle aujourd'hui les lettres, me protège de ces reproches que je mérite, de ce mépris qu'il doit immortaliser dans l'encre, ce frère qui ne pourra jamais me pardonner d'avoir été égoïste, d'avoir pour une fois, voulu n'exister que pour moi, de pouvoir me détruire loin de ceux qui pourraient encore m'aimer, vouloir me sauver, qui seraient blessés de voir ce que je fais de cette vie à laquelle je ne tiens qu'à moitié, de ce don que j'utilise encore comme un enfant, l'employant pour satisfaire de triviaux désirs, pour mimer une beauté éphémère qui peine désormais à chasser de mes pensées, les souvenirs de ces années à patauger dans la fange et le sang, à être l'une de ces ombres que l'on invoque pour nettoyer les encombrant, sauver les survivants de la guérison, de ce long chemin de croix qu'est la résurrection, en silence, je rêve ainsi qu'il se désincarne, ce médecin qui insiste, qui prétend voir en ma personne, un espoir à entretenir, un possible qui mérite d'être ramené à la vie, le fuyant du regard, ignorant volontairement ses paroles qui se font lame en mon cœur, terrible poignard qui rouvre des plaies que je ne pensais avoir, qui fouille en ma chair et mes nerfs pour mettre à nu ces faiblesses et autres travers que je m'efforce pourtant de noyer dans les excès, dans les litres de ces spiritueux que je bois, non plus pour étancher ma soif, mais pour gorger ma chair de ce poison que sont les addictions, sous les épaisses volutes de ce tabac que je fume même lorsqu'en les draps de ce lit trop grand pour moi, je ne suis rien de plus qu'une putain pour les paumes d'hommes avides de soumettre, de se réconforter dans leur virilité, de tuer toutes pulsions qui peuvent les brider, les empêcher de pleinement apprécier le corps d'une femme qu'ils disent avoir épousés par amour, par envie, désir, de fonder une famille, de connaître cette immortalité qui n'est qu'illusion, cette éternité qui n'est rien face au cœur ingrat des hommes, de descendants trop prompts à cracher aux visages de leurs ancêtres. Les yeux perdus dans le lointain, dans cet horizon qui n'appartient qu'aux condamnés, qu'à ceux qui rêvent de ces autres vies que l'on ne vit que lorsque l'on rêve de mourir, de s'effacer, de cesser d'exister en cette réalité trop souvent absurde, c'est les lèvres pincées que je prie, lui demande de n'être que fragment de mon imagination, illusion, mirage née des entrailles d'une folie qui serait bénédiction, excuse me permettant de pouvoir m'en aller sans essayer une fois de plus, sans tenter de préserver cette dignité que j'ai depuis longtemps sacrifié, offerte à la gueule de vices qui ne sont terribles qu'un temps, dont bien vite, on fait de nécessaires compagnons.

Je tuerais, tu sais, pour apprendre que tu n'es qu'un reflet dans la lumière, une silhouette dessinée à la hâte à la surface de ma rétine, un fantasme que je nourris parce que je sais que c'est bientôt la fin, parce qu'en secret, je rêve que l'on m'attrape la main, que l'on s'acharne, fasse de moi sa croisade, que l'on voit en ma personne, ne serait-ce qu'une dernière fois, ce Mathias qui aurait dû être, celui que la guerre aurait épargné, qui ne serait à Berlin, rien de plus que l'incarnation de cette décadence que l'on aime que le temps d'une soirée, excuse durant l'ivresse, quand pris dans l'allégresse, on est prisonnier des illusions de la nuit, des griffes de cette envie qui susurre que demain ne viendra pas, qu'il n'y a rien, au-delà de l'obscurité, juste ce néant qui s'en moque de tout, qui dévore sans pitié ni remords. J'aimerais que tu ne sois point, Abraham, que comme les autres, tu ne sois qu'un courant d'air de plus en ce lieu, une âme que j'oublie, enterre dans mes pas, dans cette ombre qui semble s'effriter au fil des journées, crever au rythme de mes suppliques.

Le temps d'un battement de cils, j'hésite à me faire terrible, acide, à emprunter à ce père que je déteste, cette dureté, ce laid besoin d'humilier afin de le chasser, de décourager le docteur de revenir, de perdre son temps ici, pour mieux m'échapper, le laisser s'en aller, ne lui offrant qu'un dernier sourire, un regard, l'absence d'une promesse que je ne suis certain d'être capable de formuler, de simplement soupirer, qui finit par se muer en cette cigarette que je viens glisser au bout de mes lèvres et je que j'allume pour longuement, tirer dessus, arracher à la braise tout juste née, une plainte qui dans le silence de la bâtisse, se fait déchirant hurlement.

J'aimerais que tout cela cesse, que les doutes se taisent, que le temps s'arrête. Que sans un mot, je cesse d'être, m'efface pour ne laisser derrière-moi que ces choses que j'accumule dans l'espoir de laisser quelque chose derrière-moi, d'apposer sur cette terre, une trace qui ne contera ce que j'ai été, qui n'oserait révéler comme j'ai été laid, ces fois-là, sur le champ de bataille, comme face aux rescapés, je me suis fait cet ange vers lequel seuls les désespérés se tournent.

Au milieu de la pièce, il me semble vaciller, trembler, être sur le point de m'écrouler, dans l'étreinte du vide m'égarer, occulter la réalité pour ne la retrouver que lorsque les paumes couvertes de mon sang, je perçois les museaux curieux, inquiets, de ces familiers, de ces loups décharnés, abîmés, que sur mes poignets entaillés, s'égare la langue de l'unique louve de la meute, de celle dont le crâne apparent et aux orbites dénuées du moindre globe oculaire, de cette protectrice au souffle brûlant chargé de reproches, d'une inquiétude presque maternelle.

Mathias, égaré, encore.


C'est vêtu à la hâte que j'accueille cette fois-ci le médecin, les poignets encore bandés par des pansements que je ne pense à changer, avec lesquels j'ose me baigner, quand j'y pense, que j'ai pu gardé durant cette beuverie dont je me remets doucement, durant cette nuit dont je ne garde en cet instant qu'une douloureuse sensation, une impression d'être sur mon divan, encore déchiré en deux par cet accessoire que je n'ai eu la force de retirer en me levant, ou plutôt, en roulant hors de mon lit aux draps puant le stupre et ces gémissements que je n'ai su étouffer, tuer. Le regard voilé par une fatigue abrutissante, c'est d'un grognement que je salue Abraham, remerciant d'un geste de la main mon majordome, qui après avoir déposé devant moi, un verre d'eau accompagné de ces cachets que je n'ai le cœur à avaler, se retire, laissant le plaisir à l'homme de science de contempler l'ampleur du désastre que je suis aujourd'hui, toute la laideur de cette épave que je suis, de ce semblant d'homme qui affalé sur son sofa, n'est bon qu'à grimacer, à dans le vide, laisser pendre l'une de ses mains de manière à effleurer la fourrure invisible de ce loup qui observe l'intrus avec grand intérêt.

« Vous... » D'un grognement, je tente de le chasser, de le dégoûter, d'enfin lui prouver comme je ne suis digne de cette attention qu'il devrait réserver à ceux encore capable de lutter, d'échapper à cet océan au sein duquel je me suis noyé il y a bien longtemps. « Vous... Vous venez trop souvent. »

Assez pour que je pense à toi, parfois, que je me demande quand viendra le jour de ta venue, pour que je fasse attention à paraître humain quand tu viens, à te présenter ce mensonge qui ose porter le prénom d'un être qui n'a peut-être jamais réellement existé.

Le cœur au bord des lèvres, il me faut prendre le temps d'inspirer, de respirer, de calmer les battements furieux d'un cœur que je pense pourtant arrêté, comme figé au sein de ma cage thoracique écrasée par cette ivresse qui dure depuis bien trop longtemps, par ces vertiges qui m'empêchent de chasser le coton tapissant l'intérieur de mon crâne, de chasser de mes oreilles, le bourdonnement de ses pensées qui ne font point de sens, qui ne sont que cris, geignements venant des tréfonds de mon inconscient, de cette autre psyché régie par d'étranges pulsions, passions qui ne sont aujourd'hui que désir de colère, fureurs et autres rancoeurs qui ne parviennent à sortir, qui quelque part en mes viscères, se font vipères et autres cobras que j'aimerais pouvoir vomir, cracher sur ce tapis aux motifs hypnotiques.

« Ce n'est pas possible. Ce n'est plus possible même. »

Il faut que tu cesses, pour ton bien et le mien. Parce que je me connais, je sais ce que je fais aux autres. Parce que je sais ô combien je suis décevant.

« Faut arrêter de venir... » Le souffle court, c'est de justesse que je retiens un haut-le cœur, que je ravale cette bile brûlante qui dévore mon œsophage, ce mélange d'alcool et de fluides qui me dégoûtera une fois la sobriété atteinte, une fois sauvé de cette chose qui me ronge de l'intérieur, me pousse à montrer les dents comme le ferait cette bête à mes côtés, à esquisser dans le vide, des gestes patauds, des tentatives maladroites de me saisir de ce verre qui menace de se renverser à chaque fois que je parviens à l'effleurer du bout de mes doigts. « Ca sert à rien. » J'émets un grognement proche de ces marmonnements qu'ont les enfants frustrés, agacés de devoir admettre qu'ils sont en tort. « En plus ça me fait chier. » J'ose esquisser un sourire à ce dernier mot avant de plonger à nouveau mon regard dans celui du médecin, dont la présence seule suffit à constituer cette offense à laquelle je réponds en me levant, en tentant de lui jeter au visage ce verre qui au sol se renverse, roule lamentablement, entre mes deux pieds incapables de s'ancrer en terre. « Vous voyez pas que c'est pas la peine ?! Que j'en ai rien à foutre de... »

C'est toujours plus simple quand j'y songe en mon lit, la nuit, quand il n'y a personne pour voir ô combien je suis misérable, que je ne suis plus que pathétique simulacre d'homme, de riche héritier qui ne sait rien faire de ses journées. Ca semblait si aisé à dire, quand seul dans ma baignoire, je me laissais glisser sous la surface de l'eau, rêver d'un linceul fait d'écumes, du ressac des vagues, de la caresse du sable.

« … De ça. Je... »

Sur mon visage, je passe une main, cherchant à chasser cet engourdissement qui m'empêche d'ouvrir convenablement la bouche, de vomir cette rage gorgée de ce chagrin que les gueules de bois et autres ivresses ne parviennent plus à tuer, qui est devenu ce démon contre lequel je ne tente plus de lutter.

« Je veux pas d'une oreille attentive ou de quelqu'un pour me faire croire que ça va aller ! J'ai pas envie d'aller mieux, parce que je sais que c'est impossible, que c'est des conneries. Je ne veux pas être sauvé ! Je veux qu'on me laisse crever dans mon coin et que le lendemain on... »


Je ne veux pas qu'on tente de me faire croire que je suis important, différent des autres, de ces anonymes qui se bercent probablement de cette même illusion. Je veux mourir en sachant la vérité, en étant conscient que je n'ai été personne, que sur ma tombe, on ne viendra pas se répandre en regrets et remords qui ne valent rien.

« Et tout ça pour quoi de toute manière ? Pour le plaisir de me voir à poil ? Hein ? »

Difficilement, je tente de me défaire de ma chemise trop grande, de dévoiler mon torse constellé de suçons et autres marques passionnés.

« Pour voir quoi ? Que je suis moche, plein de blessures ?! Suffit de demander à n'importe quel homme de la ville, en prime il pourra même vous dire la taille de mon sexe ! Je.... »

Essoufflé, il me faut m'interrompre, lourdement, me laisser retomber sur le canapé, esquissant de ce fait une grimace de douleur, expirant un gémissement qui n'a rien d'effrayant mais tout d'enfantin, qui bien vite devient honteux murmure, puis ombre d'un sourire que je ne parviens à réprimer.

« Faut que vous veniez le jour où j'ai encore un truc gros comme une pomme de pin dans le cul.... »
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Did Someone Call A Doctor?  - Mathias & Bram Empty Re: Did Someone Call A Doctor? - Mathias & Bram

Jeu 25 Nov - 20:30
Did someone call a doctor?
Ces trois jours sont passés bien vite, entre les cours à l'université le matin, les consultations à mon cabinet l'après midi et les visites que je fais chez mes patients les plus fortunés et les plus faibles, et mes activités sociales comme des déjeuners ou des sorties à l'opéra. Pourtant plus d'une fois je me surprends à repenser à lui, lorsque je sens l'odeur du champagne, ou quand d'autres choses ravivent à mon esprit son souvenir, ou le souvenir de quelque chose qui lui est lié, et que mon cerveau lui associe comme par ricochet. Les éclaboussures colorées provoquées par la réfraction de la lumière du soleil sur des pampilles de cristal, un livre de poésie, et même une hyène que j'ai aperçue sur la couverture d'un livre pour enfants. Préoccupé? Oui. Inquiet? Il faut croire, bien que cela me surprenne. Il semblerait que je me sois bien vite attaché à l'héritier français, à ce sorcier torturé à la fois énervant et attachant, qui clame son indépendance et qui pourtant semble souhaiter ma venue... Le dieu Janus à deux faces, une privée, et une qu'il offre à la face du monde. Et alors que ma voiture s'engouffre dans l'allée majestueuse menant à son manoir, bordée d'arbres centenaires, je me demande bien dans quel état je vais le trouver, et si ça ne va pas être trop grave car qui sait ce qui peut lui passer par la tête sans personne pour le surveiller? Enfin... il a bien survécu jusque là non?

Je finis par garer ma voiture près du perron et j'ai à peine posé le pied sur la dernière marche, ma sacoche dans une main, que son majordome ouvre la porte et m'accueille d'un ton poli et professionnel. Il me guide jusqu'au salon que je connais bien, où je le retrouve habillé, ce qui est une première, mais à la hâte et sans grand soin, bien que ses vêtements soient de bonne coupe et sûrement coûteux. Serait-ce un progrès? Le fait qu'il ne se sente plus obligé de me tester? De se montrer provoquant à mon encontre? Ou au contraire un recul et un repli sur lui, ne voulant plus se montrer à moi? Nous allons le savoir bien vite... Je m'approche de lui, déposant mes instruments sur la table devant lui alors qu'il est avachi sur un sofa, le teint terreux et le regard vide. Est-ce la douleur? La fatigue? Les excès? Tout cela à la fois? Le fait est que je m'inquiète de le voir ainsi et l'observe quelques instants pendant qu'il prend son cachet, remarquant les bandages sur ses poignets. Oh non... qu'est-ce qu'il a encore fait?

Je rapproche le fauteuil pour m'asseoir près de lui et étouffe un léger rire à sa remarque sur le fait que je sois trop souvent ici. Je referme ma main sur son avant bras, le tendant doucement vers moi pour l'examiner.

Je suis là parce que vous avez besoin de moi. Vous ne vous rappelez pas? Et quand je vois vos mains... je crois que j'ai eu raison. Laissez-moi voir...

Doucement, comme un enfant précautionneux un matin de Noël je saisis les deux extrémités du bandage que je commence à dénouer comme un paquet cadeau. Mes doigts libèrent la gaze encore humide et tachée de ce que j'espère être du vin, libérant lentement sa peau si blanche qu'elle en est translucide. Mais je n'ai pas le temps d'examiner en détail ce que cachait le tissu blanchâtre maintenant tombé au sol car il se relève, manquant de me faire tomber par la brusquerie de son geste et j'ai un mouvement de recul quand je comprends qu'il veut me lancer son verre, avant de voir qu'il est trop faible pour y arriver, et que l'objet en cristal retombe intact dans un bruit étouffé sur l'épais tapis.

Vous avez le droit de ne pas être d'accord mais pas celui de m'agresser Mathias.

Je me lève à mon tour, à la fois pour être prêt en cas de nouvelle attaque, mais surtout pour pouvoir le rattraper si besoin, et le contemple alors qu'une vague de rage et d'agressivité monte en lui, une colère comme je n'en avais encore jamais vue chez lui. Encore une voile, encore un autre visage, encore une autre fissure dans le masque. Et je comprends vite que ce que je vois, ce à quoi j'assiste est plus le hurlement d'une bête blessée qu'un vrai ressentiment raisonné et justifié. Il a mal, il souffre, et il se défoule sur la première personne présente, à savoir moi. Et je le laisse exploser, je le laisse déverser sa haine, comme un abcès qu'il faut purger de son pus nauséabond avant de le nettoyer et le bander. Je ne pensais pas qu'il y avait une telle douleur cachée en lui, une peine si sourde enfouie sous des sourires à ses invités et des litres de champagne. Une dépression? Un de ces maux qui touche les soldats qui même après la bataille n'arrivent pas à retourner à une vie normale et vivent dans la hantise de ce qu'ils ont vu au front? Le fait est qu'il semble avoir une opinion de lui-même si désastreuse, et si peu de choses qui le retiennent à la vie que je sens malgré moi ma gorge se nouer. Une fois ou deux j'ouvre la bouche pour lui répondre, mais je me ravise, coupé à chaque fois par d'autres cris de colère, une autre et nouvelle fureur alors qu'il se débat avec sa chemise, libérant son torse presque anorexique constellé de suçons et de griffures. Et je tends les bras pour le retenir lorsque je le vois chanceler, constatant heureusement qu'il atterrit sain et sauf sur le canapé en gémissant. S'est-il cogné? Pourtant je n'ai pas l'impression que...

Et sa réplique finale a le don de me faire éclater de rire malgré moi, et qui désamorce un peu toute la tension qui régnait dans la pièce, comme un vent frais chassant les nuages noirs accumulés autour de nous. Un peu rassuré, le corps toujours secoué, je tends la main vers lui. Il ne peut pas rester comme ça... Il faut qu'il mange et qu'il dorme...

Mathias, venez. Nous allons vous installer dans votre chambre pour que vous dormiez. Vous êtes épuisé. Vous avez besoin de repos... Allons-y.

J'attrape sa main et l'attire doucement vers moi pour le mettre debout, et ainsi l'emmener plus facilement dans son antre.
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Jeu 9 Déc - 22:35
Did Someone call a doctor ?
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Son rire seul parvient à me faire émerger de ce miasme au sein duquel je me perdais, m'égarais, me noyer, de cette sensation abrutissante qui m'empêchait de penser, de songer à autre chose qu'aux cris de ce corps fatigué, épuisé par les excès, cette vie que je mène dans l'espoir d'y passer au plus vite, de m'user avant d'avoir le temps de vieillir, d'imaginer une seconde bâtir autre chose que ces futilités que j'accumule, amasse pour n'avoir à affronter le vide, faire avec le regard de cette abysse, du précipice au bord duquel je vacille, avec le chant de ces angoisses qui sont les vrais reines de cette demeure, ces uniques maîtresses dignes de réclamer mon être chaque nuits, de se faire ces chimères dansant en mes veines, sur mes nerfs, ces monstres ravivant les horreurs de la guerre, d'une vie à n'être que l'échec de mon père, ce raté incapable de se rendre digne d'une famille agonisante, d'anciens ne songeant qu'à un héritage qui n'est rien, qu'ambitions transmises de la pire des façons, traditions et pulsions qui aujourd'hui, sont ces démons que je prétends noyer dans la drogue et l'alcool, crucifier à même la peau de ces hommes auxquels je m'offre en prétendant ne le percevoir, ce dégoût dans leur regard, cette forme de mépris que je fuis en fermant les yeux, en m'accrochant aux mensonges qu'ils sont capables de prononcer alors que l'échine cambrée , je feins l'aimer, cette décadence qui n'est que destruction, cet obscène qui poisse le derme, attise, ravive envies de me laisser glisser, d'oublier d'émerger de nouveau, de cesser d'échapper à cette sensation qui me souffle que ça ne sert plus à rien, qu'il serait bon de plonger sous la surface de l'eau brûlante d'un bain et m'y noyer, emporter avec moi dans l'au-delà, l'impression d'avoir été étreint une dernière fois, aimé, malgré mes travers, mes péchés, malgré la laideur de ce cœur qui bat si mal, qui face au médecin, ne se contracte qu'une fois sur deux, est au bord de l'implosion quand il m'offre sa main, m'enjoint à me faire vulnérable face à lui, à le mener jusqu'à cette chambre aux draps encore puants de la veille, aux oreillers encore imprégnés de mes sanglots, à la surface desquels il est possible d'apercevoir la trace de mes dents, de mes doigts désespérément serrés. Une seconde, je reste ainsi à contempler cette paume tendue, à ne savoir que faire, que dire, pris dans les filets d'une peur dénuée de sens, d'une terreur qui se mue en léger gémissement quand Abraham finit par attraper ma main, m'obligeant ainsi à me redresser, sous le regard de mon familier, qui agacé par l'audace de l'étranger, vient en un bond se glisser dans le dos de celui-ci, presser le bout de son museau osseux contre la cuisse de l'humain, lui signaler sa présence de ce souffle brûlant qu'il expire, de ce putride soupir qui dans l'air, sème les arômes d'une colère flétrie par les années, par ce silence auxquels ils sont condamnés, par cette rancoeur que je porte à ce géniteur qui continue de m’inonder de lettres, de me supplier par bien des menaces de revenir me terrer dans cette cage qu'il a mis une vie à bâtir pour m'y garder, pour s'assurer que je sois le plus beau des Calloway, le parfait rejeton portant ses valeurs, sa vision de la grandeur, qu'enfin, je daigne lui ressembler, enterrer tout ce qu'il peut bien me rester de cette femme dont il n'a jamais fait le deuil, qui aujourd'hui encore, hante ses silences, se fait ombre en son lit, en sa vie ; m'obligeant ainsi à intervenir, à serrer, peut-être trop durement, les phalanges du médecin entre les siennes, recommencer à me faire putain pour son regard, héritier fortuné aux humeurs changeantes, au cœur si versatile qu'il semble être une toupie animée par le chaos, l'incertain, par d'éphémères désirs qui ne durent jamais.

« Hors-de-question ! » souffle-je difficilement, mon regard désormais ancré dans celui du médecin, alors que je secoue péniblement la tête, m'oblige à me glisser contre lui, à me faire grand, à ignorer mes tremblements, à esquisser un sourire bien factice, là où d'un battement de cils, je chasse le loup invisible, lui ordonne de se reculer, de retrouver sa place à mes côtés. « Vous ne pensez quand même pas avoir le privilège de la voir alors que nous n'avons pas eu notre... » J'essaye de mettre un chiffre sur le nombre de ses visites jusqu'ici mais abandonne bien vite, trop préoccupé, trop agacé de voir l'invocation me tenir tête, se mettre à tourner autour de nous, ses orbites vides tournées vers mon hôte, ses babines mutilées retroussées, humidifiés par cette salive qui commence à s'écraser sous la forme d'épaisses gouttes sur le tapis déjà taché. « … Enfin... Vous... »

Je devrais te laisser monter, t'y entraîner, dans cet antre dédié au vice, à cette haine que je voue à ce Mathias que je suis devenu, à cet homme qui tourne en rond, qui l'aime, sa décadence, cette fin qu'il ne cesse de provoquer, d'invoquer, qui danse avec ses addictions, avec ces tourments que s'infligent les damnés, ceux qui en ont assez. Je devrais t'y mener, te la dévoiler, cette chambre puant le malheur et les illusions, ce lit au sein duquel, il est possible de discerner l'empreinte de mon corps tordu, malmené pour un désir, un plaisir qui peine à chasser le vide, cette abîme que je sens croître en mes viscères, se faire terrible parasite me dévorant, me punissant d'être si faible, si humain, de n'être rien, même parmi les miens.

« C'est... »

J'inspire, comme fébrile, le cœur soulevé par des angoisses que je ne pensais plus être capable un jour d'éprouver, par des craintes, des peurs qui se font vagues, terrible ressac frappant sans la moindre pitié mon corps déjà parcouru par de longs frissons, des tremblements qui attisent la méfiance d'Ulna, de la louve qui continue de tourner tout autour de nous, de scruter l'intrus comme elle accusait mon père à l'époque, songeant, planifiant sûrement sa vengeance, cet instant de faiblesse où il lui sera possible d'être simple prédatrice, là où les lèvres entrouvertes, j'hésite, tente un autre sourire, de conserver l'attention du médecin, de l'homme pour qui j'enfile une fois de plus, la peau de ce Mathias qui n'existe pas, de cet être désœuvré, cet héritier égaré, entouré, enterré par sa propre fortune, par ces vices que certains aimeraient posséder, savoir être le plus laid aspect de leur quotidien, de cette vie qu'ils mènent à lutter, à l'attendre, cette fin qui arrive trop vite.

« C'est trop tôt. »

Je tente de ronronner, de rendre ce souffle incertain presque sensuel, en vain, tandis que j'essaye, une fois de plus, de paraître grand, puissant, de feindre cette assurance qui n'est que mensonge, illusion à laquelle personne ne croit, que tout le monde prétend ne point voir afin de n'avoir à ramasser les morceaux, les fragments de celui que j'étais, que je devrais être, pour n'avoir à prendre la peine de s'occuper de moi, de faire de moi, ce poids en leur existence, cette ancre les emportant au fin fond de la gueule de ce désespoir auquel je voue un culte qui n'a rien de sain, contre lequel, je me love et me fais faible, dévoué croyant l'aimant, cette souffrance qui me transperce les reins en cet instant, cette douleur qui me fait regretter d'être si humain, de contre Abraham, chercher ce que je ne pourrais jamais obtenir, jamais connaître, ces choses que je laisse à ceux qui veulent être sauvés, à ceux qui mériteraient réellement cette bonté que je sens irradier de son regard, de cette peau au contact de laquelle, j'ai tant peur d'imploser.

« Je... Enfin, vous n'avez pas encore réussi à me faire me déshabiller, vous imaginer bien que ma chambre, c'est un peu l'ultime Graal, non ? »

Tu la détesterais, je le sais, si tu la voyais. Dégoûté tu me jetterais au sol comme le font ces hommes qui en ont assez des caprices de leurs maîtresses, de ces concubines qu'ils entretiennent le temps que durent les amourettes nées des passions futiles, dont ils se lassent, quand le sexe cesse d'avoir le goût de l'interdit, de l'impie, quand entre leurs cuisses, ils ne trouvent plus que la routine, que cette culpabilité que nous aimons tous noyer dans des distractions plus terrestres. Écœuré, tu cesserais enfin de venir, de t'entêter à être si vertueux à mes côtés, à te faire saint, en présence du pécheur que je suis, de cet inutile à qui tu n'adresserais pas un regard si tu n'étais pas médecin, si ce serment ne t'obligeait pas à me trouver digne de toi, de tes dons, de cette patience que les anges t'envient sûrement.

Alors que je détourne le regard, je parviens enfin à lâcher sa main, à laisser entre sa paume, mes doigts glisser, feindre, imiter, cette caresse qui est invitation à me suivre, à se glisser dans mes pas, dans cet ombre qui peine à exister, tandis que je lui échappe, me fraie sans lui un chemin au sein du salon pour en atteindre cette alcôve habilement dissimulée, ce coin qui n'est fait que d'immenses fenêtres, de rideaux colorés, de piles de livres faussement empilés à la hâte, d'un tas de coussins au milieu desquels se couche Ulna, dont sa silhouette s'esquisse dans les plis de ceux-ci, m'arrachant de ce fait, un sourire, puis un léger rire.

« Je suis désolé. »

Vers moi, la louve lève son museau abîmé, secouant légèrement ses oreilles avant de pousser un léger couinement, un son que je n'essaye point de dissimuler cette fois-ci, que je laisse se muer en un grognement affectueux quand, après une grimace douloureuse, je parviens à m'accroupir, à trouver place à ses côtés au milieu de cette pile confortable d'oreillers et de traversins dont il émerge une douce odeur d'écorce d'orange, de cannelle, un parfum exquis fait de l'essence même d'une nostalgie qui peine à m'étreindre, à dans son pelage invisible aux yeux de l'humain, glisser mes doigts, y faire courir cette main qui épouse parfaitement la courbe de son échine, de son ventre que je me permets de grattouiller affectueusement.

« J'ai conscience d'être difficile comme patient. »

Mais je le suis parce que c'est nécessaire, parce que j'ai besoin de me persuader qu'il est trop tard pour me sauver, que je n'ai point le droit d'espérer, de recommencer à rêver. Parce qu'il me faut me protéger de cette déception que je sais inévitable, fatalité qui un jour, terminera de clouer ce qu'il peut bien rester de mon cœur, de ce Mathias qui n'a jamais été qu'un fantasme, un être auquel je rêvais par besoin de me convaincre que je pouvais y échapper, à cette descente aux enfers qui dure depuis trop longtemps.

Du coin de l'oeil, je l'invite à me rejoindre, à venir à mes côtés, se dissimuler en cet endroit que j'aimerais savoir coupé du reste u monde, de la réalité, que j'aimerais arracher au temps, pour en faire un refuse, l'unique lieu où il me serait possible d'exposer ces plaies dont j'ai honte, ces blessures que je masque sous bien des mirages, sous les plis de ses vêtements devenus trop grands avec le temps ; laissant un ange passer avant de parvenir à nouveau d'entrouvrir les lèvres, du bout de mes doigts, retrousser mes manches, dévoiler mes poignets recouverts de bandes crasseuses, imbibées d'un sang désormais noir, de compresses humidifiées par la sueur, les larmes, le souffle chaud d'Ulna.

« Ca ne cicatrise pas. » finis-je par souffler, tel un enfant regrettant de s'être blessé, d'avoir aventureux, malgré les avertissements de ses parents. « Je n'ose pas regarder. »

Parce que je sais comme elles sont laides, ces scarifications que je sais pleines de ces croûtes suintantes, prêtes à vomir une mélasse puante, une hémoglobine de laquelle il en pourrait émerger que des abominations, d'incontrôlables démons.

« Peut-on commencer avec ça ? »

J'esquisse un bien faible sourire là où la louve s'approche un peu plus, curieuse, laissant traîner sa truffe déchirée sur la peau du docteur.

« Et la prochaine fois, promis, je vous dévoile tout. »

Je serais sage, je serais bon, je serais ce qu'il faut que je sois pour te plaire, pour m'assurer que tu restes, que tu me pardonnes à chaque fois, que tu vois le beau en moi.
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Lun 10 Jan - 19:52
Did someone call a doctor?
C'est un naufragé qui se tient face à moi. Et par naufragé, je l'entends dans les deux sens du terme : il ressemble à quelqu'un qui a traversé une tempête, balancé par les flots, chamboulé et chaviré par des vagues violentes et des rouleaux assassins qui l'ont lessivé, battu, épuisé, avant de le recracher, presque sans vie sur une plage abandonnée. Un marin maladroit ou malchanceux qui s'est retrouvé jeté par dessus bord et avec qui l'océan s'est amusé un long moment avant de le rejeter du revers de la main comme un enfant qui se lasse d'un jouet. Mais il a aussi l'air d'être un naufragé de la vie, quelqu'un qui aurait subi le même traitement mais non pas par des flots furieux et des embruns déchaînés mais par le destin et les astres. Qu'une série d'événements, de choix ou de non choix l'aient poussé, tiré, brisé, battu, en aient fait une marionnette et à la fois un sac de boxe, le laissant trop faible moralement pour survivre, et avoir au moins le courage de mettre un pied devant l'autre, ou la force de continuer, même un peu. Des puissances incompréhensibles qui s'en seraient prises à lui, sans raison particulière, jalouses de sa fortune, son pouvoir et sa beauté, telles des amantes jalouses et délaissées qui auraient trouvé une façon particulièrement vicieuse de se venger et lui faire payer sa trop bonne fortune.

Le fait est qu'il est là, tel un morceau de bois flotté rejeté par la marée, des caisses éventrées d'une embarcation perdues lors d'un naufrage et qui attend les pillards, soir après soir et ivresse après ivresse. Pourtant il a tout, ou du moins le semble-t-il... Est-ce la guerre? Si oui, est-ce uniquement cette guerre ou bien autre chose? Qu'a-t-il bien pu vivre et subir pour que tout ce qui lui a été donné ne suffise pas à lui faire prendre conscience d'un bonheur possible? D'une joie potentielle? Peut-être un jour me fera-t-il assez confiance, m'appréciera-t-il assez pour s'ouvrir à moi, et partager ce qu'il a vécu? Me permettre de plonger un peu dans les océans dans lesquels il s'est baigné? Goûter un peu du sel dans lequel il a trempé ses lèvres, partagé les vagues qui l'ont tant brisé et avoir les cheveux ébouriffés par les mêmes vents? Et qu'en tant que médecin avant tout, sans même réfléchir à la mission du Club, je ne peux le laisser dans cet état. Surtout après avoir découvert l'état de ses poignets, signe qu'en plus de mener un train de vie qui est dangereux pour lui, il en vient à se blesser lui-même. Cela, je ne peux le tolérer.

C'est pour ça que je tente de le faire se lever afin de l'emmener dans sa chambre. Quelque chose en moi, une impulsion, un instinct peut-être, me souffle, me hurle même que si je n'interviens pas maintenant, que si je ne tends pas la main pour le saisir tout de suite, il risque de déraper, de flancher, et que bientôt je ne pourrais plus rien faire pour lui. Que le ressac risque de le reprendre et l'entraîner au large, dans les hauts fonds, et cela définitivement. Je dois être la main qui le tire de l'eau, la corde ou la bouée qu'on jette au naufragé... Il faut que je sois là et que j'intervienne. Sauf que le patient est rétif, semblant sortir un peu de sa torpeur avant de tenter de refaire de l'humour qui cette fois ne fait pas mouche. Au contraire, je réprime un soupir en secouant la tête.

Alors allons dans une autre chambre, ce n'est clairement pas ce qui manque ici. Mais pour l'amour du ciel vous n'allez pas rester dans cet état-là, il faut que je m'occupe de vous. Allez, venez... vous avez besoin de soins. Vous vous mettez en danger à vous promener ainsi avec des plaies dans cet état et vous n'avez clairement pas dormi depuis... longtemps. Donc rassurez-vous, j'ai vu mon lot d'hommes nus à la Guerre, et j'ai une parfaite connaissance de leur anatomie, que ce soit à l'intérieur comme à l'extérieur. Rien de ce que vous êtes constitué ne va me choquer ou m'étonner donc montons. Je veux simplement vous faire dormir un peu et manger... Vous êtes... épuisé.

Pourtant tel mon neveu, le fils de ma soeur Gerda le voilà qui tente de me glisser entre les mains pour ne pas aller dormir, parlementer et chercher des excuses. Par tous les saints qu'est-ce qu'il peut être épuisant! Et en même temps je sais très bien que tout ceci n'est qu'un jeu, un numéro, un nouveau rôle qu'il joue pour ne pas se monter et se dévoiler, préférant jouer la carte de l'humour plutôt que d'arrêter de jouer tout court et de me laisser, enfin, l'aider. Moi qui semble être une des seules personnes à vraiment m'inquiéter pour lui et à vraiment vouloir son bien. Et je me sens aussi terriblement impuissant, à rester à l'extérieur de lui, à ne pas savoir quoi dire ou faire pour qu'il baisse le masque, et qu'il me laisse entrer, même un peu. Qu'il ouvre la porte pour que je puisse vraiment le connaître, totalement, et à partir de là, savoir par où commencer, et quoi faire.

Une invitation suit, un jeu, une lascivité, et je sens son regard changer, se faire aguicheur mais comme... un rôle qu'il joue, et pas une vraie envie qui se serait allumée dans ses prunelles. Une autre ruse? Une autre façon de me faire céder? D'obtenir quelque chose de moi? A moins qu'il ne me voie maintenant que comme un passe temps, ou qu'en usant de ses charmes je changerais d'avis et abandonnerais mon projet? Hors de question... et j'avoue repousse lentement sa caresse en secouant la tête.

Ca ne m'intéresse pas Mathias, et ce n'est pas de ça dont vous avez besoin maintenant...

Il fuit encore, spectre, esprit de l'ombre, pour s'approcher d'un tas de coussins dans l'alcôve d'une des immenses fenêtres baignant le salon de lumière, avant de s'y installer et je sursaute, lançant un coup d'oeil autour de moi. Il y a eu un bruit étrange, comme un couinement... puis un grognement... A moins que ce ne soit sa hyène qui se promène dans les parages et qui s'est endormie derrière un fauteuil ou un rideau... Mon regard se pose à nouveau sur lui et je fronce les sourcils sans vraiment comprendre ce qui se passe... sa main s'élève puis se pose...dans le vide, et commence à faire le geste de caresser quelque chose. Bon sang c'est pire que ce à quoi je m'attendais... Voir-il des choses? Est-ce une hallucination ou alors est-il dans une sorte de transe due au manque de nourriture? De sommeil? Je réprime un frisson alors que je m'approche, l'observant lui, qui a un grand sourire aux lèvres, en caressant un animal imaginaire.

Vous n'êtes pas le pire que j'ai traité mais vous êtes le plus difficile d'accès... Et par là je ne parle pas de venir chez vous...

Il me fait signe de venir encore plus près et j'obéis. Peut-être qu'entrer dans son jeu sera une clé pour me faire accepter? Pour qu'il se livre? Pour le mettre en confiance? Alors je m'accroupis près de lui et m'efforce de ne laisser rien paraître quand il me montre ses bandages crasseux. Et c'est comme un enfant qu'il s'adresse à moi, penaud et timide, baissant les yeux en avouant sa faute. Chaque seconde il semble dévoiler un autre visage et il est aussi insaisissable qu'un rêve au lever du soleil, lorsqu'on est tiré du sommeil et qu'on se débat pourtant avec les bribes et les lambeaux du songe qu'on vient de faire. Un fantasme... Alors j'avance doucement la main et la glisse sous son poignet, le soulevant doucement.

Je vais m'en occuper. On va monter nettoyer ça, et je vais vous soigner. Ne vous en faites pas... je suis médecin après tout, non? Et j'ai vu des choses bien, bien pires je vous le promets. Il faut juste me faire confiance et vous assure que je suis là pour vous... pour vous aider. Je suis votre ami Mathias... On va commencer avec ça et ensuite on ira vous mettre au lit, dans n'importe quel lit, pour que vous puissiez dormir... vous en avez bien besoin...

Je lui souris, sincèrement convaincu par mes paroles et mes intentions. Sauf que quand je m'apprête à me relever et l'emmener avec moi, je sens quelque chose frôler mon avant-bras, comme quelque chose de frais et d'humide, ainsi qu'un souffle chaud. Alors qu'il n'y a rien, strictement rien. Par réflexe je me remets debout et regarde nerveusement autour de moi.

Mais je... par saint Christophe c'était quoi ça?

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Mar 8 Fév - 20:27
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Je n'ai besoin de glisser un regard à Ulna pour percevoir ce plaisir qu'elle tire de tourmenter le médecin, de se jouer des sens et croyances de l'humain, de ce pauvre homme sur lequel elle pose ses orbites vides, à qui elle accorde une attention qu'elle refuse à bien d'autres qu'elle préfère mépriser, toiser, enveloppée dans les affres de ce sort qui lui permet, tout comme le reste de la meute, de se fondre dans l'immatériel, de n'être visible qu'aux yeux de ceux étant capable de les chercher, désireux de les trouver, de rencontrer leurs babines mutilées, leurs crocs luisants d'une salive puant la souffrance et l'angoisse, leurs corps toujours plus abîmés par mes propres sanglots, par ces démons qui poissent mon sang et ma psyché, ces maux que je collectionne parce qu'au fond, je dois l'aimer ma condition d'épave, de simple naufragé attendant la fin, priant pour un mort violente mais immédiate, pour ce droit à enfin voir s'éteindre, ces douleurs contre lesquelles il n'existe pas la moindre panacée, pas un remède capable de les dompter, de les dresser, mais uniquement des vices capables de les occulter, d'un instant, n'en faire que de mauvais souvenirs, de vieux amis que l'on ne regrette qu'un temps, d'anciens amants dont on n'aurait jamais dû tomber amoureux. A mes côtés, allongée dans le tas de coussins, je sens la louve s'impatienter, presque en vouloir à Abraham de n'être capable de percer cette illusion les séparant, ce voile de magie qui lui interdit de contempler la laideur de celle dont je viens flatter l'échine d'une main, sentir la pointe des vertèbres se presser contre ma paume, doucement, lentement, réciter le caractère de cette gardienne dont je ne me sépare que très rarement, de celle qui fut là tant de fois quand je n'étais qu'un enfant, qui entre mon père et moi, se fit cette mère sauvage et furieuse, cette aînée prête à rentrer en guerre contre mon géniteur, contre cet homme qui voulait me faire à l'image de ce fils qu'il n'aurait jamais, de cet héritier parfait capable d'endosser les travers et autres malédictions accumulés par deux lignées craignant de s'éteindre, qui fièrement, s'oublierait, s'abîmerait dans des devoirs imposés par ses ancêtres, par ceux dont aujourd'hui, il ne reste que de la poussière, que des restes avalés par la terre, des noms parfois inscrits au sein d'ouvrages rongés par les années, par l'humidité, par les outrages du temps qui passe. Mes doigts enfoncés dans la fourrure hirsute, un peu sale, par endroit collée par des fluides plus ou moins nobles, c'est d'un sourire que j'apprécie la candeur du docteur, de cet homme de science dont je fuis le regard le temps d'hésiter, de percevoir sur mes phalanges, les effluves de mon propre pouvoir, de cette magie qui donne corps à celle qui continue de le contempler, qui vers lui, tend son museau pour mieux le renifler, trouver en lui une raison de le détester, de l'écarter de ma personne, de lui en vouloir d'être là, à percevoir cette faiblesse qu'elle aimerait dévorer à même mes entrailles pour m'en protéger, pour me sauver de cette décadence qu'elle déteste en silence.

« Vous devez en avoir une idée non ? »

Ce n'est plus vraiment un secret pour personne, à vrai dire. Ceux qui viennent ici le savent, et les grands de ce monde aussi, que d'humain, je n'ai que cette peau que je porte bien mal, ce corps que je détruis parce que je me refuse à blesser autrui, parce que dans mon malheur, j'ai la décence de vouloir être le seul à souffrir.

« Tout le monde fait semblant, prétend ne savoir, joue à l'ignorant, parce qu'au fond, c'est plus simple... Ca évite de se poser des questions, de me voir autrement que comme cet hôte qui vit seul dans une maison bien trop grande pour lui, que comme cet excentrique qui ne vit que pour l'ivresse et l'amnésie qui vient après. »

Je me souviens quand il est venu, l'envoyé du grand Seigneur, le Baron et son armée de vampires désireux de me voir ramper dans ma propre fange, supplier, quémander la miséricorde de celui qui n'a eu pour moi qu'un regard plein de pitié, un si peiné qu'un instant, j'ai cru me trouver à genoux devant ce père qui détesterait me voir n'être qu'ombre du Mathias que je fus, devant l'idée même de ce parent qui voudrait me ramasser, dans ses bras me prendre et me bercer, me consoler, jusqu'à ce que meurt en moi, ces choses que je ne parviens à tuer, que je tente de noyer dans les excès, dans la violence de mes passions, de mes obsessions.

« Pauvre enfant. » avait-il simplement murmuré avant de tourner les talons, de sceller mon sort, de voir ô combien je n'étais plus un danger pour personne.


« Quelqu'un à dû vous le souffler, d'une manière ou d'une autre, vous conter que je possède l'une de ces tares que les vampires aiment réguler, contenir si possible. »

Le temps d'un battement de cils, je le déteste ce sang qui est mien, ce don qui permet à Ulna d'exister, à la louve de se mouvoir, d'entre les nombreux coussins, se redresser, se relever pour d'un grognement, la détester cette émotion qui s'empare de mon être, de mon cœur, ce dégoût pour lequel elle montre les crocs, se fait encore plus laide alors que de mes doigts, je viens défaire les bandages sales qui entourent mes poignets, lentement, dévoiler la laideur de ces plaies qui peinent à cicatriser, de ses longues estafilades recouvertes de croûtes qui sèchent péniblement, se font étrange gelée accrochée à ma peau trop blanche, caillots disgracieux que je viens gratter de mes ongles, chasser pour permettre à ce sang vicié, épaissie par cette vie que je laisse filer, que je gâche à m'abîmer, de s'échapper, sous la forme de longues traînées noirâtres, de larmes d'encres qui dans l'air, sème les effluves âcres d'une magie obscure, d'un don qui ne devrait appartenir à la moindre créature de cette terre, les arômes angoissants d'un sort qui se disperse pour ne laisser sur la langue, que des arômes semblables à ceux que l'on peut récolter lorsque l'on vient lécher un galet qui a passé des années à subir la colère, la furie naturelle d'un torrent, d'une rivière agitée par les pluies abondantes.

« C'est l'un de mes familiers qui... »

Laissant ma phrase en suspens, ne sachant pas vraiment comment présenter Ulna, je préfère la laisser lui apparaître progressivement, alors que le long de sa silhouette, glisse ce voile qui la protégeait du regard d'autrui, de ces mortels que je préfère préserver de l'aspect dantesque de la meute, de ces bêtes qui pourraient être celles accompagnant la chevauchée folle de ces cavaliers que l'on dit prêt à répandre pestes et cataclysmes pour punir les vivants, les infidèles et autres croyants qui ont fait semblants. Sous ses yeux, elle se dévoile fièrement, cette louve au poitrail gonflé par la certitude d'être l'immortelle, l'engeance presque divine d'une magie qui pourrait broyer entre ses griffes cet homme qu'elle dévisage, à qui elle offre ses orbites complètement vides, ses crocs dévoilées par l'absence de chair pour les recouvrir, de muqueuses qui semblent peiner à rester sur l'os de son crâne, de sa mâchoire, cette fausse figure maternelle qui ose battre de la queue pour lui, feindre un engouement que je sais n'être que l'expression d'une pulsion animale, d'un désir de le voir fuir, reculer, pester, invoquer les protection de bien des dieux, de divinités qui ne prendront jamais la peine de descendre sur cette terre, d'en avoir quelque chose à faire de leurs fidèles.

« Elle ne fera rien. » me sens-je obligé d'ajouter, non sans venir flatter le flanc de la bête du plat de la main, appréciant la manière dont sa cage thoracique se soulève au fil des inspirations, cette tension que je perçois sous sa peau bien fine, sous cette fourrure qui ne dégage qu'une tiédeur inquiétante, un déficit de chaleur que je suis le seul à trouver réconfortant, étrangement plaisant. « Tout va bien. » J'esquisse un sourire, un pâle rictus qui disparaît bien vite. « Pour l'instant vous êtes le bienvenu à ses yeux. Elle se méfie mais... » J'hausse une épaule. « C'est normal. Elle se méfie de tout le monde. »

Elle veille parce qu'elle sait que personne ne le fera à sa place, que le reste de la meute ne songe qu'aux massacres, qu'à la vengeance, qu'à faire couler le sang dans l'espoir de faire payer à ceux qui m'ont fracassés, qui sont la raison pour laquelle aujourd'hui, je ne suis que fragment d'être humain à la dérive, idée, concept d'homme qui attend que l'on vienne le faucher, l'arracher à cette réalité qui ne cesse de se mêler aux cauchemars, aux songes gouvernés, dirigés par les angoisses et autres terreurs nés de traumatismes, de blessures à l'âme vouées à se gangrener, à pourrir, à déverser en ma chair, ce poison qui me paralyse, m'empêche de me pardonner, de voir en mon reflet, autre chose que ce raté voué à ne laisser derrière-lui que la médiocrité de sa décadence.

Nos regards se croisent et un instant, je crains son rejet, puis l'espère, l'attends, me demande si il sera autant un homme que les précédent, aussi faible et prévisible que l'était père ce jour-là, quand aux lueurs du petit matin, il les a vu s'incarner autour de moi, se faire nuée de crocs prêts à le tuer, à l'emporter, à le châtier d'oser vouloir scarifier cet enfant que j'étais, cet aîné qui n'était encore prêt à devenir la fierté de la famille, qui aurait eu besoin d'un père auprès duquel se réfugier et non d'un mentor déterminé à endurcir son corps et son cœur. Une seconde, je prie pour qu'il soit décevant comme bien d'autres avant lui, qu'en moi, il ne voit plus que ce monstre au sang aussi visqueux que du goudron, ce faux-démon capable d'invoquer en ce monde, les chimères et autres infâmes créations que l'on dit venir le jour du jugement dernier.

Tout serait plus simple si tu étais comme eux, Abraham. Si tu fuyais, me laissais à tout cela, me mentais en disant que tout ne va pas si mal, que je peux me passer de soins que tu devrais, de toute manière, réserver à d'autres. Tout serait si beau, si tu te détournais de moi, voyais enfin comme je ne suis point digne de ta bonté.

Il me semble entrouvrir les lèvres, tenter de formuler un concept qui ne fait même pas sens en ma psyché, une idée que je ravale, tue d'un battement de cils, de cette manière que j'ai de détourner le regard, de me réfugier dans le pelage d'Ulna, qui, percevant ma détresse, vient se lover contre moi, glisser sa tête sous mon menton afin de souffler contre ma peau, cet amour terriblement loyal, cette fidélité si intense, si vraie que j'en ai le vertige, qu'à mes lèvres, je sens poindre le début d'un autre sanglot, les restes de ce chagrin tout droit venu de mon enfance, de ce temps où contre elle, je cherchais la chaleur d'une mère.
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Did Someone Call A Doctor?  - Mathias & Bram Empty Re: Did Someone Call A Doctor? - Mathias & Bram

Sam 26 Fév - 20:27
Did someone call a doctor?
Plus encore qu'avec un enfant apeuré ou capricieux, je me retrouve à devoir user des trésors d'ingéniosité afin de persuader notre cher Mathias ici présent de simplement se laisser faire, de me laisser faire, pour que je le soigne. Qu'est-ce qui est si compliqué dans le fait de juste me laisser ôter les bandages crasseux qui enserrent ses poignets abimés, les désinfecter et en mettre d'autres, propres et sains? Qu'est-ce qui est si dur dans le fait de dormir? Ou est-ce que la lutte est si importante pour ce qu'elle représente : l'abandon? Lâcher prise? Faire confiance à quelqu'un d'autre que soi? Est-ce que ce serait ça la clé de tout? Sa peur de ne plus être maître de lui-même, de devoir compter sur quelqu'un d'autre que lui? Mais dans ce cas pourquoi s'enivrer, pourquoi prendre de telles quantités de substances? A chaque fois que je pense avoir une piste, un léger indice, tel un feu follet dans l'obscurité, minuscule point lumineux qui constituerait enfin le bout du tunnel, la fin du labyrinthe, je me rends compte que ce n'était qu'une illusion. Il est un palais des glaces, cette attraction de fête foraine où l'on prend plaisir à se perdre, et en même temps c'est comme si son plus grand ennemi, c'était son reflet.

Et après avoir assez parlementé, après l'avoir vu tout essayer pour me faire fuir, ou au moins me faire abandonner mes plans j'en ai assez et je me lève, m'approchant de lui pour le forcer à se lever et à me suivre. Vu sa minceur, proche de la maigreur, et mon entraînement régulier depuis plus de vingt ans, je ne devrais pas avoir de mal à le soulever ou au moins le soutenir jusqu'à l'étage, dans le premier lit disponible, qu'il soit le sien ou pas. Sauf qu'au moment de le saisir je sens quelque chose de frais et humide contre mon avant-bras, ainsi qu'un souffle chaud, ce qui me fait sursauter et reculer mon bras, laissant échapper un juron. Puis, à ma grande surprise, je vois sa main à lui doucement s'avancer et se glisser dans le vide, dans un geste qui rappelle une caresse...sur rien. Son geste a l'air mécanique et habituel, pas du tout préparé et je ne sais si ça doit encore plus m'inquiéter ou non... Est-ce un nouveau tour? Veut-il se faire passer pour fou? Veut-il me faire passer pour fou? A quel jeu est-il en train de jouer, dans ce moment grave?

Pendant de longues secondes rien ne se passe, à part ce geste si banal s'il n'était pas fait dans l'air, et je ne sais vraiment pas comment réagir, avant qu'il ne réponde de sa voix fatiguée, ayant abandonné la séduction, voyant qu'elle ne marchait pas.

Je... je dois avouer que là, tout de suite, je n'en ai pas la moindre idée. Eclairez-moi Mathias.

Il parle d'une tare, d'un secret connu de tous, mais je ne vois pas de quoi il parle, précisément : son homosexualité? S'il y a bien un endroit du monde où tout le monde s'en fiche, c'est bien Berlin. Le fait qu'il soit sorcier? Peut-être, mais pourquoi en parler avec une telle gravité dans la voix? Puis sous mon regard ahuri quelque chose se matérialise,et là où il n'y avait rien se trouve une créature de cauchemar, vaguement canine, comme faite d'os divers qu'on aurait réassmblés, recouverts d'une fourrure en lambeaux et suintante.

Bon sang mais qu'est-ce que c'est que cette chose?

Et c'est cette chose qu'il caresse? Cette chose qui agit comme un chien, se pressant contre sa main et qui bat de la queue? Et je fais le lien avec ses bandages qu'il vient enfin d'enlever, dévoilant des croutes nauséabondes à l'aspect peu engageant. Pour l'amour du ciel il lui fait de la pénicilline, il lui faut une suture il lui faut... il lui faut quelqu'un qui s'occupe de lui, avant tout. Quelqu'un qui lui donnerait une raison suffisante de ne pas se laisser mourir, tout simplement. Un phare dans sa tempête intérieure, un guide... Perdu dans mes réflexions je manque de rater ce qu'il me dit, m'expliquant que la chose se trouvant devant nous est un de ses familiers.

Vous... vous avez fabriqué cette créature? Vraiment? Et je... il y en a d'autres?

Alors que je parle elle tourne la tête vers moi, comme si elle me contemplait de ses orbites vides, et voyant qu'elle ne bouge pas je m'accroupis légèrement pour la contempler, la fascination prenant le pas sur le dégoût initial qu'elle m'a inspiré.

Elle... peut voir? Elle a une forme d'intelligence? C'est... c'est tout bonnement stupéfiant... Je n'ai jamais rien vu de tel...

Prenant encore quelques secondes pour admirer cet être entièrement créé de magie, penchant la tête pour la contempler sous toutes ses coutures je laisse à nouveau échapper.

Elle a des sentiments? Je veux dire, elle a une volonté propre? Des préférences? C'est... c'est tout bonnement prodigieux. Alors je... ne dirais pas que c'est le plus beau chien que j'aie jamais vu mais... le plus extraordinaire sans doute oui... Diantre quelle fantastique création... D'ailleurs... maintenant qu'elle semble être en de bonnes dispositions envers moi, autant en profiter pour vous emmener vous coucher et vous soigner en haut. Elle pourra veiller sur vous... si elle fait ce genre de choses bien entendu. Mes connaissances sur les chiens squelettes magiques sont quelques peu limités, l'université ne proposait pas de cours à ce propos vous m'en voyez navré. Allez. Venez.

Je passe mon bras sous ses aisselles et le soulève doucement pour l'aider à marcher, le soutenant jusqu'à l'escalier que je commence à monter, sa créature derrière nous comme un chien de berger veillant sur son troupeau.

Mathias & Bram - Avril 1921
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