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Mathias De Cosset-Brissac
Mathias De Cosset-Brissac
Admin oiseau de nuit & Enfant de la magie
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Did Someone Call A Doctor?  - Mathias & Bram - Page 2 Empty Re: Did Someone Call A Doctor? - Mathias & Bram

Ven 8 Juil - 23:21
Did Someone call a doctor ?
Abraham & Mathias
Running in circles, chasing our tails
Coming back as we are
Nobody said it was easy
Oh, it's such a shame for us to part
Nobody said it was easy
No one ever said it would be so hard
I'm going back to the start

Il me faut lutter pour ne pas le chasser d'un hurlement, me mordre l'intérieure de la joue jusqu'au sang pour ne point m'extraire de l'étreinte du coussin au sein duquel je prétends me prélasser en compagnie de cette gardienne aux crocs dévoilés par des traumatismes dont je suis à l'origine, par des plaies et autres cicatrices que je n'ai jamais eu la force de panser, et me faire le parfait reflet de ce père qui n'aurait eu aucun mal à le repousser, à lui ordonner de ne plus jamais s'approcher des siens, de cette famille qu'il pense pouvoir sauver en étant cruel et fier, en prétendant avoir crucifié son cœur à la stèle de cette femme, de cette mère dont il ne reste aujourd'hui que de la poussière, des souvenirs qui peinent à s'imprimer sur la pellicule de photographies déchirées, enterrées, enfermées au sein de coffrets depuis longtemps oubliés dans un tiroir, dans une malle, dans un quelconque meuble pourrissant sûrement au grenier, dans les entrailles d'une demeure familiale dépouillée de ses héritiers, vide, pleine de l'écho de bien des remords et autres regrets que je m'interdis d'éprouver, de ressentir, que je tue, étouffe pour mieux de mes prunelles, accuser l'humain, le médecin, d'être encore là, d'insister, de persister, d'oser donner vie à cette curiosité que je parviens à trouver déplacée, à détester, que je tente de chasser d'un claquement de langue agacé, d'un soupir à peine dévoilé qui arrache à la louve lovée contre ma silhouette abîmée par la faim et les excès, par ces drogues et autres panacées qui ont rendu mes doigts tremblants, mes lèvres si pales qu'il est possible d'y contempler la dentelle veineuse l'ornant, de se perdre dans les teintes bleutées de ma chair parcourue d'éternels frissons, de spasmes et autres tremblements que rien ne calme, qui parfois, se font terribles transes, délires durant lesquels, il me semble revivre les souvenirs d'une vie qui n'a jamais existé, les terreurs et autres fantasmes d'un Mathias qui n'a jamais été, qui aurait pu exister si je n'étais ainsi fait, si des miens, j'avais hérité autre chose que ce don qui empoisonne mon sang, consume et brûle mes organes au point de créer en mon esprits, ces pensées et autres désirs contre lesquels je ne peux rien, si ce n'est supplier, sangloter, en vouloir à mes parents qui ont tant voulu d'un enfant. Mes doigts toujours enfoncés dans la fourrure d'Ulna, c'est la mâchoire verrouillée que je subis les question de mon invité, d'Abraham que je fuis désormais du regard, fais avec cette forme d'innocence que j'aimerais lui arracher pour le sauver de la laideur de mon pouvoir, de cette déception qui finir par entacher son regard, qui remplacera cet enthousiasme qui fut un jour celui de mon cadet, de ce frère dont aujourd'hui, je ne reçois bien que des lettres incendiaires, des missives pleines d'une haine que je sais mériter, de promesses de châtiments et de sévices que je sais mériter, que je n'accepterais que de lui.

Puis il est devenu mon bourreau, Abraham. Ce juge et victime qui ne me pardonnera jamais de l'avoir abandonné, d'avoir été égoïste, d'avoir osé trahir ce fantasme que nous avions bâtis un soir, en rêvant d'une autre vie, d'une existence loin de tout et surtout de ce monde, loin de obligations, de ce devoir qui n'était à nos yeux que écharde en nos flancs, un terrible roncier au sein duquel, nous n'étions que deux agneaux prisonniers. Comme lui, tu en viendras à m'en vouloir d'être ainsi, d'être faible et lâche, de tant vouloir échapper à un destin que je dois à mes aînés, à ceux qui ont pu m'élever, se risquer à m'aimer. Tout cela, tu l'oublieras, le maudiras alors que tu me souhaiteras de m'en retourner à cette abysse des griffes desquelles tu tentes tant de me sortir.

Au silence, j'offre ses questions, cette curiosité que je sais intéressé, que j'imagine être celle d'un homme ne voulant qu'obtenir de moi quelque chose que je n'ai plus à offrir, qui tente, par besoin d'être un homme bon, prétend me trouver un semblant de valeur, un intérêt que je m'évertue à enterrer sous cette grimace qui est mienne, cette moue agacée qu'il me faut abandonner quand sous mes paumes, je sens se mouvoir les muscles de ma création, se tendre l'échine de la bête qui relève la tête, tend son museau vers moi pour me souffler au visage, son haleine brûlante, ce soupir putride, fétide dont les relents se font injures et offenses, terribles reproches que je feins ignorer, prétends chasser d'un battement de cils, d'une expiration tandis que je me laisse soulever sans rechigner, sans nullement tenter de me débattre, faisant ainsi quelques pas aux côtés du médecin, sous le regard vide d'Ulna, qui dans nos pas, trottine paisiblement, prenant le temps d'humer l'air, de marquer le parquet du bout de ses griffes acérées.

« Elle est la seule que j'invoque quand... Tout va bien. » finis-je par grogner, alors que nous remontons lentement le couloir jusqu'à l'immense escalier donnant sur le hall d'entrée, passant ainsi devant bien des portes ne laissant entrevoir qu'un fragment des pièces où s'entassent bibelots et autres richesses dont je ne profite point, que je laisse aux envies et caprices de la poussière et des rares invités qui viennent parfois s'y égarer, au détour d'un soirée, entre deux coupes de champagne bien vite avalées, deux bouffées de tabac, deux vertiges dû aux narcotiques ; lieux que je n'ai le courage de contempler, que je délaisse dans mes pas et les siens, que je laisse à l'indifférence et au rien. « Les autres n'ont pas de manières. »

Ce sont des bêtes, des monstres nées de la peur d'un enfant qui voulait trop bien faire, qui cherchait à échapper à la colère de son père, à cette chose qu'il voyait grandir en son regard, de ce démon que l'on fait passer pour une émotion, de cette chose immatérielle qui parfois, me hante encore, se fait souverain de mes cauchemars, de ces songes desquels je m'éveille en priant, en suppliant, en espérant que l'on vienne me sauver de tout cela, m'achever parce que je suis trop lâche pour me tuer proprement, correctement.

« Ce sont des... » Le temps de chercher mes mots, de mettre en ordre mes pensées, je m'offre un silence, un instant de flottement tandis que nous gravissons déjà l'immense volée d'escaliers, sur les marches en marbre duquel, je manque plus d'une fois de trébucher, étant à chaque fois rattrapé par Van Helsing, dont les bras puissants se referment toujours plus autour de ma taille, de mes hanches, de ce corps tremblant dont j'ai tant honte. « C'est compliqué à expliquer, juste assez pour que ça ne fasse pas sens... Il n'est pas question d'instinct ou de nature... Ils sont une réponse. » Je marque une autre pause. « Elle est une réponse à un besoin, un manque, une frayeur. »

De la meute, elle est l'expression même d'un besoin d'être le protégé d'un aîné, d'une sœur qui aurait pu remplacer l'absence d'une mère. Au sein de la violence, de la rancœur, du chaos qui anime les autres, elle est cet amour violent qui foudroie, annihile les angoisses, cette pulsion maternelle qui ne pardonne point, qui ne tolère la faiblesse.

« Juste là. » D'un souffle, je lui désigne la porte de ma chambre, laissant cependant la louve l'ouvrir d'un coup de patte et nous précéder alors qu'elle s'y engouffre pour sur mon lit soigneusement fait, s'y jeter, s'installant au milieu des nombreux coussins brodés aux armoiries de cette famille que je dis être mienne par simple envie de renier ce sang que je partage avec mon père, cet héritage que je laisse à ce frère pour lequel je n'ai bien qu'une douloureuse pensée, auquel j'offre cette douleur qui transperce furtivement mon cœur. Le seuil franchit, je m'extrais de son étreinte, lui échappe pour tituber jusqu'à ce matelas sur lequel je m'installe en soupirant, en souriant légèrement, appréciant les caresses de la langue de mon familier sur mes phalanges, le doux ronronnement de cette radio que je laisse tourner en journée et qui, pour mon invité, crache quelques notes d'un blues délicieusement mélancolique. « Vous ne savez donc vraiment pas du coup ? »

Je pensais que ce n'était plus un secret pour personne, que les miens avaient bien pris soin de souffler à qui voudrait l'entendre que je n'étais que l'héritier raté d'une dynastie de sorciers dont il ne reste plus que des ambitions gâchées, des destins brisés, de vieux ennemis pour se moquer de leur décadence, de leur déchéance. Je pensais qu'elles te seraient venues, ces odieuses rumeurs que bien des insolents osent répéter en ce lieu.

Du coin de l'oeil, je reviens chercher sa personne, puis son regard avant de l'inviter d'un geste à me rejoindre, à venir s'installer à mes côtés au milieu des draps en soie à la couleur semblable à celles des vins les plus capiteux, à trouver place au sein de cette pièce à la décoration étrangement sobre, malgré la balancelle se trouvant non loin de la fenêtre, malgré cette armoire imposante fermée par un cadenas à la serrure évoquant un cœur.

« C'est mieux ainsi. Je n'aime pas en parler de toute manière. »

A vrai dire, c'est plus simple de prétendre, de faire semblant, d'être cet homme qui n'est rien, ce simple ancien combattant qui gâche sa jeunesse en abusant des plaisirs de la chair, qui s'oublie dans les interdits, dans les bras d'addictions qui l’affaiblissent, l'abrutissent. De renier cette nature dont je devrais être fier, cette essence qui pourrait m'ouvrir bien des portes en ce pays gouverné par des êtres qui seraient heureux de me tenir en laisse si je n'étais pas aussi faible.

« De plus, il n'y a rien à en dire, et c'est mieux ainsi. » Au coin de mes lèvres se glisse alors un sourire qui ne dure pas. « C'est étrangement réconfortant de n'être personne. De n'exister que le temps de festivités débridés avant de sombrer dans l'anonymat à nouveau. Certains tueraient pour ce privilège, Docteur. Certains donneraient tout pour n'être rien aux yeux des immortels. C'est pour cela... N'en parlons pas. Ne parlons de rien. » conclus-je avant de me mettre à doucement fredonner en rythme avec cette mélodie flottant dans l'air, en laissant mes doigts se perdre dans la fourrure de la louve, dont les orbites creusées ne cessent de contempler le respectable médecin.

Arrêtons de prétendre que quelque chose pourrait exister entre nous, que tu pourrais avoir l'envie de t'attarder en ma présence plus que nécessaire, de me porter un certain intérêt. Arrêtons de jouer à cela, d'être humains et fais de moi bien moins qu'un patient, rien de plus qu'un corps dont tu panses les plaies avant de l'envoyer à la morgue, de le rendre à la terre, à ce Dieu qui n'existe point.

« Pansez mes plaies et... » J'hausse une épaule. « Et, partez. S'il-vous-plaît. »
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Abraham Van Helsing
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Did Someone Call A Doctor?  - Mathias & Bram - Page 2 Empty Re: Did Someone Call A Doctor? - Mathias & Bram

Mar 30 Aoû - 22:02
Did someone call a doctor?
J'ai croisé peu de sorciers, ces mystérieux hommes, banals d'apparence mais qui ont en eux de la magie, une étincelle de quelque chose de supérieur et d'étrange, une parcelle d'habileté aux multiples formes qui leur permet de faire des choses extraordinaires. Hiram a le pouvoir d'amener des objets à la vie, ce qui me fascine à chaque fois qu'il m'en fait une démonstration, que sous ses doigts agiles, grâce à quelques symboles dans sa langue, les choses inanimées bougent, deviennent des aides voire des alliés et sa maison en est l'extraordinaire exemple : la cuillère tournant seule dans la tasse, le balai nettoyant le sol, la chaudière n'étant jamais à cours de bois et j'en passe. J'ai entendu, mais non pas vu cette fois, les prouesses de ma chère Faustina, avec le plus terrifiant de tous les pouvoirs : celui de jouer avec le voile entre la vie et la mort, et ramener des défunts dans le monde des vivants. Je sais qu'il en existe bien d'autres, cachant pour la plupart leur don, se mêlant à la foule, et que la palette de leur don est infinie... mais rien ne m'avait préparé à ce que j'allais rencontrer ici, avec Mathias. Son pouvoir... même si je m'étais renseigné en acceptant la mission, est sans pareil, à la fois effrayant et fascinant. Grâce à son sang il peut faire naître des choses qui n'existaient pas, créer ou assembler des choses vivantes, comme ce chien qu'il me fait apparaître et qui était juste avant invisible à mes yeux, en étant pourtant là.

Bien sûr j'avais lu que son don avait été un atout non négligeable dans notre camp, pour le bataillon des forces spéciales dans lequel il a servi, et que ce qu'il avait créé avait plusieurs fois repoussé l'ennemi, ou permis de gagner une bataille... mais c'étaient des mots vagues et un danger abstrait. Là, en observant ce qu'il semble considérer comme un animal de compagnie, je réalise avec une certaine horreur tout ce qu'il pourrait accomplir s'il décidait d'utiliser son pouvoir à mauvais escient. De telles bêtes pourraient être envoyer tuer des gens au milieu d'une foule sans que personne ne puisse savoir qui et d'où vient l'attaque. Bon sang c'est redoutable! Un léger frisson court dans ma nuque alors que je prends quelques instants pour examiner la bête en détail, restant tout de même à distance raisonnable. Une créature de cauchemar, qui pourtant se comporte comme un chien et bat de la queue... mais quel est donc ce prodige effrayant?

Pourtant je me rends compte que le temps presse, et que le plus urgent est avant tout de le soigner, plutôt que de m'intéresser à sa magie et à ses terrifiantes capacités. Alors je tranche, décidant pour lui, me drapant dans mon autorité de médecin pour exiger et faire à sa place, l'aidant à quitter le sofa pour nettoyer ses plaies purulentes, ses poignets déchirés par les trop nombreux coups de couteau. Près de moi, son mélange de linge sale et de transpiration me prend la gorge... on voit vraiment qu'il se laisse aller, quitte à se mettre en danger et c'est peut-être ça qui m'inquiète le plus... l'abandon de soi, la résignation pure et simple. Le fait de ne plus se soucier de soi même au point de se mettre en danger par négligence. Et alors que je le traine plus que je ne l'accompagne vers les escaliers, je repense à ce qu'il m'a dit sur ses créatures, alors que sa louve trotte derrière nous. Avant de m'arrêter un instant, posant un regard surpris sur lui.

Pardon? Parce qu'il... il y en a d'autres?

Je fais un signe de croix mental, ayant les mains prises, avant de secouer la tête pour chasser cette idée, reprenant notre progression dans l'escalier monumental menant à l'étage. Du genre qu'on voit dans les films, aux décors exagérés. Mais une partie de mon esprit n'arrive pas à chasser l'idée qu'il est acteur, et que cet endroit, ce manoir est un théâtre, l'écrin pour l'image qu'il a choisie de donner au monde, pour mieux cacher la réalité qui semble ne pas lui plaire. Il chancelle, et vacille, tenant à peine sur ses pieds, fantôme du jeune homme en pleine santé qu'il devrait être, de l'héritier français qui devrait profiter de la vie au lieu de la détruire dans des excès dont il ne profite même pas, feuille morte emmenée par le vent d'un destin brisé, sans rien qui ne le retienne à la vie. Et en plus de ma mission, je commence à vraiment et sincèrement avoir envie de l'aider, le sauver, lui montrer autre chose... peut-être donner un sens à ce qui n'en a plus? Tout du moins sa magie est étrange, d'après ses mots, au fonctionnement bien particulier, ce qui ne m'intrigue que davantage.

Vraiment? Une réponse? C'est à dire que vous les créez de façon inconsciente comme on sursaute quand on a peur? Ou de façon consciente?

J'essaie de le faire parler pour l'occuper, et surtout qu'il reste conscient. Au stade où nous en sommes, j'ai même peur qu'il tombe dans les pommes tant il est faible, et qu'il ne se réveille peut-être pas, surtout avec l'infection qui a l'air de le ronger. Nous arrivons enfin sur le palier, et j'ouvre la porte qu'il me désigne. Sauf qu'avant de pouvoir réagir la "bête" passe entre nos jambes et saute sur le lit déjà fait, faisant un tour sur elle même avant de s'allonger avec délice dans les draps propres. Il s'échappe, s'envole de mes bras pour finir seul les quelques mètres le séparant du lit dans lequel il se laisse retomber, venant cajoler cette étrange bête qui avec lui se comporte comme un bon chien on ne peut plus banal. Je me perds à l'observer, sa peau diaphane, presque grisâtre, mélange de privations et de fatigue, ses cheveux qui auraient besoin d'une coupe, et qui retombent sur ses yeux, humides de transpiration, son torse trop mince pour sa carrure. Perdu dans ma contemplation je mets une seconde avant de réaliser qu'il m'a parlé, et secoue légèrement la tête.

Désolé... mais je... comment ça ? Je ne comprends pas.

A sa demande j'obéis sans même réfléchir, me retrouvant près de son lit immense. Le moment est étrange, cette intimité qui m'est d'habitude si familière, pénétrer des chambres, voir des lits, visiter les pièces les plus secrètes de la maison mais il y a là une intimité, une proximité qui ne m'est pas familière et que je ne comprends pas vraiment... Cette situation, m'asseoir sur le bord du lit d'un malade, je l'ai fait des dizaines, des centaines de fois, alors pourquoi cette fois cela me semble bizarre? Déplacé? Je n'en ai aucune idée mais je m'exécute, remerciant la main quasiment invisible qui par la porte ouverte a déposé ma sacoche sur une chaise près de la porte avant de disparaître. Et c'est seulement en reportant mon attention sur Mathias que je remarque un curieux objet dans sa chambre : une... balançoire. Autant cela m'aurait semblé banal dans une chambre d'enfant, mais autant dans celle d'un homme adulte, curieusement sobre, cela me surprend... mais je lui en parlerai plus tard. Et par là même il conclut le chapitre sur sa magie, en revenant à son style de vie dissolu, ce qui me fait froncer les sourcils.

Tout Berlin vous connaît et vos fêtes sont prisées... vous êtes loin, très loin d'être anonyme Mathias... En tout cas si c'est ce que vous voulez, je ne crois pas que ce soit la bonne manière de l'obtenir... Ne croyez vous pas? Allez, nous allons vous soigner.

Je l'abandonne un instant, allant prendre ma sacoche que je dépose près de lui et du loup. Je laisse la bête renifler mes affaires, comme le ferait un chien curieux, pendant que je sors des ciseaux, qui me permettent de découpes les bandages crasseux qui tombent sur le sol. Les plaies ne sont pas belles à voir, dans cette peau trop de fois déchirée et suturée... J'hésite mais je décide que finalement les points de suture ne seront pas nécessaires. Il faudra simplement un bon nettoyage et surtout un bon entretien des blessures pour qu'elles cicatrisent enfin comme il faut. Je me perds dans ma tâche, entendant seulement le bruit lointain de la radio, et achève d'enrouler la dernière bande de gaze autour de son poignet trop fin, après avoir désinfecté et donné meilleur aspect à ses coupures. Je me redresse, rangeant mon matériel dans ma sacoche.

Pas tout de suite. Je ne partirai pas avant que vous ayez pris un bon repas. Vous ne pouvez pas guérir si vous ne prenez pas soin de vous... Une automobile dans laquelle on ne met pas d'essence ne peut pas rouler non? Eh bien c'est pareil pour vous !

Mathias & Bram - Avril 1921
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Abraham Van Helsing
“Bien qu’innocent, tu dois expier les péchés de ton père.” Horace

Mathias De Cosset-Brissac
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Did Someone Call A Doctor?  - Mathias & Bram - Page 2 Empty Re: Did Someone Call A Doctor? - Mathias & Bram

Ven 13 Jan - 17:29
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Je suis épuisé. Si las, si éreinté que je songe un instant à céder à cette pulsion enfantine, ce caprice juvénile qui me hurle de m'enfouir, m'égarer dans la fourrure, contre le corps décharné de cette bête qui se refuse à quitter mes côtés, qui à moitié allongée sur ma personne, continue de fixer de ses orbites dépourvues du moindre organe, l'homme qui insiste, persiste à vouloir prendre soin de moi, à essayer de sauver cette carcasse que je m'efforce d'abîmer, d'user le plus rapidement possible, cette carne qui pue l'alcool et le désespoir, la sueur de ses cauchemars récurrents qui se refusent à disparaître, qui parfois, se font même persistantes illusions entachant le réel, gâchant le peu de cette existence que je ne sacrifie pas aux folies, aux excès et autres démences nocturnes auxquelles je m'adonne, m'abandonne, à ces plaisirs éphémères qui ne durent jamais, qui à l'aube, disparaissent, en même temps que ses amants que j'enchaîne, que ces promesses que je fais à cet être que je fus, à ce jeune homme qui voulait simplement vivre, exister loin des obligations de sa famille, d'un père qu'il voulait rendre fier, d'un frère qu'il aurait aimé ne jamais trahir. Au milieu de mes draps froissés,  je retiens ainsi soupirs et tremblements, battant simplement des cils pour le fredonnement régulier et envoûtant de cette radio dont le chant comble ce fin silence qui entre nous tombe, se fait douce mélodie accompagnant les paroles du médecin dont je n'ose plus croiser les pupilles, préférant me murer dans mes pensées, n'exprimer qu'un discret sourire quand il évoque, presque avec candeur, cette renommée qui est mienne, cette fausse célébrité que j'entretiens par besoin d'être quelqu'un, par nécessité d'exister juste assez pour ne pas avoir à admettre que je ne suis déjà plus rien, si ce n'est un déchet qui ferait mieux de s'en aller, un poids dont on aimerait se débarrasser, un danger qui finira par imploser, une bête qu'il serait préférable de mener à l’abattoir ; cillant ainsi à peine pour cette bonté que je sens émaner de ses syllabes, pour cette chaleur qui se dégage de ses gestes, pour cette douceur qui fait presque monter bien des sanglots à mes lèvres.

Pourquoi autant insister ? Pourquoi s'acharner ? Il n'y aura pas de récompense à la clé, tu sais, pas d'ange qui viendra te féliciter, te remercier d'être ce saint parmi les damnés. Pas de Dieu qui descendra des cieux pour bénir ton front, pour te promettre une éternité sereine à ses côtés, une chance d'être fait immortel dans la mémoire des mortels. Personne ne sera là pour te féliciter, pour t'aider à faire le deuil de ce temps que tu auras perdu à te mettre au service des autres, à vouloir sauver ceux qui, comme moi, ne sont bons qu'à être détestés, méprisés. Pourquoi prétendre que j'ai à tes yeux la moindre importance, que je suis différent de ces anonymes qui ne font qu'effleurer, décorer ton existence ? Pourquoi oser me mentir ? Pourquoi vouloir à ce point me décevoir?

Les lèvres pincées, je me retiens ainsi de lui répondre, d'essayer de le contrarier, d'entamer avec lui une discussion que je n'ai pas réellement envie d'engager, le laissant ainsi se faire simple médecin en ma chambre, lui offrant mes poignets sans résister, sans un instant songer à lutter, fermant simplement les yeux pour n'avoir à contempler la laideur de mes plaies, ne respirant qu'à moitié pour n'avoir à subir l'odeur du sang qui a depuis trop longtemps séché, de la chair qui a eu le temps de s'humidifier, de macérer, de cette magie qui s'échappe, s'étiole dans l'air, semant dans son passage, les prémices de possibles que je ne cherche point à rattraper, que je laisse calmement crever ; essayant d'occulter la réalité, me réfugiant une fois de plus dans l'éther de mes pensées, dans les impressions et autres frémissements qui, par moments, secouent mon être, se font séismes à la surface de mon derme, de mes nerfs, collections de sensations que j'essaye de décortiquer, de m'approprier tandis que sur ma poitrine, je sens se poser le crâne d'Ulna, qu'en mes veines, vient se distiller cette mélancolie dont je me drape volontiers, me noie par facilité.

L'eau est fraîche, presque glacée sur les bords de mes plaies. Elle se fait baiser exigeant, attention appartenant d'ordinaire à des parents soucieux, furieux, inquiets, déçus. Ses doigts eux, me semblent ardents, incandescents, comme capables de creuser mes os pour en extraire cette moelle gangrenée par un pouvoir instable, par cette puissance que beaucoup aimeraient tenir en laisse, pour enfin, atteindre cet homme que je ne suis plus, ce Mathias qui aurait pu être grand, qui aurait dû faire honneur à ces ancêtres, à ceux dont il ne reste aujourd'hui plus que des traces dans des ouvrages, qu'un savoir que j'entasse au sein d'une pièce que je fuis autant que possible, qu'une colère qu'il me semble parfois sentir serpenter le long de mon échine. Et son regard. Je le sais bon. Je le sais doux. Je le sais précieux. Si beau qu'il est ce joyau interdit, cet or blanc dont le Seigneur lui-même a taillé son domaine. Magnifique au moins qu'il m'est impossible de le contempler, de le croiser sans être foudroyé, frappé par la pureté de ses intentions, par cette humanité qu'il est pourtant impossible de posséder.

Contre moi, je sens la bête se lover toujours plus contre ma personne là où je me laisser porter par la tranquillité de cet instant, par la danse de ses mains autour de mes poignets, bercé par le ronronnement constant de ma création.

J'ai l'impression d'y retourner, tu sais. A cet instant que je n'ai jamais connu, à cette enfance bénie dont je n'ai aucun souvenir, à ce temps où tout était plus simple, où rien n'était important, où j'avais encore une chance.

Un soupir plus tard, je rouvre enfin les yeux, pour mieux exprimer mon agacement d'une moue, une grimace qui se mue en un grognement que je ne prends pas la peine d'étouffer alors que je me redresse, chasse quelque peu la louve qui revient s'installer à mes côtés sans broncher.

« Je mange. » Ne lui laissant la possibilité de me contredire, je reprends. « Quand j'ai faim. Et quand j'ai envie. Mais je mange. Je n'en ai pas l'air, mais je suis au courant que c'est un principe vital pour tous les êtres... Plus ou moins vivants. » Je fais claquer ma langue contre mes dents. « Enfin. Nous nous comprenons. Je mangerais plus tard. Quand je me serais reposé. Quand j'aurais moins envie de rendre mon estomac. » J'ose soupirer. « Là j'ai besoin... D'être un peu seul. J'ai besoin de me reposer. » A cet instant, Ulna se dresse, se fait grande sur mon lit avant de sauter à terre, de venir se planter devant le médecin dont elle attrape, délicatement et du bout des crocs, le bas de son pantalon, tirant légèrement dessus pour l'inviter à se lever, lui faisant ensuite comprendre d'un claquement de mâchoire qu'il n'est pas envisageable pour lui de lui désobéir. « Ulna va vous raccompagner. » conclus-je, me désintéressant déjà de lui alors que je me glisse entre les différents oreillers encombrant mon lit, m'enroule dans une couverture fraîchement lavée, encore parfumée par l'odeur puissante d'une lessive qui sature mes sens, parvient à masquer l'odeur du sang récemment mouillé, à faire taire le blizzard de mes pensées, à tuer ces angoisses qui pourraient m'empêcher de lentement sombrer dans ce sommeil que j'espère être préservé des cauchemars et autres souvenirs persistants d'une guerre qui a depuis longtemps cessé, d'un conflit dont il ne reste aujourd'hui que des êtres brisés, des familles endeuillées, des tombes érigées dans la précipitation.



« Il est temps de payer le prix de ta tranquillité, Mathias. »

Le ruban enroulé autour de mes phalanges, je déglutis difficilement alors qu'assis à même le sol de cette pièce que je réserve à l'occulte, à la gloire de cette magie qui en cet instant, en cette nuit, épaissit l'air au point de le rendre irrespirable, d'en faire cette présence qui m'enveloppe de ses serres, tente de m'arracher à ce plan de la réalité, de broyer mes os et ma chair pour mieux se nourrir de ce sang qui devient en mes veines, ce miasme, cette mélasse cherchant à percer les frontières de mon être, semble pulser au rythme d'une mélodie qu'il m'est encore impossible d'entendre, d'un chant qu'il m'est encore interdit de fredonner, qui ne cesse de m'échapper.

« Un service et tu seras libre de poursuivre ton oisive existence, libre de continuer à jouer au riche héritier qui ne sait plus comment s'occuper, comment tromper cette solitude qu'il dit aimer. Et puis, après tout, ce n'est pas comme si tu essayais encore d'être reconnu par tes pairs, par ceux qui seraient les premiers à t'enfermer, à t'enchaîner pour s'assurer que ton pouvoir, ton don, ne soit jamais un danger pour eux. »

J'inspire longuement, tente d'ignorer cette nausée qui déjà, m'envahit, se fait odieux vertige auquel je résiste là où, à mes côtés, le vampire trouve cette place que je ne lui ai point autorisé à prendre, se faire ce prédateur qui ose se pencher à mon oreille, effleurer de ses doigts glacés l'une de mes joues pour y déposer, à la surface de mon derme, le parfum terrible de cette culpabilité qui broie déjà mes viscères, se joue de mes entrailles, de ce qu'il peut bien rester de mes organes, distillant ainsi en mes chairs, cette impression d'être réellement ce traître à ma race, ce monstre se détournant des siens pour servir les démons de cette terre, ceux contre lesquels, je devrais lutter, à qui, je ne devrais point prêter la puissance de ma magie, la laideur de ce pouvoir qui ne cesse de se presser contre ces stigmates que je ne suis pas encore infligés.

Ils finiront un jour par me juger, par me punir d'avoir été lâche, d'avoir été faible comme ceux qui comme moi, jadis, ont portés en leurs veines cette malédiction qui, je l'espère, finira un jour par s'éteindre, ne plus jamais être l'héritage, la fierté même de cette famille que j'ai abandonné il y a des années de cela. Un jour, ils viendront me crucifié au sol même de ce sanctuaire érigé sur le savoir de mes ancêtres, décoré par des ouvrages prenant la poussière et aux pages gorgés de sang et d'ambitions funestes, de totems se devant d'êtres les gardiens de ce lieu, les monstres veillant à ce que je ne devienne jamais comme eux, je ne succombe pas à la tentation de sacrifier mon humanité pour de mon être, laisser émerger démons et autres cataclysmes à l'appétit dantesque, ne cherchant qu'à rougir la terre du sang des innocents, qu'à raviver le souvenir de massacres qui me hantent encore.

« N'y penses pas trop. Obéis, et tout cela sera vite oublié. »

Du bout de mes doigts tremblants, je viens me saisir de cette dague reposant à mes côtés, de cette lame que je viens durement planter dans la chair tendre de ma paume déjà scarifiée, enlaidie par des années d'entraînements, de pratiques, pour enfin libérer cette hémoglobine qui jaillit de ma plaie nouvelle en un filet impatient, un saignement fluide et continue qui vient imbiber le morceau de tissu que je tiens, ce lacet de soie qui bien vite, ne suffit plus, se fait sale et encombrant accessoire que je serre pourtant avec force, garde prisonnier de mes phalanges tandis que j'expire difficilement, la gorge obstruée, les pensées tuées par ce chaos qui vient soudainement engloutir ma psyché, transformer ma raison en un maelström d'impressions, de sensations, de désirs et autres passions que j'aimerais prétendre étrangères et que pourtant, j’accueille d'un gémissement, d'une plainte qui arrache à mon visiteur nocturne, un sourire, un rire qui déchire le bruit assourdissant de mon cœur affolé, des hurlements de mon pouvoir conquérant l'air nous entourant, devenant en cette pièce, l'empereur même d'une réalité qu'il altère, se faisant créateur tissant à partir de mon sang le squelette de cette vipère qui, sur mes genoux, commence à serpenter, de ce reptile qui ose montrer les crocs, siffler alors qu'elle se pare d'écailles, croit jusqu'à devenir basilic à l'haleine fétide, créature mythologique aux prunelles capables de foudroyer quiconque oserait les croiser. Autour de ma personne, je sens cet enfant né de ma chair se mouvoir, onduler, se faire imposante bête pour le regard de l'intrus, de celui qui ne cille point, qui entre ses mains, tient désormais un coffret au sein duquel, il enferme mon invocation, me piégeant ainsi dans l'obscurité, dans un écrin invisible, une transe pour laquelle mes yeux se révulsent, mes lèvres s'entrouvrent pour ne laisser échapper ni plaintes ou suppliques, mais cette simple respiration accidentée tandis qu'entre mes doigts, le ruban lui-même prend vie, devient serpent venant s'enrouler autour de ma gorge jusqu'à écraser ma trachée, m'obliger à payer le prix de ma docilité.

« Ca ne durera pas longtemps, ne t'en fais pas. Tu devrais survivre. » L'homme marque une pause alors qu'il s'éloigne déjà. « Enfin normalement. Je vais faire venir quelqu'un, un ami commun, il veillera sur toi. » Et sans un bruit, il disparaît, ne laissant derrière-lui que mon corps parcouru de spasmes et de tremblements, de frissons et autres sueurs glacées qui se mêlent à ce sang qui ne cesse de couler, à ces visions contre lesquelles il m'est difficile de lutter.

Il n'y a aucune odeur dans les ténèbres, juste le néant assourdissant, un silence que rien ne vient déranger, si ce n'est quelques impressions, quelques sensations. Je suis porté, loin, loin de ma demeure. Toujours prisonnier des mains de mon ravisseur. Je suis donné, confié. Puis faussement oublié. Au-delà du bois, je sens la vie, grouillante, impatiente. Je crois percevoir une forme de chaleur qu'il m'est impossible de rejoindre. Alors, frustré, je tourne en rond, je siffle, égratigne le vernis de mes écailles hérissées.

Quand le médecin arrive, accompagné au sein de mon sanctuaire par mon majordome, j'ai déjà oublié la notion même de temporalité, ne suis plus que corps immobile, impassible, simple chair pris dans les griffes de sa propre magie, âme se devant de vivre au travers de sa création, à genoux, entouré par ce sang qui forme depuis, des cercles concentriques autour de lui, d'abstraits et obscurs glyphes dont la surface mouvante se fait avertissement pour l'humain, mises en gardes dont je ne peux le prévenir, toujours prisonnier de cette forme de folie qui me ronge l'esprit.

Une voix perce enfin le silence, se fait nouvelle obsession vers laquelle je me tourne, furieux et impatient. Je m'enroule sur moi-même et attends, les yeux dardés sur la serrure qui émet enfin, un cliquetis bienvenue.

« Ne l'ouvre pas. » finis-je enfin par souffler entre deux expirations saccadés, deux inspirations laborieuses. « Ne l'ouvre pas. »

Le couvercle se soulève enfin. Et dans la lumière, se dessine ma proie. Jeune victime inconsciente, insouciante sur laquelle je n'ai besoin de bondir pour la punir, car à l'instant où nos prunelles se croisent, la voilà foudroyée sur place, cueilli par la violence même de mon courroux.

En un hurlement, je reviens alors à moi, chassant de mon cri, l'entrave qui jusque-là tentait de se frayer un chemin dans la chair tendre et pâle de ma gorge pour enfin, réussir à me recroqueviller sur moi-même et étouffer les restes de ces visions imprimés à la surface de mes rétines, pour sangloter, toujours entouré de mes sanglantes incantations.

« Je l'ai tué. » ne cesse-je de répéter, me balançant d'avant en arrière, le visage désormais poissé de ce sang qui continue d'affluer aux bords de cette plaie que je me retiens de creuser de mes ongles, que je viens saler de ces larmes que je ne me retiens pas de verser. « Je l'ai tué. Je l'ai tué. » continue-je, espérant secrètement être frappé en cet instant par Abraham, à qui je n'ose adresser un regard, de peur de lire dans le sien, cette déception qu'il aurait tout les droits d'éprouver, de trouver ce mépris que tous finissent par avoir à mon égard. « Voilà ce dont je suis capable. Voilà tout ce dont je suis capable. »
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Mar 24 Jan - 18:54
Did someone call a doctor?
Petit prince perdu, petit poucet encore prisonnier des bois profonds, magicien qui semble avoir peur de son ombre... Voilà un curieux mélange pour un curieux personnage, un être sublunaire, une merveilleuse malédiction de la nature que de l'avoir doté de ce pouvoir si effrayant et si puissant, au point que cette magie en lui, celle qui coule dans ses veines, s'enroule autour de ses poignets, glisse dans ses doigts arrive à créer des choses sans même y penser, sans même en avoir conscience. Est-ce que si un tel cadeau avait été fait à Mozart ou Schubert, auraient-ils été capables de construire des symphonies sans y penser? De noircir des portées d'un sursaut? De faire jaillir des arias un soir de mélancolie? Est-ce que Rembrandt ou encore le Caravage, avec ce pouvoir, auraient eux aussi pu produire des merveilles sur un coup de tête, ou le coup d'une impulsion? Recouvert des tables, des murs, des rideaux d'aquarelles ou de peintures à l'huile impulsives et non contrôlées? Le monde aurait pu être merveilleux si cela avait été ainsi, et si cette habileté de créer sans y penser avait pu échoir aux artistes...

Mais je m'interroge d'autant plus face à ce pouvoir aussi fascinant que terrifiant. De son sang il peut donner la vie, et plus précisément, la vie à ses créatures... et ainsi il est presque Dieu, ayant créé le monde, ou Jésus son fils, ayant répandu son sang pour laver les péchés des hommes... Est-il un nouveau Jésus, un nouveau prophète incompris venu sur Terre pour nous guider dans ces temps difficiles? Et est-il ici, à Berlin, comme Jésus en Galilée : incompris, rejeté, ou moqué à cause de son discours qui s'éloignait des carcans habituels? Peut-être que ce pouvoir est plus qu'un simple amusement à créer des jouets, ou à s'occuper de fabriquer des chiens de garde. Peut-être est-ce plus? Un autre but? L'idée vertigineuse de tout ce qu'il serait capable de créer fait courir un frisson sur mon échine alors que je m'active à doucement m'occuper de lui et à soigner ses poignets blessés. Pendant un instant même mon esprit vagabonde et je me vois Marie Madeleine lavant les pieds du Christ de ses longs cheveux, et par mes attentions permettant à quelqu'un de peut-être plus grand que nous, au destin peut-être exceptionnel de rester en vie et d'accomplir son destin.

Alors est-ce ainsi ta crucifixion? Sauf que tu te l'infliges à toi-même au lieu d'attendre Ponce Pilate? Mais pourquoi? Si tu voulais jouer les martyrs c'est en public que tu aurais dû le faire, pour qu'on voie tes plaies, qu'on sente l'odeur de fer de ton sang, et faire apparaître tes miracles aux yeux du monde... alors pourquoi? Pourquoi as-tu décidé que tu méritais d'être sur une croix faite de champagne et de cocaïne? Pourquoi? Et je me sens comme les premiers apôtres aux côtés de Jésus, assistant à ses miracles et partageant son pain, présent pour le voir accomplir le fait de donner vie à du rien, et créer ces êtres qui sont à la fois hideux d'apparence, et merveilleux par l'exploit qu'ils représentent. Je termine bientôt de le soigner et glisse l'extrémité de la bande de gaze à l'intérieur du pansement pour le sceller, avant de relever la tête et croiser son regard. Je souris à sa remarque et lui répète que je serai là pour l'aider à se remettre sur pied, à la fois en tant que médecin, mais aussi en tant qu'être humain qui compatit aux souffrances d'un autre et peut-être un peu aussi car je crois qu'il pourrait être le point de départ de grandes choses... à condition qu'il reste en vie.

Je me surprends même un peu à lui faire la morale, parce que peut être ce pouvoir est plus grand que lui, plus grand que Berlin, plus grand que tout l'humanité même. Mais je garde ça pour moi, de peur de l'effrayer avec une intensité religieuse si forte, qu'il m'interdise l'entrée de son domaine s'il me voit tomber à genoux devant lui en lui expliquant qu'il est peut-être le nouveau Prophète, voire une sorte de Dieu et qu'il doit agir pour le Salut de tous les hommes. Pourtant il sera dans mes pensées et peut-être mes prières... une chose est sûre, c'est qu'il va falloir que j'y réfléchisse, que je pense calmement et tranquillement à ce qui se passe ici, à ce pouvoir immense... et à ma façon d'agir. Par chance il n'a pas l'air d'avoir distingué mon trouble, se contentant comme un enfant pris en faute de s'expliquer maladroitement et me persuader qu'il peut tout faire tout seul... Je préfère donc en rester là et l'abandonne, raccompagné par sa créature doté à la fois de vie mais d'une forme d'intelligence, tirant mon pantalon en direction de la sortie... c'est si étrange, extraordinaire et fascinant que mon regard reste sur cette chose jusqu'à ce qu'elle fasse demi tour pour remonter sur le lit auprès de lui.

**

Je sursaute, ouvrant grand les yeux dans l'obscurité de ma chambre, dans laquelle la seule lueur provient des braises mourantes dans l'âtre, et je mets quelques instants à réaliser ce qui m'a réveillé : des coups sourds frappés à la porte. Je me redresse et lance d'une voix encore pâteuse de sommeil : "Oui?"
Jenkins ouvre, passant la tête, avec une cravate de travers et les cheveux ébouriffés, signe que lui aussi était dans les bras de Morphée.

Monsieur, le domestique de monsieur Calloway vient d'appeler, il faut que vous veniez immédiatement à son manoir. Son état est préoccupant.

Etouffant un juron je repousse les couvertures et tangue vers mon cabinet de toilette.

Préparez ma sacoche dans la voiture, je vais conduire moi-même. Et du café je vous prie. Fort.
Tout de suite monsieur.


En quelques minutes j'ai enfilé un pull et un pantalon de toile, tenue plus réservée aux promenades du dimanche qu'aux cours à l'université mais adapté à l'heure tardive ou matinale et ce qui m'attend. Je me brosse rapidement les dents, mouille mon visage et enfile blouson de cuir et bottines à lacets avant de dévaler les escaliers. Je vide ma tasse d'une traite avant de sauter au volant, et fais un signe à Jenkins que je vois refermer le portail derrière moi. Par chance les rues sont vides, prenant soin de ne pas passer par les quartiers les plus agités à cette heure, et quitte rapidement la ville, parcourant la campagne, mes phares balayant l'obscurité brumeuse, surprenant même une biche au détour d'un virage. Le portail de son domaine est ouvert, des lumières sont allumées. Je me gare dans un crissement de pneus juste devant le perron, attrape ma sacoche et laisse les clés sur le contact, cavalant à l'intérieur où on m'attend déjà. Je vois une silhouette passer dans mon dos et s'avancer vers ma voiture, alors que je suis son majordome.

Que s'est-il passé?
Vous le découvrirez vous-même monsieur. Monsieur De Cosset-Brissac est allé trop loin semble-t-il.

On descend dans les sous-sols, une cave immense, sèche et voûtée, sans doute conçue pour abriter de nombreuses réserves pour l'hiver et des tonneaux de vin. Il pousse une lourde porte et à la lueur d'une myriade de bougies, je le vois sur le sol, une silhouette obscure et presque décharnée, allongé sur le sol. Je me précipite vers lui, tombant à genoux avant de comprendre que la chose poisseuse qui colle le tissu est du sang. Son sang. Il est pâle comme un cadavre et a perdu du sang. Beaucoup trop de sang. Je m'active sur lui pour lui bander la gorge avant d'ouvrir ma sacoche d'une main. Il parle mais je suis trop concentré sur ce qu'il faut faire pour le tirer de là pour écouter et être vraiment attentif. Il faut surtout le ranimer parce qu'il est près, si près d'y passer. Trop même... et je pense qu'il doit avoir besoin d'une transfusion... Puis d'un coup, comme un automate dont on aurait fini de remonter la clé, voilà qu'il hurle, qu'il rue et se débat. J'ordonne à son majordome de venir m'aider à le tenir, le temps de lutter pour prendre une bouteille de morphine. Je lui injecte une dose de cheval dans le cou, et sens petit à petit se détendre, comme une marionnette dont on a coupé les fils, ou avec laquelle on est lassé de jouer.

Les mains gluantes je tire un tuyau que j'équipe d'une aiguille, et me fais un garrot à la hâte avant de me pencher vers lui et nous relier par ce fin morceau souple, qui fait passer de mon hémoglobine dans son corps, nous rendant ainsi frères de sang.
Mathias & Bram - Avril 1921
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Did Someone Call A Doctor?  - Mathias & Bram - Page 2 Empty Re: Did Someone Call A Doctor? - Mathias & Bram

Dim 29 Oct - 22:37
Did Someone call a doctor ?
Abraham & Mathias
Running in circles, chasing our tails
Coming back as we are
Nobody said it was easy
Oh, it's such a shame for us to part
Nobody said it was easy
No one ever said it would be so hard
I'm going back to the start

Les crocs plantées dans sa chair, le venin se fait soude, terrible substance transformant sa chair mélasse, obligeant son sang à coaguler, à devenir sirop épais et odorant qui, à la surface même de ses os, se fait nappage, tache de pétrole incapable de couler à même ce tapis sur lequel ma victime repose, inerte, les yeux tournés vers les cieux, la bouche ouverte, les doigts douloureusement crispés, la gorge tendue, prête à vomir cette trachée qui se presse contre cette peau déjà trop blanche. Dans ma bouche, danse les arômes de mon crime, le parfum d'un vice que je connais trop bien, d'un péché qui ne sera oublié au moment du jugement dernier, qui dans l'éternité, sera l'unique souvenir de mon existence, l'essence même qui définira ce qu'il restera de mon âme à ce moment-là ; le parfum d'un regret, d'un remord, d'un chagrin qui fait monter à mes lèvres cyanosées, un hurlement muet, terriblement creux, dénué de souffle, de cette humanité que j'ai cédé à l'instant où en mes veines, mon don s'est éveillé, où de mes mains, j'ai commis l'interdit au nom de ma patrie, d'un pays aux yeux duquel, je n'ai jamais été autre chose qu'un étranger, l'enfant d'une famille décadente, dévorée par d'anciennes traditions, par la peur du changement.

« Je l'ai tué. » souffle-je, dans le vide, une fois encore, inconscient d'osciller, d'errer au milieu de visions aimant se mêler au réel, à ce monde déchiré, mutilé par ce pouvoir qui ne cesse de filer d'entre mes chairs, de s'échapper de cette plaie sanglante, cette magie qui empoisse l'air au point de le rendre étouffant, suffocant, qui vient entourer la silhouette du médecin, qui à mes côtés, s'agite en vain, parlant, bougeant comme si il était important de m'arracher à ma transe, de me sauver de ce moment, comme si il était, lui, important, digne d'affronter mes démons et autres monstres qui tournoient, galopent à la surface de mes iris, sous le couvert de ma peau abîmée par le chagrin et le désespoir, par des années de colère et de remords, d'angoisses et de rancœur.

J'ai sur le palais la saveur de la chair encore tiède, du sang trop épais qui peine à glisser au fond de ma gorge, qui s'accroche, aux parois de ma bouche, colle à mes dents aiguisées par la faim, par l'ivresse d'une certitude qui m'effraie, qui le long de mes vertèbres, fait perler une transpiration glacée. A mon nez, monte les effluves d'une viande qu'il serait si bon d'engloutir, d'un met dont je devrais me gaver pour satisfaire cet appétit qui n'est pas encore mien, pour me récompenser d'avoir une fois de plus, vendu une partie de mon être au nom d'une cause qui me dépasse, d'enjeux qui m'échappent, pour faire oublier à ma fierté, d'avoir été l'outil d'un autre, le bon soldat prêt à mourir pour des idéaux, pour sauver cette peau qui devrait être celle d'un immortelle, d'un monstre impossible à abattre, d'une bête capable de faire trembler les siens, de terroriser ces mortels qui pendant trop longtemps, se pensaient dignes de gouverner cette terre. Sur mes crocs, il me semble goûter à l'extase, à la satiété, à un sentiment nouveau qui, en mes entrailles, plante ses griffes, s'y installe, à la manière d'une maladie incurable.

A tout cela, je voudrais échapper, mais paralysé, tétanisé, je ne suis bon qu'à trembler, pris de sanglots qui ne sont que grotesques convulsions, il m'est impossible de lutter, de briser cette apathie qui est la mienne, cette fausse inconscience qui fait de ma carcasse, une prion dont je ne peux me libérer, une cage au sein de laquelle, je ne peux que hurler au sein de mes pensées, terrorisé de sentir autour de moi, danser les effluves de mon pouvoir, le courroux de cette magie qui, dans la pièce, se fait éthérée présence qui darde ses prunelles, sa gueule affamée en direction du bon docteur, de celui qui à mes côtés, s'acharne à vouloir me soigner, me traiter de ce mal qui finira de toute manière par m'emporter, par de l'intérieur, me dévorer jusqu'à ce qu'il ne reste de ma personne, qu'une mue que le vent s'empressera d'emporter, de transformer en cendres et poussières que la terre finira d'avaler, d'enterrer.

Il est trop tard. Trop tard pour me sauver, pour espérer qu'il m'est encore possible d'être pardonné, de la connaître, cette rédemption auxquels ont droit tous les enfants du Seigneur. Laisse-moi.

« Non. »

Le grognement est guttural, étranger, parasite qui semble s'être installé entre mes cordes vocales et appartenir à un autre, à celui qui en mon corps, se glisse, enfile mon derme et mes nerfs, alors qu'il peine à s'incarner dans le réel, à exister dans le flou de mon pouvoir continuant de remplir le vide nous entourant, de cette magie qui essayer de vivre, de se détacher de ma conscience pour devenir cet être encore invisible et dont pourtant, il me semble deviner la silhouette, entre deux battements de cœur, deux grelottements, deux expirations douloureuses.

« Non. » dit-il à nouveau, l'étranger qui voit déjà l'aiguille percer mon derme, au creux de mon coude, trouver cette veine qui crache, sans peine, un peu plus de mon sang si fluide, dilué par la fatigue et les drogues, par ce don qui dévore plus que mon esprit, s'attaque autant à la moelle de mes os qu'à mes pensées, qu'à cette psyché que je sens glisser, s'envoler, s'effriter, disparaître dans la gueule de celui qui nous toise, de ce spectre qui, immobile, haït de ses prunelles immatérielles, l'humain essayant de mêler mon sang au sien.

« La pureté doit être protégée, sauvegardée, sauvée des mélanges, de la faiblesse. »

Son sang est presque essence, gazoline cherchant à se répandre dans mes veines, à chasser le mien pour le remplacer par ce liquide qui finira de désagréger la personne que je suis, mettra à jour la laideur de mes organes, de mes os grignotés par la décadence et les vices, par des pêchés jamais confessés à ce Créateur qui se moque bien de ce qui peut se passer au sein de son royaume, qui se rit probablement du sort des enfants qu'Il a pourtant modelé à son image. Tout contact se fait brûlure, injure, blessure, odieuse meurtrissure que je ne suis pas en état de refuser, contre lesquels je ne peux lutter, toujours prisonnier de mon corps affaiblit, des entraves que je dois à cette magie qui prend le dessus, qui fatiguée de me voir échouer, se concentre au-dessus de nous en une entité qu'il est impossible de saisir, de distinguer dans l'invisible. Et de mes lèvres, ne s'échappe ni cris, ni avertissements, mais le grondement de cette chose qui se tend déjà vers Abraham, le cœur gorgé d'un besoin de faire payer les offenses passées.

« Le métissage n'est pas toléré. »

L'aiguille en mon bras se casse alors que de mes veines, est craché ce corps étranger, ces fluides qui ne sont mien, ce sang qui au visage du médecin, vient gicler, s'y égarer tandis que du mien, naît déjà ronciers et épines qui se dressent face à lui, en ses doigts et mains, viennent se planter, trouver un peu de peau et de viande à arracher, de nerfs à déliter, d'os à exposer, grimpant le long de ses poignets jusqu'à ses bras afin de l'immobiliser, de l'obligé à contempler la naissance de cet invité qui entre nous, vient se glisser.

« Il n'est pas à toi. »

Le vois-tu?

Sous ses yeux, s'incarne alors, dans un nuage de sang, en un bruit mouillé, le début d'une musculature, des fibres humides qui se mêlent, brodent entre elles la silhouette d'un bras humanoïde se terminant pourtant par une main ressemblant à une patte griffue, d'un membre qui bien rapidement, se couvre d'une peau épaisse, d'une fourrure qui se mue d'abord en une armure, puis un simple costume chasser lui même par de sombres écailles, qui à leurs tour, disparaissent pour redevenir peau et ainsi, reprendre ce cycle qui jamais ne s'accélère et n'a pour rythme, que la respiration de cette chose qui émerge du néant.

« Il n'est pas à toi. » énonce une fois de plus la voix, qui, lassée probablement de devoir utiliser ma bouche, provient cette fois-ci de la bouche pleine de crocs qu'il est possible de discerner dans le lointain, dans les ondulations de mon pouvoir, entre le vide et le sang qui continue de nourrir l'apparition de ce bras s'approchant toujours plus du médecin.

« Le dernier de la lignée ne t'appartient pas. »

Je voudrais l'arrêter, te sauver de cette furie qui ne t'est pas destinée, de ce courroux que je nourris pour ceux qui m'ont ainsi fait, qui n'ont jamais vu en moi, que cette ultime chance de sauver un héritage voué à s'éteindre, à crever. J'aurais aimé que tu ne vois jamais cela, Abraham, que tu continues de me voir uniquement comme un raté, un enfant gâté, comme cet inconscient incapable de mesurer sa chance, un gosse qui existe uniquement au gré de ses caprices, d'envies passagères et d'excès.

Sur mes joues, je sens bien quelques larmes y couler alors qu'autour du visage de mon sauveur, se referme les griffes de l'indésirable hôte.

« Tu prendras soin de lui parce que nous t'y autoriserons. »

L'étranger peine à se trouver une forme, se fait esquisse changeante, monstre tantôt humain, tantôt abstrait qui peine à se matérialiser pour de bon, qui lui aussi, lutte pour un semblant de conscience, se raccroche à une rancoeur que je sens croître en mon cœur, en mes tripes, au sein de mes entrailles qu'il laboure de ses griffes, oscillant sans cesse, menaçant de s'effacer, de s'étioler au moindre coup de vent.

« Parce que la lignée doit être préservée. Qu'elle soit mourante ou non. »

« Le sang n'oublie jamais. Il est le porteur des souvenirs de ceux qui ont été là avant, qui ont souffert, qui ont échoués. Il est la trace, le savoir d'êtres dont il ne reste peut-être, qu'une pierre tombale que les intempéries n'ont eu aucuns scrupules à polir. Ta mère était capable de puiser en ce savoir, d'avoir la bénédictions des siens, de recevoir le baiser de ceux morts pour rien. »

« Prends soin de lui. »

L'avertissement n'est plus que murmure, râle d'agonie qui se perd dans le bruit sifflant de mes inspirations difficiles, ordre qui semble terminer de détisser cette apparition qui s'en retourne au néant, tandis que je reprends enfin mes esprits, le contrôle de ce corps qui peine à bouger, qui péniblement, accepte de rouler sur le côté le temps de me permettre de cracher cette bile qui me monte trop vite aux lèvres, de souiller un peu plus le tapis tout en tournant le dos à celui que je couvre bientôt d'un reproche péniblement hoqueté.

« Vous... Vous travaillez pour lui. »

Je le savais. Je m'en doutais et pourtant, j'ai voulu croire que tu n'avais pas d'autres intentions que celle de t'occuper d'un blessé de guerre, d'un écorché de plus afin de satisfaire ce besoin si chrétien de tendre la main dans l'espoir que le bon Dieu te félicitera le jour venu. Dans le fond, je voulais simplement que tu sois différent, que tu me donnes tort, parviennes à me surprendre. Je crois que je voulais être naïf, juste une fois.

« Le Baron... »

Recroquevillé sur le sol, je peine à me redresser, à chasser de mon visage, ces larmes que je dois autant à la fatigue qu'à cette sensation stupide qui étreint mon cœur, cette impression d'avoir été trahi par quelqu'un qui ne devait être rien, qui n'est au final, qu'un étranger qui s'est invité dans mon quotidien, un homme que je voulais fautif et pour lequel, j'ose avoir un sanglot.

« Vous... Il a parlé d'un ami en commun... »

Tu ne comprends probablement pas, dois même me trouver ridicule, enfantin à ainsi me laisser envahir par le chagrin, par cette déception dont je pensais me préserver. Tu ne peux pas imaginer à quel point j'aurais aimé que tu sois réellement là pour moi, que tout ceci ne soit pas encore une machination politique, une tentative de s'attirer mes faveurs dans l'espoir de satisfaire un plan. Je voulais que tu sois sincère, que pour une fois, quelqu'un le soit. Mais voilà, toi aussi, tu n'es là que pour les possibles que tu me penses capable de t'offrir.

« Vous êtes là parce qu'il l'a demandé. » Entre les larmes m'échappe un rire bien las. « Que veut-il de moi ? Je lui donne déjà ce qu'il veut quand il l'exige. »
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Mer 27 Déc - 19:05
Did someone call a doctor?
Même si je ne le vois pas tous les jours, il hante régulièrement mes pensées, comme un habitant incongru de mon esprit qui aurait décidé de s'y installer, s'y promener, et sur qui je tomberais régulièrement en ouvrant une porte quelconque, à chaque fois surpris. Je repense à nos conversations à cause d'un mot prononcé par un collègue à l'université, je le revois, exsangue et les poignets mutilés quand je vois un crucifix, ou parfois pour des choses anodines, je me dis que lui aussi aurait été capable de les créer au prix de quelques gouttes de son sang. Parfois j'ai tout simplement peur qu'il ne soit allé trop loin, et parfois je me surprends à penser à lui, à cette soirée où nous avons écouté de la poésie à la lueur de dizaines de chandelles pendant une des fameuses soirées qu'il a données et où le tout Berlin comme à chaque fois se presse.

Jamais quelqu'un n'a gardé aussi longtemps et aussi imperturbablement ce voile de mystère qui l'entoure, ces murailles charmantes et plaisantes qui cachent quelque chose de beaucoup plus sombre que je n'ai fait qu'entrevoir dans un moment de faiblesse. Rarement quelqu'un s'est aussi bien appliqué à maintenir ses distances, à tenir à l'écart en révélant tout de son corps pour ne rien révéler de son âme ou son coeur. Un univers sombre derrière la carte du Joker ou du fou du roi, charmeur et spirituel. Ce mélange m'intrigue et j'y repense bien souvent, espérant qu'un jour je puisse voir toutes les facettes de ce cristal d'obsidienne.

Et finalement le moment semble venir bien plus tôt, et dans des circonstances bien différentes en la personne de son majordome qui me pousse à venir le retrouver, car l'heure est grave. Enfilant des vêtements à la hâte et sautant dans ma voiture, lui me suivant dans celle de son maître, nous arrivons bientôt et son employé me guide dans les méandres de cette immense bâtisse et me retrouve face à un spectacle d'horreur. Une masse pâle, des flaques sombres et luisantes dans la lumière des chandelles. Une pièce secrète pour la pratique de sa magie? Sans vraiment réfléchir mes réflexes de médecin prennent le relai, bougent mes membres, activent mes mains et en un instant je me trouve à installer une compresse autour de sa gorge blessée, tout en l'examinant à la hâte. Son visage de cire est creusé, comme un marbre malade de musée, qui au début se laisse faire avant de se débattre, m'obligeant à le sédater pour espérer avoir une idée de ce qui se trame sous les ruisseaux de sang qui le maculent. Il est en vie mais je ne sais pour combien de temps. Et il a perdu du sang. Beaucoup trop. Je ne suis pas sûr qu'il tienne jusqu'à l'hôpital, et encore moins qu'il passe la nuit, alors contraint et forcé à une mesure extrême je tire le garrot de ma sacoche et profite de son apathie pour le transfuser.

Un liquide bordeaux épais suit son chemin dans le tube souple, passant d'une artère à une veine, et pendant que je lui injecte de la vie, de ma vie. Puis j'attends, contemplant son visage d'ange déchu en cire pâle. Par chance nous sommes du même groupe sanguin, mais il peut demeurer des rejets inexpliqués... les secondes s'écoulent et s'étirent, lentes, longues, infinies alors que se joue une recréation d'une statue de la pieta, lui tenant le rôle d'un Jésus tout aussi exsangue et portant également des stigmates d'un pouvoir trop grand pour lui. Puis il sursaute, trois jours plus tôt que son prédecesseur, murmure de ses lèvres gercées, tente de se débattre. Mais non. Il ne faut ni qu'il bouge ni qu'il résiste, car ce qui est important maintenant, clairement, c'est qu'assez de mon sang passe dans son organisme pour qu'il puisse simplement fonctionner, et glisser dans le plus petit capillaire, la moindre cellule. Je commence à batailler alors que dans un bruit sinistre l'aiguille se casse, retombant en un tintement sur le marbre, et que sous mon regard horrifié mon sang ressort à gros bouillons, venant m'éclabousser le visage. Comme si son corps... rejetait mon sang, mais pas de la manière habituelle. Tout son être s'est ligué, s'est entendu, s'est décidé à faire sortir mon hémoglobine de ses veines presque sèches. Mais quel horreur et quel prodige est-ce donc ça?

Puis une voix dans la semi-pénombre, un scintillement humide dans la lueur vacillante des bougies, puis je distingue le contour d'une main. Une forme qui se dessine. Tout cela fait de... sang. Le sien. La flaque sur le sol s'anime, se rassemble, et devient tangible. Une chose que je ne pourrais déterminer commence à apparaître, et elle parle. Ou je crois qu'elle parle. Je bégaie, ouvrant et refermant la bouche de façon ridicule dans une tentative ratée de parler. Mais pour quoi dire? Que peut-on ajouter face à un tel spectacle? Sa magie a été capable de créer une entité propre et pensante, ce qui est tout bonnement exceptionnel, extraordinaire. Une fascination morbide me gagne alors que je ne peux détacher mes yeux de cette prouesse sanguinolente qui continue de prendre corps.

Il... il n'est pas à moi mais je... je ne veux pas qu'il meure. Je veux le sauver.

Une nausée me prend alors que je sens les mains froides et poisseuses de la chose se poser sur mes joues, retenant mon souffle. Je ne sais même plus si ce à quoi j'assiste est bien vrai, si c'est un cauchemar ou la réalité. Mais la chose est là, elle est face à moi. Elle me regarde. Elle me touche. Elle me parle. Elle sent et elle pense. Elle s'inquiète même. Elle m'ordonne avec une once de supplique, comme si la magie elle-même, sa magie, s'adressait à moi. Est-ce par amour? Est-ce par crainte de perdre son vaisseau? Je ne sais pas. Simplement la forme disparaît, la silhouette s'estompe, redevient flaque sombre, redevient hémoglobine oxydée. Et c'est juste à temps que j'arrive à le faire basculer sur le côté alors qu'il vomit, puis murmure entre deux borborygmes.

Non. Je ne travaille pas pour le Baron.

Mais pourquoi? Le connais-tu? Comment t'es-tu retrouvé lié au Baron? Son nom à cet endroit, à ce moment, m'étonne et me surprend. Mais j'ai surtout d'autres urgences dans l'immédiat. D'un geste tendre j'essuie ses lèvres avec mon mouchoir brodé, puis son front trempé de sueur.

Ne dis-rien. Garde tes forces... Tu n'es pas en état de parler... Je m'occupe de tout.

Je m'accroupis et glisse mes bras sous son corps pour le soulever lentement. Je me dirige vers la porte, le tenant toujours, avant d'ordonner à son majordome de me suivre avec ma sacoche. Qu'à partir de maintenant et jusqu'à nouvel ordre, Mathias vivrait chez moi pour avoir des soins constants. Qu'il devrait faire porter les affaires de son maître chez moi tout à l'heure. Et que personne ne devrait être au courant. Je conclus en demandant une couverture, et j'enroule Mathias à l'intérieur avant de le déposer sur le siège passager de ma berline qui attend sagement près du perron. Je me mets en route et sans un regard en arrière je pars, l'emmenant avec moi.

**

J'arrive chez moi et sonne Jenkins, qui arrive en pyjama, enroulé d'un peignoir, ses babouches turques aux pieds. Il a l'air surpris de voir l'étrange bagage que je rapporte mais encore une fois, c'est Jenkins.

Dois-je préparer la chambre d'amis?
En effet Jenkins. Ce jeune homme va demeurer avec nous quelques temps, jusqu'à ce que son état lui permette de retourner vivre chez lui.
Fort bien.


Il me précède jusqu'à la chambre à côté de la mienne, et je le dépose dans le grand lit pendant que mon camarade allume un feu dans la cheminée, qui crépide doucement, des langues dorées venant lécher le plafond. Je le change rapidement, lui passant un de mes pyjamas, le plus doux avec des carreaux rouges et blancs. Puis je le glisse sous les draps propres sentant la lavande, avant de me laisser retomber sur le fauteuil près de lui en soupirant.

Les jours qui s'annoncent ne vont pas être de tout repos. Ce jeune homme est un toxicomane, s'adonnant à l'alcool et autres drogues. Nous devons l'en sevrer, sinon j'ai peur qu'il n'y survive pas. Il va vous supplier, vous menacer, tenter de voler ou que sais-je... Et encore une fois, j'ai besoin que vous soyez mon roc dans la tempête Jenkins.
Bien sûr monsieur. Et s'il se montre trop récalcitrant, je pourrai toujours l'enfermer dans la cave et le laisser s'y calmer avec une tisane. Au vu de sa constitution, je crois pouvoir le maîtriser sans problème si le besoin s'en fait sentir.
Parfait. Cela me rassure beaucoup. Allons, laissons le reposer, la nuit a déjà été bien assez chargée.


Au matin le petit déjeuner est servi dans la salle à manger, et je lis le journal en savourant un petit déjeuner viennois typique : croissants, pain, saucisse, oeufs et jambon, accompagné d'un thé noir, vestige de mes années londoniennes. Et j'espère qu'il se réveillera avant que je doive partir à l'université.
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Mar 2 Jan - 21:35
Did Someone call a doctor ?
Abraham & Mathias
Running in circles, chasing our tails
Coming back as we are
Nobody said it was easy
Oh, it's such a shame for us to part
Nobody said it was easy
No one ever said it would be so hard
I'm going back to the start

Mensonge.

D'un faible battements de cils, je fais part au médecin de ma déception, de ce dédain que je n'ai pas la force de lui cracher au visage, qu'il me faut ravaler, non pas par fierté, mais par lâcheté, alors qu'allongé sur le tapis, les poignets ensanglantés et les doigts tremblants, je ne parviens même pas à le fuir, à trouver le courage de ramper à même le sol jusqu'à cette table que je considère un instant du regard avant de soupirer, de cracher, une fois de plus, au sol, un mélange épais de salive, de bile et de sang dont la texture seule me fait avoir un autre haut le cœur, ravive cette nausée qui m'abrutit, anéantit ce qu'il peut bien rester de mes pensées, de ma psyché actuellement dévorée par les visions de ce moment qui n'aurait jamais dû être, d'un présent et passé qui se mêlent pour former sur mes rétines, l'image même d'une folie, d'une démence qui se permet de ramper sous mon derme, de venir, entre les fibres de mes muscles, de ma chair, se glisser pour se jouer de mes nerfs, pour comprimer mes artères et autres veines qui peinent désormais à acheminer toute hémoglobine jusqu'à mes plaies, qui s'amuse à me tuer, à me faire goûter à cette agonie à laquelle personne n'échappe, à ce châtiment, ce jugement quasi-divin qui laisse sur ma langue, l'arôme acre du regret, des remords, de cette culpabilité qui, en cet instant, aime tant percer de ses crocs mes entrailles, empoisonner mes organes. Las, je ne peux donc que subir, accepter et la détester, cette docilité dont trop on abusé, cette facilité à céder qui m'a fait un jour, n'être que soldat dans les tranchés, bel outil servant sa patrie, anonyme versant son sang pour les intérêts d'une nation qui jusque-là, s'en foutait bien de mon nom, de la sauvegarde ou non d'une lignée décadente, d'une famille mourante, de son seul hériter qui n'a jamais été qu'un con, un enfant trop soucieux de plaire, de satisfaire ses aînés, d'enfin, connaître de son père, cet amour depuis longtemps enterré aux côtés de cette mère dont je n'ai au mieux, que des impressions, que l'image flottante et incertaine venant de ce tableau trônant dans ma chambre, de ces quelques photos volés à la hâte à mon départ.

« Mentez-moi un peu mieux, s'il-vous-plaît. » finis-je par souffler entre deux expirations difficiles, deux tentatives de chasser les vertiges et la fatigue, de m'extraire de cet état végétatif où, les lèvres tremblants, le regard cloué au sol, je ne peux que secouer la tête, que tenter d'esquisser ce sourire qui ne vient jamais, de prétendre être celui que j'étais à notre rencontre, ce Mathias qui n'avait besoin de rien, qui seul dans sa décadence, s'était couronné roi de sa souffrance, empereur et bourreau de son malheur, ce riche désabusé qui attendait simplement la fin, heureux d'être un jour châtié pour ses crimes, d'être envoyé aux enfers pour apaiser ceux injustement massacrés, ceux dont les visages hantent trop de fois ces rêves qui percent l'ivresse, parviennent à à raviver cette lucidité que je m'évertue à tuer. « Je mérite mieux. »

Fais-tu plus d'efforts avec les autres, me vois-tu réellement comme un idiot, un sot dont il est facile d'abuser, un inconscient qui ne connaît pas la valeur, la puissance de ses pouvoirs, un simple égaré qu'il faut ramasser, à qui, il faut trouver un but, une ambition que toi et les tiens pourraient lui souffler, lui inculquer dans l'espoir, soi-disant, de le sauver, de le tirer de sa misère, afin de ne pas gâcher son potentiel ? C'est bien pour ça que tu es là, n'est-ce pas ? Pour te faire cette vipère capable de me charmer, de distiller en ma psyché, l'idée que je serais plus heureux en étant, à nouveau, l'esclave des plus grands, une arme aimant être utile et utilisée, un objet, un animal que l'on remet dans sa cage à la nuit tombée, une fois les combats terminés ? Probablement. Moi qui voulais que tu sois différent. Quel idiot je fais. Tu es bien comme lui, tu sais.

Trop faible pour m'indigner, pour le repousser, je me fais ainsi docile pour ses attentions, pour ce geste qui m'arrache pourtant une grimace, fait naître en mon cœur, une forme de colère, de violence qu'incapable d'extérioriser, il me faut ravaler, en mes intestins, garder, laisser fermenter, haïssant de n'être que corps inutile face à lui, carcasse qu'il soulève sans trop de peine, porte comme si dans ses bras, se trouvait une simple idée d'être humain, une trace, un reste menaçant de s'étioler dans l'air, de ne devenir que poussières si il en venait à respirer trop près de ma peau, à hausser le ton juste assez pour terminer de saturer mes sens, chassant ainsi ce qui peut bien rester de mes pensées, de cette raison que je sens s'éteindre au fil des secondes passant, à chaque pas qu'il fait, m'arrachant à ma demeure, à ce cercueil, ce mausolée que j'ai bâti en espérant mourir au plus vite, en m'imaginant laisser comme héritage, une belle histoire que certains se raconteraient en parlant du passé, en évoquant les passions et la violence de ces fêtes où rien n'avait d'importance si ce n'est l'ivresse et l'excès, où la jeunesse se pouvait d'être insolente, insouciante, où au milieu de la foule, j'étais ce dieu trop généreux, l'incarnation même d'une envie de fuir la réalité, d'échapper à la morosité, aux destins trop cruels, à la douleur des guerres qui ne cessent jamais.

Tout cela, je l'ai construit dans l'espoir que les autres se souviennent de moi, qu'ils emportent avec eux, une plus belle version de moi-même, une idéalisé jusqu'à en faire un complet étranger, un homme qui mériterait d'être aimé, adoré, un qui ne porterait pas en lui ni traumatismes, ni chagrin. De moi, je voulais qu'il fasse celui que j'aurais aimé été. Ce fils que mon père aurait aimé avoir, ce frère dont Matthew aurait pu être fier.

Les yeux désormais clos, je me laisse bercer, impuissant, épuisé, éreinté à l'idée même de bouger, d'hurler, d'essayer de sauver ce qui peut bien rester de ma dignité, de ces apparences qui ne valent rien, qui n'étaient que piètres mensonges qu'il n'a jamais avalé, des couleuvres qui a laissé glisser entre ses doigts pour l'atteindre, cette dure vérité, cette laide réalité, ce moi si creux quand on en gratte la surface.

Je voulais que toi aussi, tu y crois. Que tu l'emportes, ce souvenir qui m'aurait rendu éternel, immortel. Que comme les autres, tu fasses de moi cet instant, ce moment qui, avec le temps, ne cesse de s'embellir, se fait plus lumineux au gré des années, de la vie passant.



L'odeur du charnier se fait fragrance presque rassurante, parfum que je hume dans l'air glacé sans broncher, incapable de m'étonner, d'être dégoûté par les effluves de la viande et des corps pourrissant dans la boue, dans le sang et la fange, pris dans les griffes de la boue, de la terre retournée par la folie des hommes, par ceux dont aujourd'hui, il ne reste que des ossements battus par la pluie, rongés par les charognards et autres corbeaux qui font des ronds dans le ciel, qui au-dessus de nos têtes, s'indignent, détestent que l'on puisse déranger leur festin, se frayer un chemin entre les tranchés, achevant les rares survivants, les déserteurs terrés entre deux camarades tombés, prisonnier de barbelés, des volontairement mutilés qui, incapable de bouger, prient pour le pardon des saints peuplant les cieux, pour la venue d'un Dieu indifférent.Le regard vide, j'avance, obéit, tue, incapable de m'excuser, de m'en vouloir, bien trop habitué au carnage, à la cruauté, à la violence, à ces atrocités qui ne cessent de se répéter, qui, devenues quotidiennes, ne sont plus que banalités, révulsant moments durant lesquels, je n'existe pas, ne suis que creuse silhouette, idée d'être qui se laisse guider par d'autres, qui obéit pour échapper aux conséquences, aux questions et angoisses qui viendront, aux tourments et autres hurlements qui remplaceront le confort de l'horreur.

J'en suis venu à espérer que cela ne s'arrête jamais. Que l'éternité devienne purgatoire, la paix un fantasme, une folie, démence qui s'empare uniquement de ceux fauchés trop tôt, de ceux tombant bien avant les autres. Que jamais, je n'ai à m'éveiller de cette lassitude qui fane autant mon cœur que mon esprit, que la grâce de l'insouciance me préserve de l'après, du chagrin et de la culpabilité qui découleront forcément des combats, qui viendront hanter les bourreaux comme les survivants, se feront spectre qu'il sera impossible d'exorciser, de chasser, aux mains desquels, il faudra danser jusqu'à la fin, se fatiguer, s'user à prier pour qu'il s'en aille enfin.

Face au vide, je suis pris d'un vertige alors que je m'arrête, laissant le reste du groupe avancer sans moi, s'enfonçant toujours plus dans le bourbier, dans la gueule d'un orage qui gronde depuis des jours déjà, contemplant au milieu des uniformes déchirés, de la végétation arrachée, piétinée, les quelques armes ayant survécut aux bombardements, ces fusils et autres lames qui dressées, plantée là dans la crasse, érigées en ces croix que personne ne prendra la peine de lever à la mémoire de ces âmes dont les restes finiront entassés dans une fosse commune, se faisant ainsi dernière trace de ces anonymes morts pour leur patrie.

Je les envie, à vrai dire. Espère aussi, qu'ils seront fait martyrs, que l'on leur accordera la grâce des stigmates, de la pitié. J'aimerais m'y noyer aussi, dans ce lac d'immondices, à mon tour, plonger sous la surface de la boue et du sang, le connaître, le silence assourdissant, ce rien, ce néant capable de tout effacer, de faire table rase du passé.

« Il arrive, Mathias. »

Je sais. Je le connais, ce rêve, ce cauchemar. Il répète le passé jusqu'à cet instant précis. Jusqu'au moment où tu arrives, Lalie. Où à quelques mètres de moi, tu feins d'être là, d'être témoin du drame à venir.

« Nous aurions dû t'abandonner, tu sais. Te laisser ici, au milieu de rien, te laisser agoniser. Cela aurait plus juste. Pas assez aux yeux de tes victimes, mais au moins, toi aussi, tu aurais été privé de cette vie que tu ne mérites pas. Pourquoi? »

Silencieux, je ne peux que frissonner, les yeux clos, les lèvres entrouvertes pour laisser échapper un sanglot, un regret, un souffle qui se meurt dans l'éther.

« Nous aurions dû te jeter en pâture aux soldats affamés. »

Alors que je tente de hurler, le grondement terrible de l'obus frappant le sol, soulevant la terre à la manière d'un colosse déchirant la croûte terrestre, je sens ma peau cuire, fondre à même ses muscles qui se déchirent, implosent en même temps que mes organes, formant une mélasse humide et brûlante qui dans l'air, s'évapore sous l'effet de la chaleur, se transforme en un brume d'hémoglobine et de viscères, en un fluide que la pluie lave bien vite. Puis, mes os se brisent, deviennent fragments, esquilles se dispersant, formant à l'endroit où je me trouvais, rien de plus qu'une silhouette grotesque.





C'est un cercle sans fin, un châtiment qui chaque nuit reprend. Un tourment mérité. L'enfer me réclamant avant même la tombe. Le destin parfait pour un assassin, pour l'être abject que j'ai été.

C'est péniblement que j'ouvre les yeux, grognant, détestant l'odeur du thé mêlé à celle des œufs et de la viande, du pain grillée, grimaçant pour se mélange de fragrances qui peine à réveiller mon estomac, m'arrache une pénible déglutition qui n'est bonne qu'à faire naître au creux de ma gorge, un semblant de nausée, un vertige que je tente de chasser alors que je repousse les draps pesant sur ma personne, tente de soulager la douleur irradiant de mes poignets en gigotant, prisonnier d'un pyjama qui semble trop lâche autour de ma silhouette émaciée, qui peine à coller à ma peau pourtant poissée d'une sueur glacée qu'il me semble sentir cascader le long de mon échine alors qu'enfin, je parviens à me redresser, malgré les points que je sens tirer sur ma chair encore endormie, sur ce derme trop souvent mutilé, abîmé par les années.

« C'est une honte. » dis-je d'une voix râpeuse, désormais adossé à la tête du lit, mon regard fuyant encore le médecin. « Avoir autant d'argent pour acheter des draps de si mauvaise qualité. » Une expiration pénible plus tard, je reprends. « Ils grattent. » conclus-je simplement, enfin extirpé de ceux-ci, cherchant déjà à échapper à l'étreinte du matelas, à me faufiler bien loin de ce lit qui n'est point le mien, de cette chambre en laquelle je me sens soudain si minuscule, comme prisonnier de quatre murs qui ne cessent de se rapprocher, de menacer de se faire cellule d'asile, pièce faussement chaleureuse au sein de laquelle, je ne serais qu'animal en cage, étrangeté que l'on garde loin du reste de la société, curiosité que l'on épingle sur un tableau pour mieux la disséquer, l'observer, s'étonner de ses tares, de ses imperfections. En un mouvement trop rapide, je me lève ainsi, tanguant, me retenant comme je peux sur la table de chevet à portée de main, luttant pour ravaler bile et cœur qui montent déjà à mes lèvres, pour mieux poser sur le médecin, un regard courroucé.

« Je n'ai pas besoin de votre charité. Je vous l'ai déjà dit. »

Que le diable l'emporte, ta pitié, cette peine qu'il me semble trouver au fond de ton regard, de ce besoin paternel et maladif de me ramasser comme si j'étais ce fils égaré que tu n'as pas, cette pauvre chose incapable de réaliser, de comprendre ce qui peut bien lui arriver. Je sais ce qui m'arrive. Crois-tu vraiment que je suis à ce point stupide ? Que je ne vois pas la fin arriver à grand pas ? Je l'ai choisi. Décidé. Je l'ai souhaité. Je le sais et j'ai fait ma paix avec cela.

« Il y avait largement assez de lits chez moi, vous n'aviez pas besoin de me ramener ici. » Les reproches se font feulements entre mes dents tandis que je tente de me redresser pour mieux le toiser. « Je commence à en avoir assez de tout ça. Vous pourrez le dire au Baron. Puisque c'est lui qui vous a demandé de me surveiller, n'est-ce pas ? » Je ne laisse passer qu'une seconde avant de m'emporter, d'un geste rageur, jeter au sol le plateau, ignorant complètement le bruit que fait la tasse en se brisant au sol, de sentir mes pieds être éclaboussés du breuvage encore chaud. « Je ne lui ai jamais refusé quoi que ce soit ! J'ai obéis ! J'ai été exactement ce qu'il voulait ! Alors pourquoi ?! Pourquoi vous envoyer ?! J'en ai assez ! J'en ai assez de le servir et pourtant... ! Pourtant je suis docile ! » Difficilement, je reprends mon souffle, tente de lutter contre ses larmes qui déjà, obstruent ma trachée, s'amusent à m'étouffer là où je tente de les ravaler. « … J'ai encore tué pour lui, cette nuit. N'ai-je pas assez prouvé que je suis heureux de servir ? »
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Ven 1 Mar - 18:04
Did someone call a doctor?
J'arrive à voler quelques heures d'un sommeil bienheureux, lourd et vide de rêves et lorsque le réveil sonne, j'ai l'impression de sentir un crochet de fer qui m'extirpe avec force d'un bain tiède et agréable. La violence de la sonnerie est douloureuse mais je ne peux pas rater une heure de cours, et j'ai des patients qui m'attendent, alors je soupire, lutte contre les couvertures que je repousse et me glisse hors du lit encore chaud. J'enfile ma robe de chambre matelassée et mes babouches d'intérieur avant de descendre d'une démarche lourde jusqu'à la salle à manger. Gloire à cet homme sauvé dans un parc londonien, qui a préparé ce petit déjeuner dont la vue seule adoucit la dureté du réveil... Je m'installe, attrape le journal, et soupire de soulagement à la première gorgée de thé roulant sous ma langue, juste assez fort pour dissiper les dernières brumes du sommeil, mais pas trop pour être désagréable. Parfait, comme toujours.

Jenkins me rejoint, vieille habitude fort peu protocolaire que nous avons prise depuis le début de notre collaboration : il me semblait totalement idiot que nous déjeunions seuls chacun à l'autre bout de la maison alors que nous ne vivions qu'à deux ici, et qu'il est toujours agréable d'avoir de la compagnie. Cela nous permettait aussi de parler de choses et d'autres, de planifier la journée à venir, et d'échanger les nouvelles : de par sa position de domestique, il était régulièrement en contact avec le personnel d'autres maisons et s'il y a bien une chose évidente dans le monde du service, c'est que le personnel adore parler de leurs maîtres. Ils s'en plaignent, râlent, échangent les ragots et les potins, et plus d'une fois ce réseau fantôme, tissé autour de parties de cartes endiablées lancées pendant que les maîtres sont invités à un dîner mondain et que leur chauffeur doit attendre leur bon vouloir pour rentrer, d'échanges de services, de verres bus dans des arrière-cuisine ou de tours au marché a permis d'obtenir des informations plus qu'utiles et de première main. J'attaque avec bonheur un croissant au beurre que je démembre avec joie, répandant une pluie de flocons de pâte feuilletée sur la porcelaine.

- Est-ce que notre invité dort toujours?
- Oui monsieur, à poings fermés.
- Fort bien. Le premier pas vers sa guérison est du repos. Beaucoup de repos.


Pourtant notre invité semble en avoir décidé autrement car un fracas retentit à l'étage, et dans un même geste Jenkins et moi nous levons, et montons quatre à quatre les escaliers menant à l'étage. Et alors que l'on s'approche, on peut entendre crier, et invectiver. Je suis le premier à entrer et trouve le fils De Cosset-Brissac titubant, les yeux hagards, venant de renverser le nécessaire de toilette posé sur la commode non loin de son lit. Heureusement le nécessaire est en argent, et rien n'est cassé à part le bruit. Pendant que je m'approche pour le guider à nouveau jusqu'au lit, Jenkins a déjà commencé à ramasser les brosses et peignes épars sur le tapis.

- Mathias, tout va bien. Vous êtes chez moi... dans ma maison. Vous allez séjourner ici quelques temps, jusqu'à ce que vous alliez mieux... Vous avez besoin de quelqu'un qui veille sur vous au quotidien et c'est ce que je compte faire, ainsi que mon majordome Jenkins, ici présent. C'est ici la chambre que vous occuperez... mais pour l'instant, vous avez encore besoin de dormir un peu d'accord?

Il tente de lutter mais par chance il est encore bien trop faible pour arriver à me tenir tête. Et je le rassure, répétant des paroles comme on le fait aux enfants, et j'arrive finalement à le faire se rasseoir, puis s'allonger. Une main sur son épaule, j'utilise l'autre pour ouvrir ma sacoche restée près du lit sur le sol, et attrape un flacon d'ether que j'ouvre en ôtant le bouchon avec mes dents. Je le lui glisse sous le nez, le faisant inspirer profondément. Et rapidement, après de longues inhalations sa tête devient lourde, ses yeux luttent pour rester ouverts, avant qu'il ne se laisse enfin retomber dans les oreillers, apaisé, et endormi. De mon côté je m'habille rapidement, achève mon petit déjeuner et enchaîne deux heures de cours avant de filer à mon cabinet. J'ai demandé à Jenkins de me prévenir si jamais il y avait du nouveau, mais rien pour l'instant, par chance. Puis le dernier de mes patients quitte ma salle de consultation, mon secrétaire termine la paperasse et je le laisse fermer, prenant un taxi pour rentrer, préférant laisser Jenkins auprès de Mathias, au cas où.

Je passe la porte et j'entends des éclats de voix provenant du salon. Mathias s'y tient, encore en pyjama, enroulé dans une robe de chambre, l'air furieux, une cigarette aux lèvres, et à ses pieds une tasse et une soucoupe brisées, fixant Jenkins d'un air de défi. On dirait que la nuit a porté ses fruits, finalement. Me forçant à sourire je me racle la gorge et entre dans la pièce.

Bonsoir mon cher Mathias. Je vois que vous êtes réveillé et conscient. Vous m'en voyez ravi. Et si nous nous asseyions pour prendre le thé au lieu de lancer des tasses, comme des gens civilités? Je pourrai ainsi répondre à vos questions qui, j'en suis sûr, sont nombreuses.


Je m'installe sur le sofa faisant face à la cheminée allumée, et lui fais signe de s'asseoir également.

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